quent inoui. Il n'en étoit pas de même de l'histoire des anciens temps. Pausanias regardoit de pareils événemens comme très-ordinaires. Lorsqu'il cherche à excuser Auguste d'avoir enlevé une ancienne statue de Minerve à Alea, ville qui, pendant sa guerre avec Antoine, avoit tenu le parti de ce dernier, il se sert, entre autres, de ces expressions : « Auguste a fait << quelque chose qui avoit été usité dès les temps << les plus reculés, et qui a été regardé comme << juste et permis par les Grecs et par les Bar« bares. (2) » Pour prouver ce qu'il avance, il cite plusieurs exemples, tirés de l'histoire des temps antérieurs. Pausanias n'a pas pu avoir l'intention de flatter, par ce passage, Auguste, qui alors étoit mort depuis longtemps. Au reste, cet auteur étoit grec de naissance, et non pas romain; l'enlèvement des ouvrages d'art de sa patrie par les Romains, devoit donc toujours avoir quelque chose de pénible pour lui; enfin, lorsqu'il parle des déprédations que Sylla et Néron se permirent à l'égard de plusieurs peuples grecs qui vivoient en paix avec les Romains, il ne traite ni l'un ni l'autre avec ménagement. Ce que Pausanias avance, nous fait donc voir que l'enlèvement des ouvrages d'art du pays des vaincus fait par les vainqueurs, n'étoit pas dans l'antiquité regardé comme extraordinaire, et que, sous de certains rapports, on le regardoit meme_comme permis. Ce point est pure(2) Pausan. VIII, 46. M3 ment historique, et ne concerne que le fait de l'analogie dans la manière dont se sont comportés à cet égard les anciens. Les recherches de M. Sickler doivent aussi intéresser ceux qui aiment à suivre les progrès de la civilisation, l'antiquaire, l'historiographe, et surtout l'artiste. M. Sickler a su rendre son ouvrage également intéressant pour ces différentes classes de lecteurs. L'Histoire de l'enlèvement des principaux ouvrages de l'art, dit-il, ainsi que celle de la civilisation en général, et même des différentes histoires spéciales et particulières de la propagation de certaines connoissances et pratiques, telle que l'histoire de la Culture des Arbres fruitiers, nous suggèrent cette observation extrêmement remarquable, que presque tout vient de l'est et se dirige vers l'ouest. Le plus ancien enlèvement d'un objet d'art dont il soit fait mention dans l'Histoire, remonte jusqu'aux siècles héroïques; c'est celui de la statue de Mars Thereites, par Castor et Pollux, lors de l'expédition des Argonautes en Colchide, pays qu'on considéroit alors comme l'extrémité orientale de l'ancien monde. Ensuite vient celui des objets d'art de Troie dans l'Asie Mineure, transportés/vers l'ouest en Grèce. De ce pays, tous ces objets d'arts passent, pendant environ quatre cents ans, soit par voie de conquête, soit par voie d'achat, dans l'Italie, située encore plus loin vers l'ouest. De nos jours, ils ont été encore plus loin vers l'ouest, en passant en France. Il paroît donc presque que c'est dans le plan de la nature de leur faire faire le tour du globe dans la direction de l'est vers l'ouest. Cette observation ne doit pas être sans intérêt pour celui qui aime à suivre les progrès de la civilisation du genre humain par les sciences et les arts. L'espèce humaine elle-même s'est d'abord répandue de l'est vers l'ouest dans l'Europe entière par des migrations de peuples plus ou moins considérables; nous voyons également venir de l'est les arbres fruitiers et presque toutes les plantes céréales, les légumes et tout ce qui tient à la nourriture de l'homme; les sciences et le luxe de l'orient ont passé également de l'orient en occident; et c'est encore ainsi que nous voyons les arts, ou du moins leurs plus belles productions, venir de l'orient et se répandre dans les pays de l'occident. Par conséquent, presque tout ce qui sert non-seulement à satisfaire les besoins indispensables de la vie, mais encore ce qui contribue à rendre notre existence agréable, à nous en faire sentir tous les charmes, tout le prix, nous est venu de l'orient. C'est pour ceux qui aiment à réfléchir sur l'histoire générale de l'espèce humaine, que M. Sickler a d'abord destiné son ouvrage, qui servira de nouveau à prouver cette vérité, que partout où l'homme pénètre, il y apporte ses besoins, et en même temps les arts, c'est-à-dire les moyens de satisfaire à ses besoins; et qu'il aime les arts d'autant plus, qu'il sent plus vivement le desir d'ennoblir la plus belle faculté de son esprit, et celui de réunir le beau à l'utile. L'ouvrage de M. Sickler sera encore intéressant pour ceux qui aiment à s'occuper de l'histoire et de l'antiquité. Il leur fera voir dans quelles contrées ont été exécutés les principaux ouvrages de l'art du monde ancien, dont quelques-uns se sont perdus, tandis que d'autres nous sont parvenus; quel a été le sort des différens monumens, dans quel pays, à quelle occasion ils ont été d'abord exposés, dans quelles contrées ils ont été successivement transportés; en mėme temps, il leur donnera des aperçuş neufs sur les rapports politiques qui avoient lieu parmi les peuples de l'antiquité. Cette Histoire de l'Enlèvement des Monumens de l'art a cependant été écrite principalement dans l'intention d'être utile à l'artiste, qui, à la pratique de son art, desire joindre les connoissances historiques qui s'y rapportent. En effet, l'artiste ne doit-il pas être flatté infiniment, ne doit-il pas s'enflammer d'une noble émulation d'atteindre à la perfection des grands maîtres de l'antiquité, lorsqu'il lit que dès les temps les plus reculés, les peuples les plus distingués estimoient les ouvrages de l'art au point que, pour les posséder, ils entreprenoient souvent des guerres; lorsqu'il voit que les ouvrages de l'art étoient comptés au nombre des morceaux les plus précieux du butin enlevé des pays conquis, et qu'ils étoient les plus beaux ornemens de leurs pompes triomphales; lorsqu'il voit que déja dans le siècle héroïque, après la prise de Troie, les statues sont partagées solennellement par la voie du sort; lorsqu'il voit l'empressement des Romains d'enrichir leur ville des ouvrages de l'art qu'ils avoient trouvés dans les villes de l'Etrurie, dans celles de Samnites, de la Campanie, de la Grande-Grèce et à Syracuse; lorsqu'il voit les généraux victorieux Flaminius, Paulus AEmilius, Metellus Macedonicus, Mummius, Lucullus, Pompée, Scipion, Auguste, revenir aux côtes d'Italie avec leurs flottes chargées d'ouvrages de l'art de toute espèce; lorsqu'il voit les habitans de l'Italie accourir avec empressement aux ports où l'on apporte ces monumens du talent de Praxitèles, de Myron, d'Apelles, etc.; lorsqu'on voit ces memes habitans se porter en foule sur les chemins où ces monumens doivent passer, les accueillir, avec les démonstrations de la plus grande joie, aux portes de la ville de Rome, pour laquelle ces jours étoient des jours de fête et de réjouissance solennelle. L'auteur ajoute encore dans l'introduction, quelques observations fort justes sur la différence des sujets qu'offrent aux artistes la mythologie grecque et l'histoire religieuse du christianisme, sous le rapport de l'art. M. Sickler a traité son sujet d'après la méthode ethnographique, c'est-à-dire qu'il parle de suite de tous les enlèvemens des objets d'art entrepris par le même peuple. Dans la première section, il parle des ouvrages de l'art enlevés par les Grecs; dans la seconde, de ceux enlevés |