célébration de l'anniversaire du 14 juillet avant de se rendre à Soissons, où le Roi consent qu'on établisse un camp. Les Girondins se renforcent encore et affaiblissent la Cour par une autre mesure, la dissolution et la réélection de l'État-major de la Garde nationale de Paris; et, pour masquer leur véritable intention, ils décrètent la dissolution et la réélection des États-majors de toutes les villes au-dessus de cinquante mille âmes. Ils citent à la barre le Ministre de l'intérieur; et Isnard lui dit en face qu'il est un un traître. Dans les Départements, comme à Paris, partout, on craint l'invasion; partout on craint la trahison; clubs, journaux, placards, pétitions, tout signale le danger; et tout est d'accord partout pour signaler la trahison du Roi comme la cause du péril; partout le Peuple est unanime pour demander l'abdication ou la déchéance comme le premier de tous les remèdes. §7.- Commission de salut public. Dans ce péril extrême, l'Assemblée nomme une Commission de salut public, composée de douze membres, pour dé couvrir le danger et proposer des mesures de salut. Touteslesimaginations travaillent pour trouver des moyens de sauver la Patrie; et le cri général, c'est qu'il faut déclarer la Patrie en danger, déposer Louis XVI, déclarer les Sections en permanence, appeler aux armes le Peuple tout entier. Delaunay d'Angers propose même à l'Assemblée de ne consulter que la loi impérieuse et suprême de salut public, c'est-à-dire de suspendre la Constitution et la Royauté, et de s'emparer de la Dictature. Et la Commission des douze, tout en repoussant la Dictature formelle, propose un projet de Déclaration de la Patrie en danger qui crée en effet une Dictature. La discussion de ce projet commence le 30 juin. On con- çoit l'intérêt! on devine la chaleur! • Vous violez la Constitution, s'écrie la Droitel - La Constitution n'existe plus, répond la Gauche; elle est déchirée par un Roi qui trahit! - Non, dit la Droite! - Si, répond la Gauche! - Prouvez! - C'est démontré, manifeste, incontestable! -Vous êtes des séditieux, des révoltés! - Vous êtes des traîtres ! » Et le Girondin Vergniaud va le prouver. § 8. - Vergniaud accuse Louis XVI. << Serait-il vrai, s'écrie-t-il, que l'on redoute nos triomphes?..... Est-ce du sang de Coblentz qu'on est avare?..... Veut-on régner sur des villes abandonnées, sur des champs dévastés?.... Où sommesnous enfin ? » Il appelle hypocrite la prétendue modération qui voudrait refroidir les Représentants sur les dangers du Peuple. Il insinue que la Reine est une nouvelle Catherine de Médicis qui voudrait une nouvelle Saint-Barthélemy, et que Louis XVI est inspiré par un confesseur (Lenfant), qui veut de nouvelles Dragonnades. - Il accuse Lafayette d'avoir violé la Constitution, et d'être un intrigant. - Il reproche au Roi d'avoir renvoyé les Ministres patriotes, d'avoir repoussé le camp de vingt mille hommes, de n'opposer qu'une armée trop faible, d'employer Lafayette devenu suspect, d'avoir trompé en faisant espérer que les Prussiens ne pourraient pas arriver sur le Rhin avant longtemps, d'avoir caché leur marche et leur arrivée, tandis que la Constitution l'obligeait à la notifier sans aucun délai. Il l'accuse de trahir, d'appeler et de favoriser l'invasion, et de vouloir livrer la France nageant dans son sang.-Il soutient que l'invasion se prépare en son nom, qu'il n'a rien fait pour s'y opposer, et que, par cela seul, aux termes de la Constitution, il est censé avoir abdiqué. • O Roi, dit-il en terminant, qui, comme le tyran Lysandre, avez cru que la vérité ne valait pas mieux que le mensonge, qui n'avez feint d'aimer les lois que pour conserver la puissance qui vous servirait à les braver, était-ce nous défendre que d'opposer aux soldats étrangers des forces dont l'infériorité ne laissait pas même d'incertitude sur leur défaite? Était-ce nous défendre que d'écarter les projets tendant à fortifier l'intérieur? Était-ce nous défendre que de ne pas réprimer un Général qui violait la Constitution, et d'enchaîner le courage de ceux qui la servaient?..... La Constitution vous laissat-elle le choix des Ministres pour notre bonheur ou notre ruine ? Vous fit-elle le chef de l'armée pour notre gloire ou notre honte? Vous donna-t-elle enfin le droit de sanction, une liste civile et tant de prérogatives, pour perdre constitutionnellement la Constitution et l'Empire? Non, non, homme que la générosité des Français n'a pu rendre sensible, que le seul amour du despotisme a pu toucher!.... vous n'êtes plus rien pour cette Constitution que vous avez si indignement violée, pour ce Peuple que vous avez si lâchement trahi!» Puis il propose un message au Roi pour l'avertir encore, et pour lui dire que le Peuple est résolu à périr ou à vaincre. Il exhorte les Députés à l'union, approuve le projet de Déclaration de la Patrie en danger, et demande surtout un prompt rapport sur la conduite de Lafayette. Nous n'avons pas besoin de dire l'enthousiasme, la passion, la fureur même, que ce discours excite contre la Cour, à Paris et dans tous les Départements! L'annonce, faite aux Jacobins, que la Cour a envoyé Barnave et Duport à Londres, et qu'elle vient d'expédier un courrier extraordinaire à Lafayette pour l'appeler à son secours, irrite encore plus les esprits... On demande la mise en accusation de Lafayette. L'Évêque Torné accuse aussi de trahison Louis XVI et Lafayette, et demande une Dictature pour sauver la Patrie. Et bientôt (le 6) Condorcet intéresse davantage le Peuple à la Révolution et à la guerre. §. 