Cependant Essex débarquait à Plymouth, et rendait compte au parlement de son désastre : « C'est, écri<<vait-il, le plus rude coup qu'ait jamais reçu notre << parti; je ne désire rien tant que d'être mis en juge<<ment; de tels échecs ne doivent point demeurer étouf<< fés 1. >> Huit jours après, il reçut de Londres cette réponse: <<Milord, le comité des deux royaumes ayant commu<< niqué aux chambres du parlement les lettres de votre << Seigneurie, en date de Plymouth, elles nous ont or<< donné de vous faire connaître que, pénétrées de la << gravité de ce malheur, mais se soumettant à la volonté <<< de Dieu, leurs bons sentiments pour votre Seigneurie <<< et leur confiance dans votre fidélité et vos mérites <<n'en sont nullement ébranlés. Elles ont résolu de << déployer leurs plus énergiques efforts pour réparer << cette perte, et remettre sous votre commandement * << une armée qui, avec la bénédiction de Dieu, puisse « rétablir nos affaires en meilleur état. Le comte de << Manchester et sir William Waller ont reçu l'ordre de 'Lettre d'Essex à sir Philippe Stapleton, dans Rushworth, part. 3, t. 2, p. 703. 2 Dans Rushworth (part. 3, t. 2, p. 708), on lit: Under their command (sous leur commandement); mais dans l'Ilistoire parlementaire (t. 3, col. 289), le text porte: Under your command, et j'ai adopté cette dernière leçon, de beaucoup la plus probable. La lettre est du 7 septembre 1644. << marcher avec toutes leurs troupes vers Dorchester. << Les chambres ont pareillement ordonné que six mille << mousquets, six mille uniformes, cinq cents paires de << pistolets, etc., fussent expédiés à votre Seigneurie, à <<< Portsmouth, pour servir à l'équipement et relever le << courage de vos soldats. Elles ont la confiance que le << séjour de votre Seigneurie dans ce comté, pour réor<< ganiser et mettre en mouvement les divers corps, aura << les plus salutaires effets. >>> La surprise du comte fut grande; il s'attendait à des poursuites, au moins à d'amers reproches; mais sa fidélité, si récemment éprouvée, l'étendue même du désastre, la nécessité d'en imposer à l'ennemi, ralliaient à ses partisans les hommes incertains, et ses adversaires s'étaient interdit le combat. Essex, embarrassé de son malheur et de sa faute, ne leur semblait plus redoutable ; ils le connaissaient et prévoyaient que bientôt, pour épargner à sa dignité des chocs si rudes, lui-même se mettrait à l'écart. Jusque-là, en le traitant avec honneur, on faisait preuve d'énergie; on évitait, sur les causes cachées de événement, une enquête peut-être fàcheuse; on engageait enfin dans un nouvel effort pour la guerre les fauteurs mêmes de la paix. Aussi habiles que passionnés, les meneurs indépendants se turent, et le parlement sembla unanime à soutenir dignement ce grand Son activité et la fermeté de son attitude ralentirent d'abord les mouvements du roi; il adressa aux chambres un message pacifique, puis se contenta, pendant trois semaines, de se présenter devant quelques places, Plymouth, Lyme, Portsmouth, qui ne se rendirent point. Mais, vers la fin de septembre, il apprit que Montrose, qui depuis longtemps lui promettait en Écosse la guerre civile, avait enfin réussi à la faire éclater, et marchait déjà de succès en succès. Après la bataille de Marston-Moor, déguisé en domestique et suivi seulement de deux compagnons, Montrose avait passé à pied la frontière d'Écosse, et s'était rendu à Strathern, chez Patrick Graham d'Inchbrackie, son cousin, à l'entrée des hautes terres, pour y attendre le débarquement des auxiliaires irlandais qu'Antrim lui devait envoyer. De jour il se cachait, de nuit il errait dans les montagnes environnantes, allant recueillir lui-même, de rendez-vous en rendezvous, les rapports de ses affidés. Bientôt la nouvelle lui parvint que les bandes irlandaises avaient en effet débarqué et s'avançaient dans le pays, pillant, ravageant, mais ne sachant où se diriger, et cherchant à leur tour le général qu'on leur avait promis. Elles approchaient du comté d'Athol; Montrose parut tout à coup dans leur camp, avec un seul homme, en costume de montagnard: revers. elles le reconnurent aussitôt pour chef. Au bruit de sa venue, plusieurs clans accoururent; sans perdre un moment, il les mena au combat, exigeant tout de leur courage, permettant tout à leur avidité; et, quinze jours après, il avait gagné deux batailles, occupé Perth, pris Aberdeen d'assaut, soulevé la plupart des clans du nord et semé l'effroi jusqu'aux portes d'Édimbourg. A ces nouvelles, Charles se flatta que le désastre de Marston-Moor était réparé, que le parlement retrouverait bientôt dans le nord un puissant adversaire, et que lui-même pouvait sans crainte suivre dans le midi le cours de ses succès. Il résolut de marcher sur Londres ; et pour donner à son expédition une apparence populaire et décisive, au moment de son départ, une proclamation partout répandue invita tous ses sujets du midi et de l'est à se lever en armes, à se choisir eux-mêmes des officiers, et à le rejoindre sur la route pour aller avec lui sommer les chambres d'accepter enfin la paix 2. Mais les chambres avaient pris leurs mesures : déjà les troupes de Manchester, de Waller et d'Essex réunies, couvraient Londres du côté de l'ouest; jamais le parlement n'avait eu sur un seul point une si grande armée; A Tippermuir, le 1er septembre, et au Pont de Dee, le 12 du même et au premier bruit de l'approche du roi, cinq régiments de la milice de Londres vinrent s'y joindre sous les ordres de sir James Harrington. En même temps des taxes nouvelles s'établissaient; les communes décrétaient que la vaisselle du roi, jusque-là déposée à la Tour, serait fondue pour le service public. Enfin, lorsqu'on sut les armées en présence, les boutiques se fermèrent, le peuple se précipita dans les églises, et un jeûne solennel fut ordonné pour invoquer sur la bataille prochaine les bénédictions du Seigneur'. mois. * La proclamation est datée de Chard, le 30 septembre 1644 (Rushworth, part. 3, t. 2, p. 715). Dans le camp comme dans la cité, on l'attendait de jour en jour : Essex seul, triste, malade, restait immobile à Londres, quoique toujours revêtu du commandement. Informées qu'il ne partait point, les chambres chargèrent un comité de se rendre auprès de lui, et de lui renouveler l'assurance de leur confiante affection. Essex remercia les commissaires, mais ne rejoignit point son armée 2. La bataille se livra sans lui, le 27 octobre, à Newbury, presque dans les mêmes positions où, l'année précédente, en revenant de Glocester, il avait si glorieusement vaincu. En son absence lord Manchester commandait. L'action fut longue et acharnée; les soldats d'Essex 1 Rushworth, part. 3, 1. 2, p. 719-720; Parl. Hist, t. 3, col. 294, 295, 308. 2 Whitelocke, p 103; Parl. Hist., 1. 3, col. 295. |