Images de page
PDF
ePub

rendue portant que le prince n'avait manqué ni de courage ni de fidélité. Aucune sollicitation ne put obtenir du roi rien de plus.

C'était trop peu au gré du prince et de ses partisans. Ils restèrent à Newark, exhalant sans contrainte leur humeur. Le roi de son côté entreprit de mettre un terme aux désordres toujours croissants de la garnison. Pour deux mille hommes de troupes, on y comptait vingt-quatre officiers généraux ou colonels dont le traitement absorbait presque toutes les contributions du comté'. Les gentilshommes des environs, même les plus dévoués, se plaignaient amèrement du gouverneur. Charles résolut de le remplacer, avec égard pourtant et en l'attachant à sa personne. Il lui annonça qu'il lui donnait le commandement de ses gardes à cheval. Sir Richard s'en défendit, disant qu'on prendrait cette élévation pour une disgrâce, qu'il était trop pauvre pour la cour: « J'y << pourvoirai, » lui dit le roi en le quittant. Le jour même, à l'heure du dîner, Charles était à table : sir Richard Willis, les deux princes, lord Gerrard et vingt officiers de la garnison entrèrent brusquement : « Sire, dit Willis, << ce que votre Majesté m'a dit ce matin en secret est << maintenant le bruit de la ville, et m'y déshonore. « Ce n'est pour aucune faute, ajouta Robert, que sir

1 Clarendon, Hist, of the Rebell., t. 8, p. 156.

<<< Richard perd son gouvernement; c'est parce qu'il est << mon ami. - Tout ceci, reprit lord Gerrard, est un << complot de lord-Digby, qui est lui-même un traître, << et je le prouverai. >>> Étonné, troublé, Charles se leva de table, et faisant quelques pas vers sa chambre, ordonna à Willis de le suivre : « Non, sire, dit Willis; j'ai reçu <<< une injure publique, c'est une réparation publique que << j'attends. >> A ce refus, Charles hors de lui s'élança vers eux, et pâle de colère, d'une voix éclatante, d'un geste menaçant : «Sortez, sortez, et ne reparaissez jamais <<< devant moi. » Troublés à leur tour, ils sortirent tous précipitamment, retournèrent à la maison du gouverneur, firent sonner le boute-selle et quittèrent la ville au nombre de deux cents cavaliers.

Toute la garnison, tous les habitants accoururent pour offrir au roi l'expression de leur dévouement et de leur respect. Dans la soirée, les mécontents lui firent demander des passe-ports, le priant de ne pas les considérer comme des rebelles : « Je ne les baptiserai pas aujour<< d'hui, dit le roi; quant à des passe-ports, qu'on leur <<< en donne tant qu'ils en voudront.» Il était encore émů de cette scène; la nouvelle lui arriva que lord Digby, dans sa marche vers l'Écosse, à Sherburne, avait été atteint et battu par un corps de parlementaires', que ses

'Vers le milieu d'octobre 1645; Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 8, p. 159-162; Rushworth, part. 4, t. 1, p. 128-134.

cavaliers s'étaient dispersés, qu'on ignorait ce que luimême était devenu. Il ne restait donc du côté du nord ni soldats ni espérances, Newark même avait cessé d'être un lieu sûr : les troupes de Poyntz s'étaient rapprochées, occupaient successivement les places voisines, resserraient leurs quartiers de jour en jour; déjà on doutait que le roi pût passer. Le 3 novembre, à onze heures du soir, quatre ou cinq cents cavaliers, débris de plusieurs régiments, furent réunis sur la place du marché: le roi parut, prit le commandement d'un escadron, et sortit de Newark par la route d'Oxford. Il avait fait raser sa barbe; deux petites garnisons royalistes, situées sur son passage, étaient prévenues; il marcha jour et nuit, esquivant avec peine tantôt un corps, tantôt une place ennemie, et se crut sauvé en rentrant à Oxford', car il y retrouvait son conseil, sa cour, ses habitudes et quelque repos2.

Il y retrouva bientôt sa détresse. Pendant qu'il errait de comté en comté et de ville en ville, Fairfax et Cromwell, ne craignant rien de lui et bien sûrs que le corps de Poyntz suffirait à le harasser, avaient suivi dans l'ouest le cours de leurs succès. En moins de cinq mois,

[blocks in formation]

* Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 8, p. 162-170; Walker, p. 146, 147; Evelyn's Memoirs, t. 2, Appendix, p. 109, 110.

quinze places importantes, Bridgewater', Bath, Sherborne, Devizes, Winchester, Basing-House, Tiverton', Monmouth *, etc., étaient tombées en leur pouvoir. Aux garnisons qui se montraient disposées à accueillir leurs ouvertures, ils accordaient sans marchander d'honorables conditions; à celles qui répondaient plus fièrement, ils faisaient donner sur-le-champ l'assaut. Un moment les clubmen leur causèrent quelque inquiétude. Après les avoir plusieurs fois dispersés par de bonnes paroles, Cromwell se vit obligé de les attaquer. Il le fit brusquement et rudement, habile à passer tout à coup, et selon le besoin, de la douceur à la sévérité, de la sévérité à la douceur. Sur son avis, le parlement qualifia de trahison toute association de ce genre "; quelques chefs furent arrêtés; l'exacte discipline de l'armée rassura le peuple; les clubmen tardèrent peu à disparaître; et quand le roi rentra dans Oxford, la situation de son

Le 23 juillet 1645.

* Le 29 juillet.

Le 15 août.

• Le 23 septembre.

* Le 28 septembre.

* Le 14 octobre.

Le 19 octobre.

* Le 22 octobre.

• Rushworth, part. 4, t. 1, p. 89.

1o Le 23 août 1645, Parl. Hist., t. 8, col. 390; Whitelocke, p. 165.

parti dans l'ouest était si désespérée que, dès le lendemain', il écrivit au prince de Galles pour lui ordonner de se tenir prêt à passer sur le continent *.

Pour lui-même il était sans dessein, sans idée, tantôt en proie à la plus vive angoisse, tantôt essayant d'échapper par l'inaction au sentiment de son impuissance. Il invita pourtant le conseil à lui indiquer quelque expédient, quelque démarche dont on pût espérer quelque résultat. Il n'y avait point à choisir : le conseil proposa un message aux chambres et la demande d'un sauf-conduit pour quatre négociateurs. Le roi y consentit sans objection3.

Jamais le parlement n'avait été moins enclin à la paix. Cent trente membres nouveaux venaient d'entrer dans la chambre des communes, à la place de ceux qui l'avaient quittée pour suivre le roi. Longtemps ajournée, d'abord par ménagement, puis par la difficulté de l'exécution, plus tard à dessein, cette mesure avait été prise enfin à la demande des indépendants, ardents à profiter de leurs succès sur le champ de bataille pour fortifier dans Westminster leur parti1. Ils mirent tout en œuvre pour domi

Le 7 novembre 1645.

• Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 8, p. 143.

3 Ibid., p. 201-204; Parl. Hist., t. 3, col. 405. Le message est du

5 décembre 1645.

4

Ce fut le 13 septembre 1644 qu'il fut question pour la première fois,

13

« PrécédentContinuer »