Images de page
PDF
ePub

mites; une nouvelle Autorité placée entre eux et vous ne ferait que jeter des germes de divisions. Il faudrait que le Peuple, pour se délivrer de cette puissance destructive de sa Souveraineté, s'armât encore une fois de sa vengeance. »

Et l'Assemblée recule et cède.-Puis, la commune arrête : « Que l'exposé historique de tout ce qui a été fait et décrété dans la journée du 10 sera imprimé et envoyé à toutes les Communes du Département; - que tous les Juges-de-paix sont destitués; que la police politique sera exercée, sur la dénonciation de tous ses membres et de tous les citoyens, par son Comité de Surveillance (composé de Duplan, Panis, Sergent, Lenfant, Lefort, Journeuil), à la tête duquel se trouve Marat; - que chacune des quarante-huit Sections aura son Comité de Surveillance pour les passeports, afin d'empêcher les suspects de fuir à l'ennemi; que les empoisonneurs de l'opinion publique, tels que les auteurs de divers journaux, seront arrêtés, et que leurs imprimeries seront livrées à des imprimeurs patriotes que le Roi a précédemment dépouillés des leurs"; que les maisons de jeu et de débauche seront fermées; - qu'elle demandera des honneurs pour les martyrs populaires; - qu'elle arrêtera tous les Conspirateurs royalistes du 10 août, et qu'elle demandera à l'Assemblée un nouveau tribunal criminel pour les juger promptement. »

§3.

La Commune demande le jugement des conspirateurs du 10 août.

On se rappelle qu'un rassemblement ménaçait les soixante Suisses réfugiés aux Feuillants après avoir fusillé le Peuple : l'Assemblée n'a pu calmer l'irritation populaire qu'en décrétant que ces Suisses et les autres prisonniers, une patrouille royaliste, seraient jugés de suite par une Cour martiale.

Le Peuple menaçant de massacrer les officiers Suisses dénoncés par leurs soldats pour avoir ordonné le feu, la Commune publie cette proclamation :

« Peuple souverain, suspens ta vengeance! la justice endormie reprendra aujourd'hui ses droits; tous les coupables vont périr sur l'échafaud.»

Le Peuple, qui veut être modéré et généreux, mais qui souffre de ses blessures et de ses pertes, et qui sent que ses périlscroissent touslesjours, veut absolument justice contre ceux quil'ont massacré ou qui ont conspiré sa ruine et qui le massacreraient encore à l'arrivée des Prussiens. Au lieu de la Cour martiale annoncée, la Commune demande deux jurys, d'accusation et de jugement, pour juger en dernier ressort tous les coupables. --Le 13, elle envoie une première Députation à l'Assemblée. Le 14, une seconde Députation déclarequ'elle nese retirera que quand le décret serarendu : néanmoins l'Assemblée refuse, et décrète que les tribunaux établis jugeront les crimes du 10 août.

A l'instant éclate dans Paris la plus violente rumeur; la section des Quinze-vingts déclare à la Commune qu'elle va faire sonner le tocsin dans le faubourg Saint-Antoine.

• Quoi, s'écrie-t-on aux Jacobins, si le Tyran avait été vainqueur, déjà 1200 échafauds auraient été dressés dans la capitale (comme Bouillé l'a fait à Nancy), et plus de 3,000 citoyens auraient payé de leurs têtes le crime d'avoir osé devenir libres; et le Peuple Français, victorieux de la plus terrible conspiration, vainqueur de la plus noire trahison, n'est pas encore vengél »

La Commune envoie une troisième Députation, et Robespierre à la tête.

• La tranquillité du Peuple, dit-il, tient à la punition des coupables; et cependant vous n'avez rien fait pour les atteindre. Votre décret est insuffisant: il n'explique point la nature et l'étendue des crimes à punir; car il ne parle que des crimes du 10 août, et les crimes des ennemis de la Révolution s'étendent bien au-delà du 10 août et de Paris: avec une expression pareille, le traître Lafayette échapperait aux coups de la loi! Quant à la forme du tribunal, le Peuple ne peut pastolérer davantage celle que vous lui avez conservée: le double degré de juridiction cause des délais interminables; et d'ailleurs toutes les anciennes autorités sont sUSPECTES; il en faut de nouvelles; il faut que le tribunal demandé soit composé de Députés pris dans les Sections, et qu'il ait la faculté de juger les coupables souverainement et en dernier ressort. >>>

Cependant, l'Assemblée refuse encore et rédige une Adresse au Peuple: mais la fureur populaire est au comble, et l'on ne parle que d'insurrection dans tout Paris. Le 16, un Représentant de la Commune se présente, pour la qua trième fois, à l'Assemblée, et lui dit :

• Comme citoyen, comme Magistrat du Peuple, je viens vous an

Т. III.

6

« noncer que, ce soir, à minuit, le tocsin sonnera, la générale battra. • Le Peuple est las de n'être point vengé. Craignez qu'il ne se fasse justice lui-même! Je demande que, sans désemparer, vous décré« tiez qu'il sera nommé un citoyen par chaque Section pour former un - tribunal criminel..

Quelle énergie révolutionnaire, après trois ans d'apprentissage en révolution ! Comme le Peuple est puissant quand il est discipliné et dirigé par des chefs qui le garantissent de l'anarchie !

Aussi l'Assemblée cède encore, et décrète qu'une Cour populaire jugera les coupables... Une Cour populaire! mais c'est le tribunal du Peuple, la justice du Peuple!... C'est un premier tribunalrévolutionnaire, comme les Royalisteset les Feuillants l'ont demandé contre le Peuple (T. II, p. 485).

