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fiances, les jalousies, les haines, les vengeances; ils sont avides de sang. Dans leurs projets séditieux, ils aristocratisent la vertu même pour acquérir le droit de la fouler aux pieds; ils démocratisent le vice pour pouvoir s'en rassasier sans avoir à redouter le glaive de la justice. Tous leurs efforts tendent aujourd'hui à déshonorer la plus belle des causes, afin de soulever contre elle toutes les Nations amies de l'humanité. "

Voilà les Girondins qui ne voient dans le Parti populaire que crime, avidité pour le sang, proscription des hommes de bien! Les voilà qui dénoncent le Peuple de Paris à l'exécration des Nations amies de l'humanité.

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Citoyens, s'écrie encore Vergniaud, lorsque l'ennemi s'avance et qu'un homme, au lieu de vous inviter à prendre l'épée pour le repousser (on le fait), vous engage à égorger FROIDEMENT des femmes ou des citoyens désarmés, celui-là est l'ennemi de votre gloire, de votre bonheur ; il vous trompe pour vous perdre.

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Mais n'est-ce pas là de l'exagération, de la falsification des faits, de la calomnie? Et, dans ce moment, cette accusation, qui peut tout diviser, tout paralyser, tout compromettre, n'est-elle pas une faute immense, un crime envers la Patrie?

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Citoyens, abjurez donc vos dissensions intestines! Que votre indignation pour le CRIME encourage les hommes de bien à se montrer!»

Et comme les citoyens ne témoignent pas une profonde indignation, il en résulte, suivant Vergniaud, que Paris ne renferme que des complices du crime et des lâches qui n'osent pas se montrer !

« Le Peuple est juste, dit encore Vergniaud le 17; il abhorre le crime mais il y a des satellites de Coblentz, il y a des scélérats soudoyés pour semer la discorde, répandre la consternation et nous précipiter dans l'anarchie (On applaudit.) Ils ont frémi de la démarche fraternelle que vous avez faite auprès des sections; ils ont dit: On veut faire cesser les proscriptions, on veut nous arracher nos victimes, on ne veut pas que nous puissions les assåssiner dans les bras de leurs femmes et de leurs enfants. Eh bien! ayons recours aux mandats d'arrêt. Dénonçons, arrêtons, entassons dans les cachots ceux que nous voulons perdre : nous agiterons ensuite le Peuple; nous lâcherons nos sicaires; et, dans les prisons, nous établirons une boucherie de chair humaine où nous pourrons, à notre gré, nous désaltérer de

sang. (Applaudissements réitérés et unanimes des Girondins et des Tribunes.) Ces hommes croient follement qu'on a envoyé Louis XVI au Temple pour les intróner eux-mêmes aux Tuileries (On applaudit.) Les Parisiens aveuglés osent se dire libres! Ah! ils sont les esclaves des hommes les plus vils, des plus détestables scélérats (Nouveaux aqplaudissements.) »

Voilà comme le Chef des Girondins parle de la Commune, des Jacobins, de Robespierre, de Danton, sans les nommer! N'est-ce pas la plus révoltante calomnie, le plus intolérable outrage, la plus inexcusable imprudence?

Il est temps de brisser ces chaînes honteuses, d'écraser cette nouvelle tyrannie; il est temps que ceux qui on fait trembler les hommes de bien TREMBLENT A LEUR TOUR. »

Ainsi, la guerre, la terreur contre les Jacobins !

« Je n'ignore pas qu'ils ont des poignards à leurs ordres. Dans la nuit du 2, dans cette nuit de proscription, n'a-t-on pas voulu diriger les poignards contre plusieurs Députés et contre мOI. Mais nous dirons: Périsse l'Assemblée nationale pourvu que la France soit libre ! (Les Députés se lèvent par un mouvement unanime, en criant: Oui, oui, périsse notre mémoire pourvu que la France soit libre! - Les Tribunes se lèvent en même temps, et répondent par des applaudissements réitérés aux mouvements de l'Assemblée.) Périsse l'Assemblée nationale et sa mémoire, si elle épargne un crime qui imprimerait une tache au nom français; si sa vigueur n'apprend aux Nations de l'Europe que, malgré les calomnies dont on cherche à flétrir la France, il est encore, au sein même de l'anarchie momentanée où des brigands nous ont plongés, il est encore dans notre Patrie quelques vertus publiques, et qu'on y respecte l'humanité! Je demande que les nembres de la Commune répondent sur leurs têtes de la sûreté de tous les prisonniers (Les applaudissements recommencent.)»

