liberté aux détenus pour dettes. Que les Propriétaires ne s'alarment pas! sans doute quelques individus se sont portés à des excès; mais la Nation, toujours juste, respectera les Propriétés. Respectez la misère, et la misère respectera l'opulence. Ne soyons jamais coupables envers le malheureux, et le malheureux, qui a plus d'âme que le riche, ne sera jamais coupable. » (Applaudissements.) Et la contrainte par corps est abolie par acclamations. Et nous ne parlons pas d'une émeute qui, le soir, détruit deux imprimeries girondines, celles de Gorsas et de Brissot, pour se venger de leurs attaques continuelles contre les Jacobins et contre le Peuple, ou pour les empêcher de défendre les Girondins. Cette violence est assurément peu légale : mais les Girondins ont tant de fois donné l'exemple de l'illégalité, leurs écrivains ont tant insulté, tant calomnié, tant irrité le Peuple, qu'ils n'ont guère le droit de se plaindre. Nous allons voir d'autres attaques bien autrement graves! $25. Établissement du Tribunal révolutionnaire. Le 10 (un dimanche), tout annonce une séance orageuse. On lit d'abord une lettre de Dumouriez annonçant les désastres derrière lui et demandant du secours. - Robespierre appuie ses demandes et propose l'accusation des Généraux Lanoue et Stengel qui ont commencé la déroute. - Décrété. Cambacérès demande alors l'organisation du tribunal extraordinaire, et une nouvelle organisation du Ministère qui place temporairement le Gouvernement dans l'Assemblée; c'est-à-dire qu'il demande un Tribunal et un Gouvernement RÉVOLUTIONNAIRES, une Dictature dans la Convention, pour repousser l'Étranger et sauver la Révolution. Le Girondin Buzot se récrie contre cette confusion de tous les Pouvoirset ce Despotisme qui déshonorerait la Convention. comme si les Girondins ne voulaient pas la Dictature et le Despotisme pour eux quand ils avaient la majorité ! - « 11 faut agir et non bavarder, lui crie un Montagnard. " Cependant on ajourne quant au Ministère; mais on demande de suite le tribunal. " Robert-Lindet présente aussitôt le projet rédigé par le Comité. Ce tribunal serait composé de Juges seulement, nommés par la Convention, poursuivant d'après ses ordres ou spontanément, exempts de toutes formes, et jugeant souverainement tous ceux qui, parleur conduite ou la manifestation de leurs opinions, auraient tenté d'égarer le Peuple, et ceux qui, par les places qu'ils occupaient sous l'ancien régime, rappellent des prérogatives usurpées par les Despotes. *-Plutôt mourir, s'écrie Vergniaud, que de consentir à cette Inquisition Vénitienne! - Il faut au Peuple, répond Amar, ou cette mesure de salut ou l'insurrection!» « Si nous nous trompions dans le choix des Juges, dit Cambon, ce seraient d'insupportables tyrans que nous nous serions imposés à nous-mêmes! Ce tribunal, répond Duhem, est encore trop bon pour des scélérats, des contre-révolutionnaires ! Nous le voulons, disent les Montagnards. - Nous ne voulons pas, répondent les Girondins!» 39 Barrère demande des Jurės; le Girondin Boyer-Fonfrède demande qu'ils soient pris dans les Départements. « Votons à haute voix, disent les Montagnards! Oui, répond Féraud, faisons connaître au monde les hommes qui veulent assassi ner l'innocence à l'ombre de la loi! " Les Girondins voient bien que c'est contre eux que ce tribunal est demandé; ils croient que les jugements seront des assassinats; et ils vont concourir à tout!... Et ils diront ensuite de la Convention ce qu'ils ont dit de Paris et de la Commune, qu'elle est remplie de brigands et d'assassins !... Cependant, la Majorité se prononce pour des Jurés, et décrète qu'ils seront nommés par la Convention et pris dans tous les Départements. Après ce premier vote et la violente discussion qui l'a précédé, les Girondins et la Plaine demandent que la séance soit suspendue; et le Président (Gensonné), d'accord avec eux, veut en effet la suspendre. « Je somme, s'écrie Danton, les bons citoyens de rester à leurs places! Quoi! c'est à l'instant où Miranda (commandant le principal corps d'armée) peut être battu, où Dumouriez peut être pris par der rière et obligé de mettre bas les armes, que vous songeriez à délaisser votre poste ! Il faut terminer l'établissement de ces lois extraordinaires destinées à épouvanter nos ennemis intérieurs... Il les faut arbitraires parce qu'il est impossible de les rendre précises. » C'est ce que disaient Buzot et les Girondins, quand ils demandaient des lois contre Marat et les Jacobins (p 230). « Il les faut arbitraires, parce que, si terribles qu'elles soient, elles seront préférables encore aux exécutions populaires qui, aujourd'hui comme en Septembre, seraient la suite des lenteurs de la Justice. Après ce tribunal, il faut organiser un Pouvoir exécutif énergique, qui soit en contact avec vous, et qui puisse mettre en mouvement tous vos moyens en hommes et en argent. Aujourd'hui donc le tribunal, demain le Pouvoir exécutif, et après-demain faites partir vos Commissaires pour les armées et les Départements! Soutenez-les par votre énergie! Qu'ils disent à la classe opulente: il faut que l'Aristocratie de l'Europe, succombant sous nos efforts, paie notre dette, ou que vous la payiez! Le Peuple n'a que du sang, et il le prodigue: allons, misérables, prodiguez vos richesses! (Applaudissements.) « Cessons nos disputes pour ne nous occuper que du salut public! Quand l'ennemi était aux portes de Paris (en septembre), j'ai dit à ceux qui gouvernaient alors: " Vos discussions sont misérables; moi, je ne connais que l'ennemi; battons l'ennemi! Eh que m'importe ma réputation! Que la France soit libre, et que mon nom soit flétri!» Eh bien! malgré ceterrible langage, le véritable patriotisme n'est-il pas celui de Danton plutôt que celui des Girondins? Néanmoins, la séance est suspendue à 7 heures pour être reprise à 8.