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paravant', à Inverlochy, dans le comté d'Argyle, Montrose avait remporté sur les troupes écossaises, commandées par Argyle lui-même, une éclatante victoire; après en avoir rendu compte au roi, «Sire, ajoutait-il, que << votre Majesté sacrée me permette maintenant de lui << exprimer mon humble opinion sur ce que me mandent << mes amis du midi, savoir que votre Majesté est en << négociation avec son rebelle parlement. Autant le suc<< cès de vos armes en Ecosse m'avait réjoui le cœur, <<< autant cette nouvelle d'Angleterre est venu le briser. << La dernière fois que j'eus l'honneur de voir votre << Majesté, je lui exposai tout au long ce que je sais si << bien des desseins de ses rebelles sujets dans les deux << royaumes; et votre Majesté peut se souvenir combien <<< elle était alors convaincue que j'avais raison. Je suis << sûr que depuis lors il n'est rien arrivé qui ait pu faire << changer à ce sujet le jugement de votre Majesté. Plus << elle accordera, plus on lui demandera; et je n'ai que << trop de motifs de tenir pour certain qu'ils ne se con<< tenteront pas à moins que de faire de votre Majesté << un roi de paille. Pardonnez-moi, mon auguste et sacré << souverain, si j'ose dire à votre Majesté que, dans mon <<< humble opinion, il est indigne d'un roi de traiter avec << des sujets rebelles tant qu'ils ont l'épée à la main. << A Dieu ne plaise que je veuille retenir les miséricordes << de votre Majesté; mais je frémis d'horreur quand je << pense qu'il s'agit d'un traité pendant que votre Majesté << et ces gens-là sont en campagne avec deux armées. <<< Permettez-moi d'assurer en toute humilité votre << Majesté qu'avec les bénédictions de Dieu je suis en << bon chemin pour faire rentrer ce royaume sous son << pouvoir; et si les mesures que j'ai concertées avec vos << autres loyaux sujets ne manquent pas, ce qui n'est << guère à supposer, avant la fin de cet été je serai en << état d'aller au secours de votre Majesté avec une brave << armée; et, soutenu par la justice de votre cause, elle << fera tomber sur ces rebelles, en Angleterre comme en << Écosse, le juste châtiment de leur rébellion. Souffrez << seulement, Sire, qu'après avoir réduit ce pays sous << votre obéissance, et conquis de Dan à Beersebah, je << dise à votre Majesté, comme le lieutenant du roi David <<< disait à son maître : - Viens toi-même, de peur que << ce pays ne soit appelé par mon nom; - car dans toutes << mes actions, je n'ai rien à cœur que la gloire et l'inté<< rêt de votre Majesté:. »

1 Le 2 février 1645; la lettre est du 3 février.

Cette lettre avait rendu au roi ses plus hautes espérances; moins confiant, lord Southampton cessa pourtant d'insister, et rapporta à Uxbridge un refus, sans en

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Welwood, Memoirs, etc., Appendix, p. 302-308.

expliquer la cause. Les conférences furent rompues', et les chefs presbytériens rentrèrent à Westminster, le cœur navré d'un échec qui les replongeait dans tous les périls de leur situation2.

En leur absence, elle s'était fort aggravée. Contraints d'abandonner, pour le moment du moins, l'ordonnance du renoncement à soi-même, les indépendants avaient tout à coup reporté sur la mesure qui devait l'accompagner, la réorganisation de l'armée, leurs plus ardents efforts. En peu de jours, tout avait été préparé, concerté, arrêté, le plan, la forme, la dépense, les moyens d'y pourvoir. Une seule armée devait être sur pied désormais, forte de vingt et un mille hommes, et commandée par un seul général, investi même du droit de nommer tous les officiers, sauf l'approbation du parlement. Fairfax était cet homme. Depuis longtemps l'éclat de sa bravoure, la franchise de son caractère, le bonheur de ses expéditions, l'enthousiasme guerrier dont s'animaient autour de lui les soldats, attiraient sur lui les regards; et Cromwell avait répondu en public à la chambre, en secret au parti, de la convenance de ce choix. Essex conservait son titre; Waller et Manchester leur commission, mais sans l'ombre même du pouvoir. Dès le 28 janvier, l'ordonnance qui réglait l'exécution de la mesure fut envoyée aux lords. Ils essayèrent d'en retarder au moins l'adoption, tantôt par des amendements, tantôt par la lenteur des débats. Mais ici la résistance était difficile, car l'ordonnance avait le suffrage du public, convaincu que la multiplicité des armées et de leurs chefs était la vraie cause de la prolongation de la guerre et de son inefficacité. Fortes de cet appui, les communes insistèrent sans relâche; les lords cédèrent; l'ordonnance fut adoptée'; et le 19 février, deux jours avant la rupture des négociations d'Uxbridge, Fairfax, introduit dans la chambre, reçut d'un air simple et modeste, debout à côté du siége qu'on lui avait fait préparer, les compliments officiels de l'orateur2.

1 Le 22 février 1645.

* Whitelocke, p. 128.

3 La nouvelle armée devait coûter par mois 56,135 liv. sterl., environ 1,303,375 fr. imposés sur dix-neuf comtés (Rushworth, part. 4, t. 1, p. 8-13).

De retour à Westminster, les chefs presbytériens tentèrent de revenir sur cette défaite. La chambre haute se plaignit amèrement de discours outrageants, menaçants même, tenus naguère sur son compte, et du bruit partout répandu que les communes méditaient l'abolition de la pairie. Les communes répondirent par une déclara

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1 Le 15 février 1645.

Whitelocke, p. 127, 131; Parl. Hist., t. 3, col. 340-344; Rushworth,

part. 4, t. 1, p. 7-13; Mémoires de Hollis, p. 40 et suiv. dans ma Col lection.

tion solennelle de leur profond respect pour les droits des lords, et de leur ferme résolution de les maintenir'. Les commissaires écossais adressèrent aux chambres', au nom du covenant, une remontrance à la fois aigre et timide. Les communes, sans s'en inquiéter, transmirent aux lords une ordonnance nouvelle qui étendait encore les pouvoirs de Fairfax, et retranchait de sa commission l'ordre jusque-là répété dans tous les actes analogues : <<< De veiller à la sûreté de la personne du roi. » Les lords en votèrent le rétablissement ; les communes s'y refusèrent : « Cette phrase n'est bonne, dirent-elles, qu'à « embarrasser les soldats, en permettant au roi de se <<< hasarder à la tête de son armée, sans jamais courir << aucun danger. » Les lords persistèrent; et dans trois débats successifs, malgré les plus vives démarches des communes, les suffrages se partagèrent également, dans la chambre haute, sur cette question'. Tout demeurait en suspens: les communes déclarèrent que, pour elles, ayant fait maintenant tout ce qui était en leur pouvoir, si le retard entraînait quelque malheur, les lords seuls en répondraient au pays. Ceux-ci commençaient à

Le 24 mars 1645; Parl. Hist., t. 3, col. 348-350.

2 Le 3 mars 1645.

* Parl. Hist., t. 3, col. 346.

Le 29 mars 1645.

$ Parl. Hist., t. 3, col. 350-351.

* Le 31 mars 1645; ibid.

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