le perdre, ni même pour se passer de lui; ils se contentèrent de faire insérer dans la réponse qui lui fut adressée quelques phrases de réprimande sur le ton de sa lettre'; et il reçut l'ordre de poursuivre l'expédition que le précédent message lui avait enjoint d'abandonner 2. Les nouvelles de l'armée de Waller n'étaient pas étrangères à tant de prudence. Après avoir vainement poursuivi le roi, ce favori du comité était à son tour en péril. Dès que Charles eut appris que les deux généraux du parlement s'étaient séparés, et qu'il n'avait plus affaire qu'à un seul, il s'arrêta, écrivit au prince Robert de se porter sans perdre un moment au secours d'York assiégé3; et se rejetant lui-même, par une résolution hardie, dans la route qu'il avait parcourue en fuyant d'Oxford, rentra dans la place dix-sept jours après l'avoir quittée, se remit à la tête de ses troupes, et reprit l'offensive pendant que Waller le cherchait encore dans le comté de Worcester. Au premier bruit des mouvements du roi, Waller revint en toute hâte, car lui seul restait pour couvrir la route de Londres; et bientôt, soutenu de quelques renforts, il s'avança avec sa confiance accoutumée, pour offrir ou accepter du moins le combat. Charles et les siens, animés de cette ardeur que fait naître un succès inespéré après un grand péril, le souhaitaient plus vivement encore. L'action s'engagea le 29 juin, à Cropredybridge, dans le comté de Buckingham; et malgré une brillante résistance, Waller fut battu plus complétement même que ne le crurent au premier moment les vainqueurs '. 'Rushworth, part. 3, t. 2, p. 683. 2 Rushworth, ibid.; Whitelocke, Memorials, etc., p. 87. 3 Sa lettre est datée du 14 juin 1644, de Tickenhall, près de Brewdley, dans le comté de Worcester. Elle a été publiée pour la première fois en 1819, dans l'Appendix aux Memoirs of sir John Evelyn (Londres, 2 vol. in-4°), t. 2, p. 87. Le bonheur parut donner à Charles une hardiesse et même une habileté jusque-là inconnues. Tranquille sur Waller, il résolut soudain de marcher vers l'ouest, d'y poursuivre Essex à outrance, et de détruire ainsi coup sur coup ces deux armées qui naguère le tenaient presque prisonnier. Essex d'ailleurs avait paru sous les murs d'Exeter, et la reine, qui y résidait, accouchée depuis quelques jours, ignorant encore les succès de son mari, allait retomber dans toutes ses terreurs3. Charles se mit en route deux jours après sa victoire; et en même temps, pour la rendre agréable au peuple plutôt que Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 7, p. 142 et suiv.; Rushworth, part. 3, t. 2, p. 675. * Le 16 juin 1644, de la princesse Henriette, depuis duchesse d'Orléans. * Clarendon, Hist, of the Rebell., t. 7, p. 151; Rushworth, part. 3, t. 2, p. 686. par un désir sincère de la paix, il adressa d'Evesham un message aux chambres, où, sans leur donner le nom de parlement, il se répandait en protestations pacifiques, et offrait de rouvrir des négociations '. Mais pendant qu'il s'éloignait, et avant que son message parvînt à Londres, déjà toute crainte en était bannie; la face des affaires avait changé; la défaite de Waller n'était plus qu'un accident sans importance : le parlement venait d'apprendre que, tout près d'York, ses généraux avaient remporté la plus éclatante victoire, que la ville ne pouvait tarder à se rendre que, dans le nord enfin, le parti royaliste était comme anéanti. Le 2 juillet, en effet, à Marson-Moor, de sept à dix heures du soir, une bataille, la plus décisive qui eût encore eu lieu, avait amené ces grands résultats. Trois jours auparavant, à l'approche du prince Robert, qui s'avançait vers York avec vingt mille hommes, les généraux parlementaires s'étaient décidés à lever le siége, se flattant qu'ils parviendraient du moins à empêcher le prince de jeter dans la place des secours; mais Robert déjoua leurs manœuvres, et entra dans York sans combat. Newcastle le pressa vivement de se contenter d'un si heureux succès; la discorde fermentait, lui dit-il, 1644. Rushworth, part. 3, t. 2, p. 687; le message est daté du 4 juillet dans le camp ennemi; les Écossais étaient mal avec les Anglais, les indépendants avec les presbytériens, le lieutenant général Cromwell avec le major général Crawford; qu'il attendît au moins, s'il voulait combattre, un renfort de trois mille hommes qui arriveraient sous peu de jours. Robert l'écouta à peine, répondit brusquement qu'il avait des ordres du roi', et commanda aux troupes de marcher sur l'ennemi qui se retirait. Elles atteignirent promptement son arrière-garde; de part et d'autre on s'arrêta, on rappela tous les corps, on se disposa au combat. Presque à portée de mousquet, séparées seulement par quelques fossés, les deux armées passèrent cependant deux heures immobiles et dans un silence profond, attendant l'une et l'autre qu'on vint l'attaquer. « Quel poste me destine votre Altesse? » demanda New Ces ordres étaient contenus dans la lettre ci-dessus mentionnée, et qui lui prescrivait de se porter au secours d'York. On a longuement débattu la question de savoir si elle enjoignait formellement au prince Robert de livrer bataille, ou s'il pouvait s'en dispenser : débat puéril, car, à coup sûr, si Robert avait pensé, comme Newcastle, qu'il ne fallait pas hasarder la bataille, il aurait eu tort de se conformer à des ordres donnés de loin et au hasard. Du reste, quoi qu'en aient dit récemment MM. Brodie et Lingard (Hist. of the British empire, etc., t. 3, p. 477; Hist. of England, t. 10, p. 252), il s'en faut beaucoup que la lettre du roi contienne un ordre positif: elle est évidemment écrite dans la persuasion que le siége d'York ne peut être levé sans combat; et c'est en ce sens qu'elle dit qu'une victoire est indispensable. Voyez les Éclaircissements et pièces historiques, n. 2. 5 castle au prince. - « Je ne compte pas engager l'action <<< avant demain matin, lui dit Robert; vous pouvez vous << reposer jusque-là. >>> Newcastle alla s'enfermer dans sa voiture. A peine y était-il établi que la mousqueterie lui apprit que la bataille commençait; il s'y porta soudain, sans commandement, à la tête de quelques gentilshommes offensés et volontaires comme lui. En peu d'instants un désordre effroyable couvrit la plaine; les deux armées s'assaillirent, s'enfoncèrent, se mêlèrent presque au hasard; parlementaires et royalistes, cavaliers et fantassins, officiers et soldats erraient sur le champ de bataille, isolés ou par bandes, demandant des ordres, cherchant leur corps, se battant dès qu'ils rencontraient l'ennemi, mais sans résultat comme sans dessein général. La déroute éclata tout à coup à l'aile droite des parlementaires; rompue et saisie d'effroi par une vigoureuse charge des royalistes, la cavalerie écossaise se dispersa; Fairfax essaya vainement de la retenir; les Écossais s'enfuyaient en tous sens, criant: <<< Malheur à nous! nous sommes <<< perdus! >> Et ils répandirent si rapidement dans le pays la nouvelle de leur défaite que, de Newark, un courrier l'alla porter à Oxford, où, pendant quelques heures, des feux de joie furent allumés. Mais, en revenant de la poursuite, les royalistes, à leur grande surprise, virent le terrain qu'ils occupaient naguère au pouvoir d'un ennemi vainqueur; pendant que la cavalerie écossaise |