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Puis, aux Jacobins, Billaud-Varennes s'écrie:

« Baiser de Judas! En conspire-t-on moins? En trahit-on moins? Lafayette, le traître Lafayette en sera-t-il moins uh scélérat?... Le péril presse! Le remède ne peut être que dans la convocation accélérée des Assemblées primaires... Le Souverain tout-puissant a seul la force nécessaire pour exterminer nos ennemis. Contre des brigands couronnés et des mangeurs d'hommes, il faut Hercule et sa massue! » Puis, écoutez Brissot, le 9, à la tribune de l'Assemblée.

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L'ancien ami de Lafayette. le Girondin Brissot dénonce Lafayette, le Directoire, le Conseil Feuillant, et demande que Lafayette soit sévèrement puni. Il demande encore :

« Qu'on mette les Ministres en accusation pour avoir trop tardé à notifier les hostilités de la Prusse; — qu'on vende les biens des Émigrés ; qu'on organise sans délai les armées nationales; qu'on discute la question de la déchéance; qu'on déclare de suite la Patrie en danger; et qu'on crée une Dictature ou Commission secrète de

salut public composée de sept membres. »

§ 13. Coalition générale,

Insurrection Royaliste,

Le Ministre expose alors la situation politique étrangère. L'Angleterre, le Danemarck, Venise, parlent de neutralité. - Les États-Unis voudraient pouvoir aider la France. — Mais l'Autriche, la Prusse, la Russie, la Suède, le Piémont, le Pape, l'Espagne, sont coalisés contre la Révolution française. - Et les Émigrés les dirigent.

On apprend en même temps qu'un ancien noble (Du Saillant), prenant le titre de Lieutenant-général de l'armée des Princes, commençant l'insurrection contre-révolutionnaire, vient de s'emparer du fort de Bannes dans le département de l'Ardèche, presqu'au centre, d'où il tient en échec toute la con trée environnante. Il assiége le château de Jalès avec 2,000 hommes, ordonne, dans une proclamation, l'arrestation de toutes les Autorités et de tous les Jacobins, et annonce qu'il a 60,000 insurgés secrètement enrôlés. — On apprend en même temps une insurrection en Bretagne, où les insurgés

tuent plusieurs gardes nationaux avant d'être dispersés euxmêmes. On apprend que les Émigrés sont au nombre de plus de 30,000; que 80,000 Prussiens sont en marche sur le Rhin, et que de nouveaux corps Autrichiens arrivent en Belgique. Qu'on juge l'alarme et la colère !

§ 14. Retraite en masse du Ministère.

Le 10, après un rapport général sur la situation du pays. le Ministère déclare que l'anarchie paralyse tout, et que, ne pouvant sauver l'Etat, il a donné sa démission. Les nouveaux Ministres, Feuillants aussi, seront: Daubancourt, guerre;Dubouchage, marine; - Champion, intérieur; - Dejoly, justice; Leroux de la Ville, finances; - Bigot SainteCroix, extérieur.-L'interrègne ministériel dure dix jours.

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Les frères du Roi, contre lesquels la Haute-cour n'a encore prononcé aucune condamnation (t. II, pag. 497), font publiquement, en son nom, un emprunt de 8 millions, hypothéqué sur les revenus du royaume, pour faire la guerre à la France, tandis qu'ils donnent à Du Saillant le titre de Lieutenant-général et l'ordre de commencer la guerre civile en son nom.-C'est en vain que Louis XVI fait une proclamation pour désavouer cet emprunt ou tous autres actes faits en son nom; c'est en vain qu'il parle encore de Constitution; personne n'a le moindre doute qu'il est d'accord avec les Émigrés.

§ 16.

Citoyens! la Patrie est en danger!

Le 11, après un rapport de tous les Comités réunis, l'Assemblée décrète la grande mesure, et commence à s'emparer réellement de la Dictature en décidant que son décret ne sera pas soumis à la sanction royale.

Puis, au milieu d'un majestueux silence, le Président de la Représentation nationale prononce cette formule solennelle Citoyens! la Patrie est en danger!

Deux Adresses, l'une aux Français, l'autre à l'Armée, ré

pètent et portent ce cri partout. Le canon, tiré de moment en moment, annonce aussitôt sur toute la France qu'il s'agit enfin de combattre pour sauver la Patrie.

Toutes les Autorités nationales, la Législature, toutes les Municipalités, toutes les Administrations départementales, sont en permanence; - toutes les Gardes nationales s'organisent, se mobilisent, s'arment, s'habillent et s'exercent;tous les hommes, jeunes et vieux, en état de servir, sont appelés dans la Garde nationale; tous les propriétaires d'armes sont obligés de les apporter pour armer les défenseurs du pays; - tout signe contre-révolutionnaire, toute cocarde et tout drapeau non tricolore, sont punis de mort.

Et pour exciter et faciliter les enrôlements, le décret qui déclare la Patrie en danger est proclamé dans les rues au milieu d'une imposante cérémonie patriotique et militaire ; des tentes sont dressées partout; c'est sur la place publique, sur des amphithéâtres improvisés, sur des tambours, au milieu des chantset des cris, que les volontaires viennent faireécrire leurs noms par les Magistrats municipaux. - Ces enrôlements s'élèvent jusqu'à 15,000 en un seul jour à Paris.

