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réclamaient depuis longtemps? qui disposerait de la personne du roi? Dès qu'elles s'élevèrent, les partis rengagèrent le combat.

Sur la première, les presbytériens eurent sans peine l'avantage : les demandes des Écossais étaient, il est vrai, exorbitantes; déduction faite de ce qu'on leur avait déjà payé, ils réclamaient encore près de 700,0001. sterl.,«sans << parler, disaient-ils, des pertes énormes qu'avait subies << l'Écosse par suite de son alliance à l'Angleterre, et dont <<< ils confiaient l'évaluation à l'équité des chambres'.» Les indépendants se récrièrent, avec une amère ironie, contre une fraternité si onéreuse ; à leur tour ils opposèrent aux Écossais un compte détaillé des sommes par eux perçues et de leurs exactions dans le nord du royaume, compte d'après lequel l'Écosse se serait trouvée redevable envers l'Angleterre de plus de 400,000 liv. sterl. 2. Mais de telles récriminations ne pouvaient être admises, ni même sérieusement débattues par des hommes sensés; la retraite des Écossais était évidemment nécessaire; les comtés du nord la sollicitaient à grands cris; pour l'obtenir, il fallait la payer, car une guerre eût coûté bien plus cher et compromis bien davantage le parlement. L'obstination tracassière des indépendants ne parut qu'une

Old Parl. Hist., t. 15, p. 66-71.

* Ibid., p. 71-75.

passion aveugle ou une manœuvre de faction; les pres bytériens, au contraire, promettaient d'amener les Écossais à des prétentions plus modérées : tous les hommes incertains, ou méfiants, ou réservés, qui ne marchaient sous la bannière d'aucun parti, et qui plusieurs fois, par dégoût du despotisme presbytérien, avaient donné aux indépendants la majorité, se rangèrent en cette occasion du côté de leurs adversaires : 400,000 liv. sterl., furent votées' comme le maximum des concessions que pouvaient espérer les Écossais, payables moitié au moment de leur départ, moitié dans un délai de deux ans. Ils acceptèrent le marché, et un emprunt, hypothéqué sur la vente des biens de l'Église, fut aussitôt ouvert dans la Cité pour en remplir les conditions 2.

Mais quand il s'agit de la personne du roi, la position des presbytériens devint embarrassante: eussent-ils désiré qu'il restât entre les mains des Écossais, ils ne pouvaient laisser seulement paraître une telle idée, car l'orgueil national la repoussait absolument ; c'était, disaiton de toutes parts, le droit et l'honneur du peuple anglais de disposer seul de son souverain ; quelle juridiction pouvaient prétendre les Écossais sur le sol de l'Angleterre? Ils

En quatre votes de 100,000 liv. st. chacun, les 13, 21, 27 août et 1er septembre; Old Parl. Hist., t. 15, p. 64, 65, 76.

2 Le 13 octobre 1646; Rushworth, part. 4, t. 1, p. 376; Mémoires de Hollis, p. 91.

n'y étaient rien que des auxiliaires, des auxiliaires soldés et qui, en effet, on le voyait bien, ne s'inquiétaient guère que de leur solde : qu'ils prissent donc leur argent et retournassent dans leur pays; on n'avait d'eux ni besoin ni peur. Les Écossais, de leur côté, quel que fût leur désir d'éviter toute rupture, ne pouvaient accepter sans résistance de tels mépris : Charles, dirent-ils, était leur roi aussi bien que celui des Anglais ; ils avaient comme eux le droit de veiller sur sa personne et sa destinée; le covenant leur en faisait un devoir. La querelle devint très-animée; les conférences, les pamphlets, les déclarations, les accusations réciproques se multipliaient et s'échauffaient de jour en jour; chaque jour le peuple, sans distinction de partis, se prononçait plus vivement contre les prétentions des Écossais, car ils étaient déchus dans l'opinion populaire; les préjugés, les antipathies nationales avaient reparu; et leur avidité, leur prudence étroite, leur pédanterie théologique déplaisaient chaque jour davantage à l'esprit plus étendu et plus libre, au fanatisme plus large et plus hardi de leurs alliés. Les chefs politiques du parti presbytérien, Hollis, Stapleton, Glynn, fatigués d'une lutte dans laquelle ils se sentaient contraints et subordonnés, cherchaient impatiemment les moyens d'y mettre un terme. Ils se persuadèrent que si les Écossais remettaient le roi aux mains des chambres, il deviendrait aisé de licencier enfin cette armée fatale, unique force des indépendants, véritable ennemie du parlement et du roi. Ils conseillèrent donc aux Écossais de céder, dans l'intérêt même de leur cause; et au même moment, déterminés sans doute par la même influence, les lords acquiescèrent enfin 'à ce vote des communes, depuis cinq mois en suspens, « qu'aux deux << chambres seules il appartenait de disposer de la per<<< sonne du roi 2. »

Les presbytériens écossais, la plupart du moins, ne demandaient pas mieux que de croire à la sagesse de ce conseil et de le suivre, embarrassés de leur propre résistance et ne sachant comment y renoncer, ni comment la soutenir. Mais les amis du roi avaient acquis naguère, dans le parti, un peu plus de hardiesse et de pouvoir: le duc de Hamilton était à leur tête; détenu trois ans dans le château du mont Saint-Michel en Cornouailles, par suite des méfiances que sa conduite incertaine avait inspirées à la cour d'Oxford et au roi lui-même, il en sortit enfin quand la place tomba aux mains du parlement, passa quelques jours à Londres, faisant à tous les membres des deux chambres les visites les plus empressées, se rendit de là à Newcastle où Charles

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1 Le 24 septembre 1646.

Rushworth, part. 4, t. 1, p. 129-372; Mémoires de Hollis, p. 92-94;

Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 8, p. 284; Baillie, Letters, t. 2,

p. 257; Malcolm Laing, list. of Scotland, t. 3, p. 369, 560.

venait d'arriver avec l'armée écossaise, rentra bientôt dans son ancienne faveur, et de retour à Édimbourg, y faisait, pour le salut du roi, les plus sincères efforts A lui se rallièrent aussitôt presque toute la haute noblesse du royaume, et, dans la bourgeoisie, les presbytériens, modérés, les hommes sages que dégoûtaient l'aveugle fanatisme de la multitude et l'insolente domination de ses ministres, les hommes honnêtes et timides prêts à tout sacrifier pour retrouver quelque repos. Ils obtinrent l'envoi d'une nouvelle et solennelle députation qui vint à Newcastle conjurer à genoux le roi d'accepter enfin les propositions du parlement. Les instances passionnées de ces députés, tous compatriotes de Charles, presque tous compagnons de sa jeunesse, ébranlèrent sa résolution: <<< Sur ma parole, leur dit-il, les dangers << que vous m'avez peints me troublent moins que le << chagrin de ne pas donner prompte et pleine satisfac«tion aux vœux de mon pays natal, exprimés par votre << bouche. Je ne veux pas qu'on se trompe sur mes inten<< tions, je ne refuse point; non, je proteste que je ne <<< refuse point, mais songez bien que ce que je demande << uniquement, c'est d'être entendu, entendu par les gens

<<< de Londres: si un roi refusait une telle chose au moin

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Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 7, p. 79-84; t. 8, p. 189, 201, t. 9, p. 42; Rushworth, part. 4, t. 1, p. 327.

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