9. Condorcet attaque les Émigrés dans leurs bien. « Décrétez, dit Condorcet, que les biens des trois Princes français soient sur-le-champ mis en vente pour dédommager les citoyens dépouillés au nom des Rois que ces Princes ont excités à ravager leur Patrie... Vous pouvez trouver dans cette mesure un moyen de punir ces orgueilleux coupables, en les forçant de contribuer eux-mêmes au perfectionnement de cette ÉGALITÉ contre laquelle ils ont conspiré. Que ces biens, quelle que soit leur nature, soient vendus par petites parties. Ils montent à près de cent millions, et vous remplacerez trois Princes par cent mille citoyens rendus Propriétaires; leurs palais deviendront la retraite du pauvre ou l'asile de l'industrie; des chaumières habitées par de paisibles vertus s'élèveront dans ces jardins consacrés à la mollesse ou à l'orgueil... Vos prédécesseurs de la Constituante ont établi les fondements de la liberté politique; faites jouir les citoyens de la liberté civile! abolissez les substitutions; détruisez les testaments; établissez l'ordre de succession le plus favo rable à la division des Propriétés ; donnez aux mariages la plus grande liberté; accordez aux enfants qu'on appelle illégitimes les droits auxquels la Nature les appelle; établissez l'adoption; permettez le divorce; organisez l'instruction et les établissements de secours publics! Demandez des comptes publics de la Liste civile, » Condorcet accuse ensuite vigoureusement les Ministres, la Haute-cour nationale corrompue pour eux, Louis XVI, Lafayette, et le Conseil secret ou le parti Feuillant (Barnave, Duport et Lameth), qui conspire avec la Coalition pour avoir deux Chambres, qui calomnie la France à l'étranger, qui s'efforce de diviser l'armée et de séduire les citoyens. Il présente un projet de message au Roi, dans lequel il lui rappelle ses devoirs, lui expose les reproches qu'on lui fait, et luicite notamment sa connivence avecles Émigrésetl'emploi de sa Liste civile pour semer la corruption. - Et l'Assemblée ordonne l'impression du discours et du message. §10.- Louis XVI notifie les hostilités imminentes de la Prusse. Poussé ainsi dans ses derniers retranchements, Louis XVI dénonce à l'Assemblée les hostilités imminentes de la part de la Prusse, et les fonde sur des faits très-anciens, notamment sur la convention de Pilnitz, passée le 27 août, plus de 10 mois auparavant. • Aux termes de la Constitution, dit-il en terminant, j'en donne • avis au Corps législatif. -Oui, répondent quelques Députés, quand les Prussiens sont à Coblentz! >>> Mais Lamourette veut tout réconcilier: voyons!.. § 11. - Baiser Lamourette Poussé par la Cour, et d'accord avec la Droite, l'Évêque de Lyon, le beau Lamourette, monte à la tribune. • Celui qui réussirait à vous réunir, s'écrie-t-il, serait le véritable * vainqueur de l'Autriche et de Coblentz. On dit tous les jours que « votre réunion est impossible, au point où en sont les choses... Ahl « j'en frémis!... Mais c'est là une injure; il n'y a d'irréconciliables « que le crime et la vertu: les gens de bien disputent vivement, « parce qu'ils ont la conviction sincère de leurs opinions; mais ils - ne sauraient se haïr! Messieurs, le salut public est dans vos mains; <<< que tardez-vous de l'opérer? « ..... Que se reprochent les deux parties de l'Assemblée? L'une << accuse l'autre de vouloir modifier la Constitution par la main des « étrangers, et celle-ci accuse la première de vouloir renverser la • Monarchie pour établir la République. Eh bien! Messieurs, fou« droyez d'un même anathème et la République et les deux Cham« bres; vouez-les à l'exécration commune par un dernier et irrévo« cable serment! Jurons de n'avoir qu'un seul sentiment! Jurons« nous fraternité éternelle! que l'ennemi sache que ce que nous • voulons, nous le voulons tous; et la Patrie est sauvée!» Mais le Roi, la Cour, sont-ils de cet avis? - C'est une nouvelle comédie concertée entre la Cour et la Droite, pour gagner du temps et attendre l'arrivée des Prussiens en endormant le Peuple. Aussi, la Droite se précipite aussitôt dans les bras de la Gauche, comme entraînée par uneimpulsion électrique; Droite et Gauche se mêlent, se confondent, s'embrassent; on n'entend que les cris point de République! point de deuxième Chambre! union, concorde, fraternité! Une Députation court en avertir Louis XVI (c'est convenu); Louis XVI accourt en personne à l'Assemblée exprimer son bonheur, sa joie, sa fidélité à la Constitution (c'est encore convenu); et l'enthousiasme paraît au comble. Et Louis XVI n'en veut pas moins l'invasion, la Droite une deuxième Chambre et la Gauche la République! Quel enfantillage! quelle niaiserie! Mais la facilité de la Gauche à se prêter à cette comédie prouve combien Louis XVI est coupable de semer tant de haine dans le cœur d'une Nation si affectueuse et si confiante. La réconciliation va disparaître le soir même. Le soir, en effet, le Roi fait notifier à l'Assemblée le résultat de l'enquête ordonnée par le Directoire contre Pétion et Manuel (p. 6); tous deux sont suspendus pour leur négligence à repousser l'émeute du 20 juin... Bon exemple d'inexorable sévérité donné par les Feuillants! Et que mérite donc Louis XVI pour sa négligence à repousser l'invasion ? Aussi, les Tribunes, des pétitionnaires en foule, vont demander Pétion ou la mort!... A bas le Directoire!... La Rochefoucauld à Orléans! |