place que trois semaines avant la fuite du roi au camp des Écossais; l'autre, Ashburnham, n'avait quitté Charles qu'à Newcastle et par nécessité, pour échapper à la haine du parlement; tous deux intrigants, vaniteux et hâbleurs, Berkley avec plus de courage, Ashburnham plus fin et plus accrédité auprès du roi. Ils avaient eu l'un et l'autre, Berkley par hasard, Ashburnham par ordre de Charles lui-même, quelques relations avec quelques-uns des principaux officiers, assez pour se croire en droit de s'en vanter et en mesure de les mettre à profit. La reine accueillit sans balancer toutes leurs assurances; et par son ordre, vers le commencement de juillet, à quelques jours d'intervalle, tous deux partirent pour aller s'offrir au roi et à l'armée en qualité de négociateurs '. A peine Berkley avait débarqué qu'un cavalier de ses amis, sir Allen Apsley, vint à sa rencontre, envoyé par Cromwell, Lambert et quelques autres, pour l'assurer qu'ils n'avaient point oublié leurs conversations avec lui après la prise d'Exeter, ni ses excellents conseils, et qu'ils étaient tout prêts à en profiter; qu'il se pressât donc de venir. A ce message, fier de se trouver plus 'Mémoires de Berkley, p. 161-163, dans ma Collection; Clarendon, Hist, of the Rebell., t. 8, p. 310-314. • Frère de mistriss Hutchinson. important qu'il ne s'en était flatté lui-même, Berkley, ne s'arrêtant qu'un moment à Londres, se rendit en hâte au quartier général, alors à Reading. Il n'y était que depuis trois heures; déjà Cromwell s'était excusé de ne pouvoir lui faire sur-le-champ sa visite; et le même jour, à dix heures du soir, Berkley le vit entrer avec Rainsborough et sir Hardress Waller. Tous trois protestèrent de leurs bonnes intentions pour le service du roi, Rainsborough sèchement, Cromwell avec effusion : « Je viens, <<<< dit-il, d'assister au plus touchant spectacle, l'entrevue << du roi avec ses enfants; non, personne n'a été plus << trompé que moi sur le compte du roi, c'est, j'en suis << sûr à présent, le meilleur homme de ses trois << royaumes; nous lui avons, nous, des obligations <<< infinies; nous étions ruinés, tout à fait ruinés si à << Newcastle il eût accepté les propositions des Écossais. << Que Dieu mesure ses bontés à mon égard sür la sincé<< rité de mon cœur envers sa Majesté ! >> D'ailleurs, à l'en croire, les officiers étaient tous convaincus que, si le roi ne rentrait en possession de ses justes droits, nul homme en Angleterre ne pouvait jouir avec sécurité de sa vie ni de ses biens; et bientôt de leur part une démarche décisive ne laisserait à sa Majesté aucun doute sur leurs sentiments. Berkley ravi se fit dès le lendemain présenter au roi, et lui rendit compte de cette entrevue. Charles l'accueillit avec froideur, en homme qui déjà avait souvent reçu de telles ouvertures, et ne s'y fiait point, ou voulait, par sa réserve, faire acheter cher sa satisfaction. Berkley se retira confondu, mais pensant, non sans dépit, que le roi, qui le connaissait peu, avait peut-être contre lui quelque prévention, et qu'Ashburnham, qui devait bientôt arriver, réussirait mieux à le persuader. En attendant il continua ses démarches dans l'armée : les officiers affluaient vers lui, même de simples agitateurs, les uns amis et instruments de Cromwell, les autres se méfiant de lui et engageant Berkley à se tenir sur ses gardes; << car, disaient-ils, c'est un homme sur << qui personne ne peut compter, et qui chaque jour, << avec chacun, change de conduite et de langage, uni<< quement préoccupé du désir d'être en tout cas le chef <<< des vainqueurs. >>> Ireton cependant, son plus intime confident, parut à Berkley traiter avec franchise, lui communiqua les propositions que préparait le conseil général des officiers, accepta même de lui quelques changements. Rien de si modéré n'avait encore été offert au roi : on exigeait qu'il abandonnât pour dix ans le commandement de la milice et la nomination aux grandes charges; que sept de ses principaux conseillers demeurassent bannis du royaume; que tout pouvoir civil et coercitif fût retiré au clergé, évêques ou ministres presbytériens; que nul pair créé depuis l'explosion de la guerre ne fût admis à siéger; que nul cavalier ne pût être élu au prochain parlement : « Il faut bien, dit Ireton à Berkley, que << quelque différence subsiste et paraisse entre les vain<< queurs et les vaincus. » Mais à ces conditions, déjà moins rigoureuses que celles des chambres, ne s'ajoutait point l'obligation d'abolir l'Église épiscopale, ni celle de ruiner la plupart des royalistes par d'énormes amendes, ni l'interdiction légale, pour ainsi dire, du roi et de son parti, tant qu'il plairait au parlement. L'armée, il est vrai, demandait en revanche des réformes nouvelles et au fond plus graves; une distribution plus égale des droits électoraux et des taxes publiques, le changement de la procédure civile, la destruction d'une foule de priviléges politiques, judiciaires, commerciaux; l'introduction enfin, dans l'ordre social et les lois, de quelques principes d'égalité jusque-là inconnus '. Mais, dans la pensée même de leurs auteurs, ce n'était point contre le roi, sa dignité ni son pouvoir que ces demandes étaient dirigées; et nul ne croyait la prérogative intéressée au maintien des bourgs pourris, des profits scandaleux des jurisconsultes ou des fraudes de quelques débiteurs. Aussi Berkley jugea-t-il ces conditions d'une douceur inespérée, et telles qu'à son avis jamais couronne, si près d'être perdue, n'avait été recouvrée à si bon marché. Il sollicita et obtint la per Voir les Éclaircissements et pièces historiques joints aux Mémoires de Hollis, p. 265-276, dans ma Collection. mission de les communiquer en secret au roi', avant que l'armée les lui présentât officiellement. Sa surprise fut plus grande encore qu'à leur première entrevue; Charles trouva les conditions très-dures, et s'en exprima avec beaucoup d'humeur : « Si on voulait vraiment con<< clure avec moi, dit-il, on me proposerait des choses << que je pusse accepter. >> Berkley hasarda quelques observations, insista même sur les périls d'un refus : << Non, dit le roi en rompant brusquement l'entretien, << sans moi, ces gens-là ne peuvent se tirer d'affaire; << vous les verrez bientôt trop heureux d'accepter eux« mêmes des conditions plus égales *. » Berkley cherchait, sans le découvrir, un motif à tant de confiance quand arriva au quartier général la nouvelle que le plus violent soulèvement régnait dans la cité, que des bandes de bourgeois et d'apprentis assiégeaient incessamment Westminster, que d'heure en heure le parlement pouvait se voir contraint à voter le retour du roi, la rentrée des onze membres, les résolutions les plus fatales à l'armée et à son parti. Depuis quinze jours, surtout depuis qu'un congé de six mois envoyé aux onze membres avait fait perdre à leurs Vers le 25 juillet. Mémoires de Berkley, p. 163-183. 3 Le 20 juillet 1647; Parl. Hist., 1. 3, col. 712; Rushworth, part, 4, t. 1, p. 628. 20 |