1 lande et en France. V. E. me l'accordera bien, j'espère, ce privilége pour la France. Ce qui en vient du libraire, sera en grande partie au scrupuleux religieux qui auroit laissé périr la pièce. M. le duc de la Vauguion m'a déja longtemps promis ce privilége, et je n'ai changé de projet qu'après avoir vu que le roi avoit nommé de ses savans pour examiner sa bibliothéque. Il n'est malheureusement que trop vraisemblable, par la vue du manuscrit que j'ai eu, que tout le corps des tragédies soit de Varius, soit d'un excellent tragique, a été dans la maison d'où m'est venue la tragédie, parce que la pièce ne porte pas le titre de l'auteur. Il paroît qu'il y avoit bien des feuilles déchirées à-l'entour, et déchirées, à ce qu'il m'a paru, assez récemment. V. E. pardonnera cette dernière écriture, faite à la hate, parce que je la voulois passer sous l'enveloppe de M. de Bérenger, à qui j'avois à écrire. Après cette lecture, l'Académie a décidé qu'on répondroit au ministre qu'il n'y a rien de plus à demander à M. Heerkens, et qu'il faut lui laisser imprimer sa prétendue tragédie de Varius, comme il le jugera à propos; qu'à l'égard du privilége qu'il demande pour la France, c'est au ministre à décider s'il doit ou non le lui accorder. Extrait des mémes registres. Séance du vendredi, 8 avril 1785. Arrêtons-nous ici un moment, et comparons la version de 1785, contenue dans le singulier post-scriptum de M. Heerkens, que nous venons de lire, avec celle de la préface de ses Icones, en 1787. Dans la première, c'est le supérieur de la maison qui lui envoie en don le manuscrit, et lui marque qu'on n'avoit dans le couvent d'autre renseignement, sinon qu'il étoit en vers, et qu'il y existoit depuis trois cents ans; mais les trop vifs remercimens de M. Heerkens réveillèrent l'attention, et en même temps les scrupules de ce supérieur; il craint d'avoir aliéné un trésor d'un trop grand prix; il le redemande, et il lui est renvoyé ; ce qui est très-bien imaginé pour dérouter les envieux, et tirer notre auteur d'un très-mauvais pas, où il s'étoit imprudemment engagé: mais il n'est question, comme on voit, dans cette première version, ni des quinze tragédies qui précédoient le Tereus, ni de la subscription, qu'on lisoit à la fin, ni du père Procureur, ni de tant de belles choses que nous lisons dans la seconde. M. Heerkens se contente de dire, sans appuyer même trop fortement, et sans en tirer de grandes conséquences, qu'il y avoit bien des feuilles déchirées a-l'entour, et déchirées, à ce qu'il lui paroissoit, assez récemment. Dans la seconde version, ce n'est plus le supérieur qui fait présent du manuscrit, ce sont les religieux en masse, omnes. Ce manuscrit étoit relégué depuis deux cents ans, avec beaucoup d'autres, dans un cabinet, fermé de bar A reaux, parce que ces autres manuscrits, peut être même le nôtre, venoient d'une maison suspecte. Il y avoit donc aussi alors des suspects! Le P. Procureur voulant purifier sa maison des miasmes infects qu'avoient pu y répandre ces suspects, prend un beau matin la résolution de les lacérer. Le manuscrit fort épais qui renfermoit le Tereus, avec probablement ses quinze sœurs, subit le même sort; mais lorsque ce pieux Procureur fut arrivé à la seizième pièce, il lui prit quelque envie de savoir ce que c'étoit que ce gros manuscrit qu'il venoit de déchirer. C'étoit, à la vérité, s'y prendre un peu tard; et, puisqu'il vouloit faire