Le lendemain, Brissot propose, au nom de la commission extraordinaire, de suspendre la création du Tribunal et par conséquent le jugement jusqu'à l'arrivée de la Convention, c'est-à-dire pendant deux mois... Ainsi les Girondins, qui n'ont rien su faire pareux-mêmes, onttour-à-tour la faiblesse de satisfaire et la hardiesse de braver la Commune et le Peuple, quand le péril est croissant ! Quelle imprudence! Mais, le 17, une nouvelle Députation de la Commune demande instamment l'organisation du nouveau Tribunal; et l'Assemblée décrète que les nouveaux juges seront élus sans délai. L'élection se fait à l'instant, et Robespierre est élu Prési dent: mais il refuse, parce qu'il s'est déclaré l'adversaire des accusés, parce qu'il les a constamment dénoncés, parce que sa présence à la Commune est plus utile au Peuple. Installé le 18, le nouveau Tribunal, appelé Tribunal du 17 août, juge, acquitte et condamne, fait exécuter ses condamnations sur la place du Carrousel, où les condamnés ont fait massacrer le Peuple.-Là, dans la quinzaine, seront exécutés: Collenot d'Angremont, convaincu d'embauchage pour le Château; Laporte, intendant de la Liste civile, déclaré complice de Louis XVIet l'instrument de sa corruption; Durosoy, journaliste contre-révolutionnaire, correspondant des Émigrés; Vinale, l'abbé Savade et Guillot, fabricateurs de faux assignats. - Dossainville, accusé d'embauchage, d'Affry, colonel des Suisses (qui prouve qu'il n'était pas au château le 10), de Montmorin, gouverneur de Fontainebleau, seront acquittés malgré la prévention populaire.

La Commune et le Peuple demandent aussi qu'on amène à Paris, pour être jugés par le nouveau Tribunal, les Ministres détenus à Orléans depuis longtemps, et dont le Roi ajournait toujours le jugement par la Haute-Cour nationale dans l'intention de les sauver. La Commune menace de l'insurrection, si l'Assemblée résiste: mais la Commune n'obtient rien pour le moment.

Et chaque jour les papiers qu'on découvre augmentent la fureur populaire contre la Cour et les Ministres.

[blocks in formation]

Quel changement, aujourd'hui que le Peuple est entré aux Tuileries, dans les appartements de Louis XVI et de Marie-Antoinette, aujourd'hui qu'on a saisi les papiers de la Liste civile, des Ministres et l'Armoire de fer!

Gohier fait un rapport sur les pièces trouvées chez le Roi.

« Elles prouvent évidemment, dit-il, que le Peuple n'avait que trop raison de regarder la Cour comme le foyer de la conspiration de Coblentz. Des lettres à l'adresse des Généraux Autrichiens et les réponses de ceux-ci font voir que nos ennemis étaient mieux instruits des plans de campagne que nos propres Généraux. »

Les pièces de la Liste civile prouvent aussi que Louis XVI soldait les Princes et les Chefs de l'Émigration, notamment les quatre compagnies des Gardes-du-corps, réunis à Coblentz; elles démontrent encore les corruptions exercées sur des Députés de la Constituante et de la Législative et sur les écrivains; elles prouvent que seize Députés actuels se sont coalisés et vendus pour une somme énorme payée par la Liste civile et par les fonds extraordinaires.

L'ex-ministre Montmorin, interrogé à la barre de l'Assemblée, avoue que, après le retour de Varennes jusqu'à l'acceptation de la Constitution, A. Lameth, Barnave, des Comités entiers se réunissaient avec le Roi et tousles Ministres chez le Garde-des-sceaux d'alors, Duport-Dutertre.

On trouve même un projet concerté entre Barnave, A. Lameth, d'une part, et le Comité des Ministres, d'autre part, qui ne laisse plus aucun doute sur l'existence du Comitė autrichien.

L'Assemblée n'hésite pas alors à mettre en accusation Barnave, A. Lameth, et les anciens Ministres Montmorin, Duport-Dutertre, Duportail, Bertrand de Molleville, Tarbė.

On demande même de tous côtés le jugement de Louis XVI et de Marie-Antoinette.

§5. - Mise en accusation et désertion de Lafayette.

On devine que Lafayette ne peut manquer d'être accusé et tout au moins destitué. -Mais Lafayettes'est rendu à Sédan pour se rapprocher de Paris, au risque de laisser la frontière ouverte; et il pense à marcher sur la Capitale, quand arrivent les trois Commissairesenvoyés le 10, par l'Assemblée, pour annoncer la nouvelle Révolution, proclamer les décrets et faire prêter aux troupes un nouveau serment. Lafayetteordonneau Mairede les faire arrêter sous prétexte que l'Assemblée n'est pas libre et qu'il ne sont que les envoyés d'une troupe factieuse; ils sont en effet emprisonnés, et Lafayette fait renouveler dans toute son armée le serment de fidélité au Roi... Se croyant sûr du dévouement de 75 Départements parce que quelques-uns de leurs habitants ont approuvé sa lettre du 16 juin à l'Assemblée, il entreprend de coaliser ces Départements, de les réunir en Congrès au nom du Roi, et se prépare à marcher sur Paris pour délivrer Louis XVI et défaire le 10 août, par la force, malgré le Peuple de Paris, dans des torrents de sang, quand les Prussiens sont en route et vont arriver !!!...

C'est le 17 qu'on apprend sa révolte... On devine les cris contre lui, contre les Girondins qui l'ont soutenu si longtemps, et contre l'Assemblée qui n'a pas voulu le mettre en accusation le 8! -A l'instant l'Assemblée décrète d'accusation le Maire de Sédan et le Département des Ardennes,

« PrécédentContinuer »