Eh bien, l'Assemblée épargne le crime dont parle Vergniaud: le nom français sera donc taché; il n'y aurait donc plus aucune vertu publique en France, aucune humanité ! N'est-ce pas dénoncer la France à l'exécration des Peuples? N'est-ce pas aider l'Émigration, la Coalition, Pitt, à précipiter l'Angleterre et l'Europe contre la France ? N'est-ce pas un crime envers la Patrie?

Oui, c'est un crime: car tout est mensonge, tout est faux,

déloyal, égoïste, insolent, révoltant, dans leur système. Ils se présentent comme étant exclusivement la vertu, l'humanité, le patriotisme, et dénoncent leurs adversaires comme des scélérats, des traîtres et des monstres; ils appellent crime et for fait ce qu'ils ont provoqué, toléré, approuvé. D'ailleurs, tous les ordonnateurs du massacre sont connus: Danton, ministre de la justice; Fabre-d'Églantine, Secrétaire-général du Ministre; C. Desmoulins, Secrétaire du sceau; Manuel, Procureur de la Commune; Billaud-Varennes, Substitut; Tallien, Secrétaire; Marat, Panis, Sergent,etc., principaux Membres du Comite de Surveillance; Hébert, Fréron, etc., membres de la Commune, Maillard et tous les Juges populaires sont également connus; on connaît même les principaux exécuteurs. Et celui qui doit être le plus coupableaux yeux des Girondins, c'est le Ministre de la Justice, Danton: pourquoi ne demandent-ils pas sa mise en accusation? Tant qu'ils n'accusent pas Danton, leurs clameurs sont d'une révoltante iniquité, ou leurs ménagements sont une lâcheté qui doit flétrir les lâches!

Ainsi, voyez la différence énorme qu'on peut signaler déjà entre les Girondins et les Jacobins. Les Jacobins se sont opposés à la guerre parce qu'ils prévoyaient la trahison, le péril et les terribles nécessités auxquelles on se trouverait réduit pour se sauver : ce sont eux qui voulaient éviter l'effusion du sang. Les Girondins ont tout compromis, au contraire, et tout nécessité par leur témérité à provoquer la guerre par leur lenteur à prononcer la déchéance, par leur obstination à retarder le jugement des conspirateurs et des Ministres ; ce sont eux qui rendent inévitable le 2 septembre comme le 10 août; c'est sur eux que doit retomber toute la responsabilité... Et néanmoins ce sont eux qui accusent les Jacobins de cruauté, de férocité, de soif de sang !...

Ce sont eux encore qui négocient tantôt avec Louis XVI, tantôt avec Lafayette : ce sont eux qui proposent Brunswick; etils accusent leurs adversaires d'être soudoyés par Coblentz

et par Brunswick! Ce sont eux qui viennent jeter la division et la haine, entravant la Commune après lui avoir abandonné l'initiative insurrectionnelle et le soin de sauver la Patrie, et ce sont eux qui accusent cette Commune de diviser les patriotes et d'être l'ennemie du Peuple! Les voilà qui font pis que les Feuillants, pis que Lafayette et les Lameth: les voilà qui vont adresser à leurs adversaires tous les reproches qu'ils méritent eux-mêmes ; les voilà qui vont jeter la confusion partout, qui vont faire cause commune avec tous les ennemis des Jacobins, et qui vont décupler les périls de la Révolution!

§ 43.

Approche des Prussiens.

Trahison. Effroi.

