NOTICE sur deux Inscriptions en caractères runiques, trouvées à Venise (1), et sur les Varanges; par M. AKERBLAD ; avec les remarques de M. d'ANSSE DE VILLOISON. , Dans les descriptions de Venise, qui ont été faites depuis un siècle, il est parlé de deux lions de marbre, et de grandeur colossale placés à l'entrée de l'arsenal de cette ville. Toutes nous apprennent qu'ils y ont été transférés d'Athènes, après la prise de cette ville, par les Vénitiens, en 1687; quelques-unes même citent les inscriptions latines gravées sur les piédestaux, et qui attestent le mème fait (2). Tous les voyageurs qui ont visité Athènes, lorsque ces lions y étoient encore, parlent de ces beaux monumens. La Guilletière (3), Wheler (4), Spon (5), Cornelio Magni (6), et plusieurs autres en font mention, ou en donnent la description. L'un de ces lions étoit, à cette époque, sur le bord du rivage, au fond du port Pirée, qui en a reçu le nom de PortoLeone, dont tous les navigateurs européens se servent encore aujourd'hui (7): l'autre étoit sur le chemin qui conduit de ce port vers la ville. Wheler fixe la hauteur du lion assis, à dix pieds. Spon dit qu'il est trois fois plus grand qu'un lion naturel, et qu'il servoit autrefois à une fontaine; ce qui se voyoit facilement par les excavations faites le long du dos, et qui conduisoient l'eau par la gueule (8). Voilà à peu près tout ce que les voyageurs rapportent au sujet de ce monument. On le trouve gravé dans les deux ouvrages suivans : Atene attica descritta da suoi principii sino all' acquisto fatto dall' armi Venete nel 1687. Di Francesco Fanelli J. C. ed Advocato Veneto ; dedicata al Cardinale Nicolò Acciajuoli. Venezia, 1707, in-4°. (pag. 8g et 344.) Delle antiche statue greche e romane che nell' antisala della libraria di San Marco, ein altri luoghi pubblici di Venezia, si trovano. Venezia, 1743. fol. (parte seconda, tav. 42). Il en existe aussi des figures en petit dans presque toutes les descriptions de Venise. En réfléchissant que ces lions, vus et examinés d'abord à Athènes, par les voyageurs les plus distingués, ont été depuis exposés aux yeux de tout le monde, pendant plus de cent ans, dans une des plus florissantes villes de l'Europe, et qui attire tous les jours une foule d'étrangers de toutes les nations, on pourroit croire que les recherches à cet égard ont été épuisées; et on ne sera pas médiocrement surpris d'apprendre que sur celui de ces lions qui est assis, à gauche en entrant dans l'arsenal, l'on entrevoit deux longues inscriptions en lettres runiques, qui, à ma connoissance, n'ont jamais été aperçues ou citées par personne. Il est assez singulier que ces inscriptions aient échappé à l'attention des voyageurs du Nord (9). Les caractères runiques sont à la vérité, en grande partie effacés; mais les contours du bandeau en forme de serpent, sur lequel ces caractères étoient tracés (10), sont, surtout du côté droit, très-visibles, même à une certaine distance, et n'auroient jamais dû être méconnus par quiconque a seulement vu des inscriptions runiques. Que les savans italiens ne les aient point remarqués, c'est ce qui n'a rien d'étonnant: tout ce qui n'est point latin ou grec leur est ordinairement inconnu, ou leur paroît peu important. Je dois prévenir le lecteur que je ne me propose pas de donner l'explication de ces inscriptions. Outre leur dégradation actuelle qui s'y oppose, je ne suis pas assez versé dans les langues anciennes du Nord, pour oser tenter cette entreprise. J'ai voulu seulement, par cette notice, appeler l'attention de nos savans sur un monument qui est digne peut-être de leurs recherches. Pour leur procurer une copie parfaitement exacte de ces inscriptions, j'avois l'idée de les faire mouler en plâtre : mais ce projet rencontra des difficultés insurmontables dans les temps orageux où je me trouvois à Venise. Je fus obligé de me contenter de faire dessiner le lion sous trois points de vue, par un habile artiste, et de tracer moi-même les traits les mieux conservés de l'écriture runique (11). Je n'ose pas espérer que ces copies puissent satisfaire nos antiquaires, malgré la précision que j'ai tâché d'y mettre. Il suffit qu'elles donnent une idée des inscriptions: des circonstances plus favorables placeront les personnes qui voudront faire la dépense nécessaire, à portée de s'en procurer des copies en plâtre, qui sans doute feront ressortir plusieurs traces de l'écriture, que je n'ai pu distinguer. Au retour de mon voyage d'Italie, j'ai fait part de cette découverte à plusieurs savans en Allemagne, en Danemarck, et en Suède; leur première question a toujours été si ces inscriptions étoient réellement runiques: l'inspection seule des copies n'a jamais manqué de convaincre les plus incrédules. Parmi les faits qui ont rapport à ce monument, je leur citai qu'un général suédois (le comte de Konigsmark) commandoit les troupes de débarquement au dernier siége d'Athènes : aussitôt plusieurs de ces savans ont eu l'idée que ce général, ou quelqu'autre Suédois de sa suite, s'étoit peut-être amusé à tracer ces inscriptions, et qu'elles doivent être par conséquent très-modernes. Il est permis à ceux qui n'ont pas vu ce monument, de faire cette supposition; mais si l'on considère le travail long et pénible qu'il a fallu pour graver ces caractères sur le marbre, travail |