seul qui ait su me comprendre (II, 10) „. Molière regarde du haut de sa grandeur" cette pépinière de courtisans (1),, et ces gros bonnets du royaume " fiers de leurs aïeux et de la croix qui brille sur leur poitrine, mais acquise qui sait comment,, (2), et dans sa modestie, il voudrait demander au ministre s'il serait disposé à renoncer au domaine de la France pour la gloire d'avoir écrit Tartuffe (3). Belotti se permet aussi d'inventer de son chef l'histoire extraordinaire du dernier acte: Molière, banni de sa patrie, est menacé de la Bastille, tandis qu'un agent de Louis XIV, de peur que le peuple ne s'émeute en faveur de son poète, fait nuitamment une descente dans la maison de celui-ci, et veut s'emparer de ses papiers. Chapelle, transformé en héros, veille et repousse le courtisan, qu'il terrasserait sans doute de sa main de fils du peuple, si l'on n'annonçait que Molière va mourir. Laissons de côté l'apologie du buveur illustre, que l'écrivain de Bergame rapproche du grand maître: mais malgré ses gesta du dernier acte, Chapelle est un vulgaire rapporteur des bavardages de la Cour sur la femme de son ami. Quant à Louis XIV, si notre poète d'après la légende rendue immortelle par les pinceaux de Ingres, de Jérôme et de Vetter, le fait dîner avec Molière, ce n'est pas pour qu'il rende hommage au plus grand génie de son siècle, mais pour que le roi joue un tour à ses courtisans. Histoire pour rire! Je me souviens avoir entendu jouer par Ermete Novelli, à Turin, en 1902, certaines "scènes comiques, portant pour titre Il precettore di Molière, dues à Lodovico Muratori (4). Il s'agissait (1) Semenzaio di cortigiani (I, 3). (2) Trionfi d'una vecchia nobiltà e d'una croce sul petto, acquistata non si sa dove (II, 1). (3) (I, 1). (4) Cette comédie, jouée à Rome, pour la première fois, le 24 mars 1902, n'a pas été imprimée. Les rôles étaient distribués ainsi : Rosa (Molière); Novelli, admirable surtout lorsqu'il jouait Scapin, et le docteur, selon la méthode des comédiens de l'art: les autres comédiens étaient Messieurs Cantinelli, Piamonti et M.mes De Sanctis, Berardini et Bruno. La comédie a été fort applaudie, mais, que je sache, elle n'a pas été jouée longtemps, et n'est en tous cas pas sortie du répertoire de Novelli. M. Muratori avait gardé tout d'abord l'incognito, mais l'accueil favorable du public fit force à sa modestie. C'est à peu près le même sujet que le Précheur converti de Léo Claretie et Henri Potez, à-propos pour l'anniversaire de Molière, en un acte, Paris, 1896. " d'une bluette sans prétentions, d'ailleurs assez gaie, surtout pour la valeur des comédiens, et de Novelli en particulier, qui jouait à merveille les rôles de Scapin et du docteur de la Comédie de l'art. Ce precettore,, est un maître d'école que le père de Molière, d'après la tradition bien connue de Pinel, aurait envoyé à son fils pour lui faire quitter le métier méprisable d'histrion, “lo spregevole mestiere d'istrione. Le précepteur arrive sur la scène juste au moment où le jeune Poquelin est entouré de tous ses camarades, et nous assistons ainsi à une peinture du milieu ambiant, cette peinture que Molière lui-même nous avait fait admirer dans son Impromptu. Le précepteur apaise tout d'abord sa faim, ensuite il commence son sermon; on s'étonne, on s'écrie, et le brave homme va s'embarrasser, lorsqu'un messager entre, un envoyé du Roi Louis XIV, qui offre à Molière une place dans le corps diplomatique! J'avoue que cette offre m'a surpris encore plus qu'elle n'a l'air de surprendre le grand comédien. Mais Molière peut-il quitter son art, ses amis et ses amours? C'est une bataille qui se livre dans son âme: ses camarades, Mad.me Béjart surtout, regardent, craignent une décision qui leur soit défavorable, et finissent par entourer le précepteur, le priant. de se joindre à eux dans le but de détourner le poète de la diplomatie. Et le maître remplit bien mieux cette mission que la précédente. C'est qu'il a, lui aussi, un vif amour pour la scène comique, et qu'il a même joué dans les troupes des comédiens de l'art: “vive donc la comédie et les cabotins,,! s'écrie le bonhomme. Ainsi, quel que soit l'avis du père de Molière, le magister accompagnera la troupe dans son pèlerinage en province. Il precettore se propose surtout le but de faire valoir les talents des acteurs chargés de représenter l'ancienne comédie de l'art, dont on célèbre l'influence exercée sur l'esprit de l'artiste français. En 1907, si je ne me trompe, on a joué, au