Mais bientôt on apprend que les Prussiens viennent de forzer, le 17, le passage de l'Argonne, vainement défendu par Dumouriez; qu'il a failli être enveloppé et forcé de mettre bas les armes ; que l'armée a pris la fuite, entraînée par des cris de sauve qui peut, poussés par des traîtres: on voit des fuyards arriver jusqu'à Paris ; et l'effroi augmente la colère et les menaces contre les Girondins, premiers auteurs de la déclaration de guerre. Ils seront massacrés si le péril augmente! On parle même d'un projet d'assassiner les Députés le 21, jour fixé pour l'ouverture de la Convention; et, dès le 19, l'Assemblée fait une Adresse au Peuple pour invoquer l'inviolabilité des opinions, des votes et des Deputés.

§ 44.

Accusation entre les Jacobins et les Girondins.

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Rappelons-nous que les principaux Girondins sont : Brissot, Louvet, Roland, Vergniaud, Guadet, Gensonné, Buzot, Condorcet, Barbaroux, Pétion.

«En ne cessant pas de lutter d'éloquenee avec Robespierre aux Jacobins, Brissot, dit M. Thiers, lui avait inspiré une haine profonde.

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On reconnaît donc aussi de l'éloquence à Robespierre! Cependant, on prétend que c'est l'éloquence rivale de Brissot qui excite sa haine : ce serait bien vilain! mais où en est la preuve? - On verra tout-à-l'heure!

La haine de Robespierre, continue M. Thiers, transforme Brissot en chef des Girondins et le grandit... Après la lettre de Brissot, Vergniaud, Guadet et Gensonné, pour Louis XVI (p. 36), le bruit d'un traité se répandit, et l'on ajouta que Brissot, chargé d'or, allait partir pour Londres; il n'en était rien : mais Marat n'en avait pas moins lancé un mandat contre lui; les Jacobins n'en disaient pas moins qu'il était vendu à Brunswick; et Robespierre LE CROYAIT, tant sa fausse intelligence était portée à croire coupables ceux qu'il haïssait. »

Mais la question est de savoir si c'est l'intelligence de Robespierre qui est fausse ou celle de ses adversaires ! Et tout démontre jusqu'à présent que, loin d'être fausse, l'intelligence de Robespierre est parfaitement juste, et qu'elle lui fait apprécier les hommes et les choses, le présent et l'avenir, beaucoup mieux que ne le font tous ses adversaires. La question est encore de savoir si Robespierre n'a pas de justes motifs pour hair Brissot, et s'il le hait parce qu'il le croit coupable, ou s'il le croit coupable parce qu'il le hait par jalousie! Nous savons d'ailleurs que Brissot a déclaré la guerre à Robespierre, qu'il l'a calomnié (t. II, p. 532) et qu'il a juré de faire tomber sa tête (p. 48). Du reste, du moment que Robespierre croit Brissot coupable, il doit être son ennemi politique.

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Robespierre, continue M. Thiers, hait Louvet parce qu'il est le second de Brissot aux Jacobins et dans son journal la Sentinelle, parce qu'il est plein de talent et de hardiesse, parce qu'il s'attaque directement aux hommes: ses personnalités virulentes, reproduites chaque jour par la voie d'un journal, en ont fait l'ennemi le plus dangereux et le plus détesté du parti Robespierre, "

Ainsi, Louvet, l'immoral auteur de Faublas, est, aux yeux de M. Thiers, un Saint dont toutes les personnalités les plus virulentes sont des vertus qu'on a tort de détester, tandis que toutes les personnalités de Robespierre contre ceux qu'il cront coupables sont des preuves de basse jalousie et des crimes!

• Dans la personne de Roland, dit M. Thiers, c'est principalement sa femme qu'on déteste, sa femme qui réunit autour d'elle tous les Girondins... On s'efforce de répandre contre lui un bas ridicule... Sa femme, disent ses adversaires, gouverne pour lui, dirige ses amis, les récompense de ses faveurs... Marat l'appelle la Circé du parti. »

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