connoissance avec cette illustre famille, il falloit s'adresser à la sœur aînée, ordinairement d'une constitution plus robuste que les cadettes, parce qu'elle est le premier fruit de l'amour. Mais, n'importe, il faut bien s'accrocher à la dernière branche, lorsqu'on a imprudemment abattu toutes les autres. Voilà donc notre P. P. emportant dans sa cellule les feuilles qui avoient échappé à la destruction, et, s'enfermant pour les lire, il lit couramment, sans épeler; c'est qu'heureusement il n'étoit pas membre de l'Académie des Inscriptions. S'il avoit eu le malheur de l'étre, il n'y auroit vu, comme disent nos bonnes femmes, que du feu. - Voyez l'observation honnête de M. H. dans son P. S. -Lorsqu'il est arrivé à la fin de la pièce: Eh! mais, dit-il,, je crois, dieu me pardonne, que c'est une tragé 1 ( die. Un autre auroit couru vite ramasser les lambeaux déchirés, car la chronique-Heerkens ne porte pas qu'ils fussent brûlés; notre bon P. P. se contenta de pleurer son étourderie et, comme il mourut peu de temps après, il est probable qu'il en mourut de chagrin : il révéla cependant, avant de rendre le dernier soupir, que c'étoit un ouvrage bon et à garder; qu'il étoit dans le couvent depuis 300 ans, et que c'étoit une tragédie. On voit que les bons pères remplirent fort bien les intentions du défunt, en l'envoyant à M. Heerkens. Voilà les deux versions; mais, avant de se décider pour l'une ou l'autre, écoutons M. l'abbé Morelli. Il nous épargnera, peut-être, l'embarras du choix. N.° VII. V. C. IOANNI BAPTISTAE CASPARI DE ANSSE Rogas, Vir Clarissime, quæ mea sententia sit de auctore tragœdiæ Tereus inscriptæ, quam ab Augusti ætate profectam non nemo putabat, imo vero contendebat. Scilicet cum Gerardus Nicolaus Heerkens Groningensis ex bibliotheca Cœnobii cujusdam Germaniæ, ut inquit, vetus ejus exemplar, sine auctoris nomine, solo Terei titulo adjecto accepisset; sibi ac litteris magnopere gratulatus, veluti Varii, celeberrimi tragediarum scriptoris, fætum in medium attulit, ac in præfatione ad Icones suas, Ultra 1 1 jecti, anno 1787 impressas, et anno proximo, Pariensi editione ficta, denuò in lucem prolatas, magna ex parte vulgavit. Est ei fides, ut vi deo, non usquequaque adhibita; prodiit siquidem Annabergæ, anno 1790 libellus, qui ad manus mihi est, hoc titulo: Tragœdia vetus latina Tereus, deperditarum XV soror, cujus. nuper repertæ historiam et prologum tradit Daniel Christianus Grimm. Vario Tragœdiam se abjudicare, Christiano autem cuidam auctori eam tribuere, satis indicat Grimmius: cuinam adjudicet nescit. Tu ab Italo quoppiam, post renatas litteras prodiisse suspicaris. Ac recte id quidem; auctor namque ejus est Gregorius Corrarius Venetus Protonotarius Apostolicus, qui sæculo XV floruit, ex allatis præsertim a Fratre Joanne Augustinio in primo de Scriptoribus Venetis volumine, tibi rerum Venetarum studiossimo, per quam cognitus. Typis Academiæ Venetæ, quam Famæ appellabant, est ea primum impressa, anno 1558, hoc titulo: Progne Tragedia nunc primum edita, Joanne Riccio curante; cujus in epistola nuncupatoria Francisco Vargæ Hispaniarum Regis a Consilio et ejusdem apud Pontificem Maximum Oratori hæc verba sunt: mei vero summi in te studii index tibi erit Progne Tragoedia: quam ut ipsius facile sublimitas indicabit, vel antiquam, vel antiquis, quæ maxime laudan tur, certe parem, quæ multos annos in mea latuerat bibliotheca, nunc in tuo nomine ap parere |