théâtre Carignano à Turin, La fine di Molière (La fin de Molière) de M. Janelli. Tout ce que les comptes-rendus des journaux turinois nous apprennent là-dessus, c'est que l'acteur Carini, de la troupe Reiter-Pasta, remplissait le rôle du grand écrivain et qu'il s'en tirait à merveille. La pièce, que je sache, n'est plus au répertoire. Vita brevis. Enfin, de nos jours, au mois de mai 1909, Girolamo Rovetta a fait paraître au théâtre Valle de Rome, Molière et sa femme. Molière est vieux, malade, jaloux et trompé; les richesses et les honneurs qui l'entourent sont pour lui d'une bien maigre satisfaction; il voudrait qu'Armande comprît son génie et rendît heureux son couchant, mais la belle écoute les soupirs du marquis de Monteroy, comme elle avait déjà écouté ceux du comédien Baron. Il y a un abbé, Laval, porteur de "poulets galants „,, et il y a surtout le spectacle du Roi soleil et de sa Cour, de ce roi dont un coup d'œil ouvre les cœurs ou les plonge dans le désespoir, et qui en veut à l'auteur de George Dandin, parce que ses comédies ont ouvert les yeux des maris trompés et ceux surtout du marquis de Montespan! Et Molière, au troisième et dernier acte, essuie les injures de Baron, qui lui avoue sa liaison avec Armande, et de celle-ci, qui veut quitter le poète pour courir à d'autres amours et pour jouer, dans une troupe rivale, ce Palais royal de Palmire, qui va l'emporter sur son Malade imaginaire. Mais le poète, désormais au seuil de la mort, après avoir vidé la coupe de fiel jusqu'à la lie, se conforte dans le culte de l'art qui l'a baisé au front, en le soulevant bien haut, au-dessus de la grande misère de l'humanité qui l'environne. Rovetta a été applaudi, mais sa pièce ne restera pas longtemps au répertoire. Molière n'a pas porté fortune à ceux qui ont voulu le faire revivre sur la scène. Pourquoi donc la représentation des hommes illustres échoue-t-elle, en général, à la lumière de la rampe? Peut-être a-t-on le tort de se laisser éblouir par la grandeur de ces personnages et de leur prêter un langage, qu'on voudrait rendre sublime et qui aboutit à un galimatias entortillé, enflé, frisant parfois la parodie. J'ai vu Dante sur les planches et le grand florentin m'a fait une impression pénible. Une dame, un gentilhomme lui adressaient-ils la parole? Le voilà débitant sur l'instant des tercets mal cousus de son poème, ou gratifiant son auditoire d'un long discours ennuyeux. Can della Scala l'invitait à dîner, et Dante lui répondait, en personne malapprise, que son pain "sapea di sale, et qu'il regrettait "il scendere e il salir per le altrui scale. L'artiste avait oublié que l'auteur de la Divine Comédie devait lui aussi, à ses moments, respecter les convenances et faire de la prose, de même que M. Jourdain. D'autres écrivains dramatiques suivent une méthode opposée et présentent leurs héros en bras de chemise, souvent en butte aux misères de leur ménage, sans s'apercevoir que ces héros deviennent par là vulgaires, ridicules même. C'est TOLDO, L'Euvre de Molière, etc. B6 ce que nous venons de voir dans toutes ces pièces en l'honneur de Molière. Ne vaut-il pas mieux suivre l'exemple de Bovio, qui devant représenter Jésus-Christ sur la scène, s'est borné à faire entendre, de loin, sa voix? Laissez donc ces grands personnages en paix, car ils parlent euxmêmes, dans leurs œuvres et dans leur histoire à tout âge et en tout lieu, à ceux qui savent les comprendre! ADDITION Une petite trouvaille à ajouter au III chap. de la seconde partie de notre étude. Dans la bibliothèque du Vatican (Ms. 9271, P. I, pp. 219-232), on trouve des fragments de traduction de la pièce de Molière Les femmes savantes (Le sapienti ridicole, scènes 1-9 du 1er acte), dus à la plume du comte Giammaria Mazzuchelli (1707-65), le savant auteur de l'ouvrage inachevé, Gli scrittori d'Italia. Le ms. du Vatican est autographe et très corrigé." Amants magnifiques, 138, 160 n., 162, Amphitruo, 68, 139-147. 164. Amenta Niccolò, 358. Ammalata ed il consulto (L') (mél.), Ammalato immaginario (L') (mél.), 428, Ammalato immaginario ove figura la Amore assottiglia il cervello, 418. Amor paterno (L'), 378 n., 396-397. Amphitryon, 31, 119, 139-147, 163. Traductions, 227 n. 4, 228 n. 284. Andres Giovanni, 193-195. | Apprensivo (L'), 496-498. Apprensivo raggirato (L') (mél.), 467. 257 n., 306, 347 n. 4. Arici Marco, 468 n. 2. Arioste, 72 n., 148 n. (*) On trouvera la bibliographie au cours des chapitres auxquels elle se TOLDO, L'Euvre de Molière, etc. 86* |