Et fait-on aujourd'hui une distinction entre les citoyens actifs et les citoyens passifs? C'est bien le cas de n'appeler à l'action que le Peuple électeur qualifié Peuple actif, et de laisser en repos le Peuple prolétaire qualifié Peuple passif!

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Mais c'est ce Peuple prétendu passif qu'appelle aujourd'hui la Représentation nationale; c'est ce Peuple non-électeur qui fait la seule espérance de la Patrie; c'est ce Peuple ouvrier, pauvre, prolétaire, qui s'enrôle sur des tambours, qui se fédère sur la place publique, et qui court braver la mort sur les frontières pour défendre la Liberté et l'Égalité... Et ce ne serait pas la plus révoltante injustice que de lui refuser les droits politiques!

Mais les Jacobins redoublent leurs attaques contre Lafayette; convaincus qu'il est le plus dangereux ennemi.

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Avant la déclaration de l'Assemblée, dit Robespierre, nous savions qu'un Général conspirateur était à la tête de nos armées; nous savions qu'une Cour corrompue machinait sans relâche contre

la Constitution ce n'est donc pas pour nous instruire que l'Assemblée nationale a déclaré la Patrie en danger; c'est pour exhorter la Nation à déployer toute son énergie; c'est pour lui dire : Français, sauvez-vous !..... Mais la Patrie est en danger parce qu'il existe une Cour scélérate et inconvertissable..... La Patrie est en danger parce qu'un Général, qu'on a cru le Général des Français, n'est que le Général de la Cour de Vienne... Si l'on avait frappé ce Général, auteur de tous nos maux, la guerre serait terminée; la Belgique serait libre. La liberté sera en danger tant que Lafayette sera à la tête de l'armée. J'espère qu'avant trois jours un décret d'accusation nous aura fait justice de Lafayette. »

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Puis, Robespierre lit un projet d'adresse aux Fédérés:

S 17. Adresse des Jacobins aux Fédérés.

Généreux citoyens, dernier espoir de la Patrie, vous n'êtes point venus pour donner un vain spectacle à la Capitale et à la France.... Votre mission est de sauver l'Etat... L'heure fatale sonne : marchons au Champ de la Fédération! Voilà l'autel de la Patrie; voilà le lieu où jadis les Français resserrèrent les liens de leur association politique : reviennent-ils encenser de fausses Divinités, de méprisables idoles ? Déjà l'opinion publique a replongé dans le néant ce héros ridicule dont les basses intrigues égarèrent les sentiments civiques de nos frères et dégradèrent le caractère national. De tout ce bizarre échafaudage d'une réputation usurpée, il ne reste que le nom d'un traître. Ne prêtons serment qu'à la Patric entre les mains du Roi immortei de la Nature qui nous fit pour la liberté... Ici tout nous rappelle les premiers parjures, tous les crimes qu'ils ont commis, le sang innocent versé... Citoyens, la Patrie est en danger, la Patrie est trahie! Combattez pour la liberté du monde ! Les destinées de la Génération présente et des Races futures sont entre vos mains Voilà la règle de vos devoirs ; voilà la mesure de votre sagesse et de votre courage!.

Cette adresse, lue par Robespierre au milieu des applaudissements, est imprimée, distribuée, envoyée partout,

§ 18. Nouvelle demande de déchéance.

La déclaration du danger de la Patrie appelle tous les esprits à rechercher la cause de ce danger; et partout on trouve toujours que c'est Louis XVI; partout on demande la déchéance; et partout on fait des pétitions pour l'obtenir. - La France, dit Prudhomme, n'a que deux ennemis dangereux, le

Roi, et Lafayette, désigné comme Généralisme de toutes les armées du Roi et de la Coalition : il faut abolir Lafayette et la Royauté..»

Beaucoup de Sections demandent l'accusation de Lafayette et du Directoire; - la suppression du véto dans le cas d'urgence; — la publicité des séances du Conseil des Ministres; la réduction de la Liste civile.

Marseille demande la déchéance de toute la branche régnante, et le Remplacement de la Royauté héréditaire par une Royauté élective sans véto, c'est-à-dire par la République. Enfin le Député Torné reprend bientôt l'idée de Vergniaud, et propose formellement la déchéance.

§ 19.

Angoisses de Louis XVI et de sa famille.

Que d'angoisses se prépare, à lui, à sa femme, à ses enfants, un Roi qui conspire et qui trahit!

Louis XVI craint d'être empoisonné, et n'ose plus prendre ses repas que chez une Dame de confiance de la Reine. - Il craint d'être poignardé le jour de l'anniversaire du 14 juillet; et la Reine est obligée de lui faire faire un plastron composé d'un grand nombre de plis d'étoffe. Et quand, le 14, regardant avec une lunette son mari à l'autel du Champ-de-Mars, elle le verra descendre rapidement le premier degré, elle le croira frappé d'un coup de poignard et s'écriera qu'il est assassiné.

Mais c'est surtout le spectre de Charles Ier mourant sur l'échafaud qui trouble son imagination effrayée...

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Lafayette veut encore sauver le Roi... malgré sa trahison évidente et prouvée...! Quelle rage de sauver l'ennemi de la Constitution et de la Révolution! -Il gagne d'abord le vieux maréchal Lukner. - Puis il propose au Roi de l'enlever le 12, et de le conduire dans son armée: mais le Roi ayant écrit à l'Assemblée qu'il assisterait à la fête de la Fédération, il écrit à Lally-Tollendal, le 8, et le chargé de faire ses pro positions au Roi pour le 15.

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