- Et pendant ce temps s'allume uneinsurrection, préparée peut-être par Danton et les Cordeliers, à l'insude Robespierre, des Montagnards et de la Commune. Écoutez bien! 26.- Journée du 10 mars. - Essai d'insurrection contre les Girondins. C'est un dimanche; et la Section de la Halle au blé qui envoie 1,000 hommes à l'armée, leur donne, sous les Halles, un banquet civique où chaque citoyen fournit son plat. Vous concevez l'enthousiasme, l'exaltation, les chants, les cris, les menaces, le délire... Et, dans le même moment, les Jacobins, les Cordeliers, la Commune et les Sections, sont en séance, comme la Convention, pour aviser au salut public. T. III. 23 Dans la Section des Quatre-Nations, 18 membres décident que l'insurrection va commencer contre les Girondins, quela Commune va se déclarer souveraine comme au 10 août, et que le Corps électoral de Paris va s'assembler pour révoquer ceux de ses Députés qui conspirent avec les ennemis de Ja Révolution. Les Cordeliers prennent les mêmes arrêtés; puis, le Club et la Section nomment deux Députations pour les notifier à la Commune, tandis qu'ils envoient fermer les barrières et donner le signal à la troupe qui vient de diner sous les Halles. Cette foule d'hommes qui vont courir à l'ennemi, échauffés par le vin, exaspérés contre les Girondins, partent alors armés de pistolets et de sabres, et se portent aux Jacobins en chantant d'épouvantables menaces. Ils défilent dans la salle au milieu des applaudissements. « Citoyens, dit l'un d'eux, au moment du danger de la Patrie les vainqueurs du 10 août se lèvent pour exterminer les ennemis de l'extérieur et de l'intérieur. - Oui, répond Collot-d'Herbois qui préside; malgré les intrigants nous sauverons avec vous la liberté! » On crie que Miranda est une créature de Pétion et qu'il trahit; que Brissot a fait déclarer la guerre à l'Angleterre pour perdre la France; qu'il n'y a qu'un moyen de se sauver, c'est de se débarrasser de tous ces traîtres et d'arrêter tous les appelants; qu'il faut des vengeances, et que les Députés ne sont pas nviolables. Le Montagnard Dubois-Crancé, qui arrive, veut combattre ces propositions: mais les Tribunes couvrent sa voix, envahissent la salle, éteignent les lumières; et l'on se divise en deux colonnes, dont l'une va se réunir aux Cordeliers, tandis que l'autre va présenter sa demande à la Convention. Cependant, ce mouvement est bientôt annoncé partout ; et, comme on n'en connaît ni les chefs ni la direction, il répand partout l'inquiétude et la terreur. Les Ministres, réunis chez Lebrun, n'ayant aucune force a leur disposition, ne savent que faire pour sauver leur vie menacée. Le Ministre de la Guerre seul, Beurnonville, dont 1 l'hôtel est déjà cerné, parvient à s'échapper en franchissant le mur de son jardin, et se met à la tête des 400 Fédérés Brestois. Les principaux Girondins, réunis chez Pétion, pensent à se réfugier ailleurs pour n'être pas assassinés: c'est en vain que Pétion, regardant par la fenêtre et voyant la pluie tomber, leur assure qu'il n'y aura rien cette nuit; ils ne se hâtent pas de retourner à l'Assemblée. Là, dans l'Assemblée, 40 membres seulement de la Droite sont à leurs places; et voyez quelle scène étrange et terrible!... Persuadés qu'ils seront attaqués, ces 40 Députés sont arrivés armés et sont convenus qu'en cas d'attaque, ils se précipiteront sur les Montagnards et en tueront le plus qu'ils pourront avant de succomber. Ainsi, ils ne craignent pas de verser du sang pour se défendre ou pour se venger, et ils ne veulent pas que le Peuple ait pu le faire en septembre pour se défendre contre les conspirateurs et contre les Prussiens ! Ils tiennent leurs pistolets armés et tout prêts, tandis que les Montagnards et les Tribunes tiennent également leurs armes préparées, attendant, des deux côtés, l'arrivée de l'Insurrection. Mais, quoique hostile aux Girondins, la Commune, qui n'est pas dans le complot et qui ne croit pas l'opinion assez unanime pour une insurrection contre la Représentation Nationale, repousse les Députations des Cordeliers et de la Section des Quatre-Nations. Le Maire Pache, les Procureurs-syndics Chaumette et Hébert, le Commandant Santerre, s'opposent énergiquement, font rouvrir les barrières, envoient des adresses aux Jacobins et aux Sections pour les ramener à l'ordre, et menacent d'employer la force publique. Tout s'arrête alors, se calme et se disperse, devant la résistance de la Commune, ou devant la pluie et le froid, ou parce que les Chefs ne veulent que faire un essai ou qu'intimider les Girondins, commeceux-cileuren ont donné l'exemple au 20 juin 1792. - Et la Convention apprend enfin que l'Insurrection ne se présentera pas à sa barre. |