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officiers à demi-solde et les fédérés de presque tout le dépar tement. Ces derniers n'ayant jamais voulu se rendre, la petite troupe royaliste, qui étoit sans munition, se retira. Ce fut alors que les gens de la citadelle firent feu sur la ville pendant plusieurs heures, malgré la défense du général, et avec menace de le fusiller. Cependant il s'engagea, dans les différens quartiers, une fusillade très-vive entre les bourgeois et un corps de troupes qui venoient au secours de la citadelle. Les bourgeois montrèrent le plus grand courage; et d'après le relevé que l'on a fait depuis de ceux qui étoient morts dans cette journée, on a trouvé que sur 150, il y avoit eu 17 bourgeois, 120 soldats, et le reste de fédérés. Depuis jour-là tout fut tranquille jusqu'au 15, où une estafette annonça l'entrée du Roi à Paris. A peine cette nouvelle se fut-elle répandue, que tout le monde arbora le drapeau blanc. On se livra aux plus vifs transports d'allégresse. Les danses, les feux de joie, etc., se prolongèrent bien avant dans la nuit, et le lendemain la joie fut complète par la reddition de la citadelle. Un sentiment plus doux et plus réfléchi faisant ensuite place aux transports bruyans, on vit tous les quartiers mettre un saint empressement et une sorte d'émulation à rendre à Dieu des actions de grâces pour un bienfait si signalé, par des messes solennelles; et ces pieuses.cérémonies durent encore. M. l'évêque indiqua dans la cathédrale un Te Deum pour le dimanche 23, où toute la ville assista. Au reste, le clergé a donné l'exemple de la fidélité au Roi. On n'a jamais prié pour l'usurpateur. M. l'évêque a constamment été sourd aux ordres du général Gilly et aux bravades des officiers à demi-solde, qui lui faisoient des députations sur cet objet. Il faut espérer que, grâces aux dispositions des autorités et au bon esprit de la masse des habitans, cet état de tranquillité se maintiendra.

MODÈNE. Il y a eu un an le 15 juillet que cette ville a recouvré les héritiers de ses anciens ducs. A pareil jour, l'archiduc d'Autriche, François IV, entra dans nos murs. Ce prince, né le 6 octobre 1779, est, comme on sait, fils de l'archiduc Ferdinand, gouverneur de la Lombardie, et de Marie-Beatrix d'Est, fille de notre dernier duc. Il succède aux droits de sa mère, et cette nouvelle maison d'Est va remplacer l'ancienne, comme la maison de Lorraine a été entée sur la maison d'Autriche. L'archiduc François a épousé

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Marie-Beatrix-Victoire-Josephe, fille du roi de Sardaigne, et née en 1692. Cette princesse est aussi du sang de nos anciens ducs par sa mère, Marie-Thérèse, qui étoit fille aînée de Mari Beatrix d'Est. La réception qu'on leur fit l'année dernière fut marquée par une extrême joie, et leur gouvernement n'a fait qu'augmenter l'attachement que nous leur portions déjà. Leur bonté, leurs bienfaits leur ont gagné tous les cœurs. L'archiduc Maximilien, frère du duc, est aujourd hui en France, et ne s'est pas moins fait aimer. Notre souverain a rétabli les anciennes lois du pays, aboli les impôts onéreux, rétabli le collége, et rendu à la religion sa liberté. Sa piété parut d'une manière éclatante, lorsqu'à la veille de nos désastres ou le vit le jeudi-saint participer à la table sainte avec la duchesse, laver chacun les pieds à douze pauvres, selon l'exemple de leurs ancêtres, faire ensuite leurs stations, assister aux offices de la semaine sainte, et se rendre le jour de Pâques à la cathédrale. Ce fut peu de jours après qu'arriva l'irraption napolitaine. Le duc envoya le prince Maximilien à Vienne, s'efforça, avec une poignée d'Autrichiens, d'arrêter l'ennemi au passage du Panaro, et ne se retira qu'à la dernière extrémité. Le 4 avril, jour même de son départ, Murat entra dans Modène, et tenia vainement d'ébranler la fidélité des habitans par ses proclamations. Ses succès furent de courte durée. Le 11 du même mois, il décampa précipitamment la nuit avec son armée, qui avoit été battue à Carpi, et le 12, notre souverain rentra aux acclamations des habitans, qui n'avoient cessé de faire des vœux au ciel pour son retour. La duchesse revint, le 13 mai, et on lui fit la réception la plus pompeuse et la plus gaie. Mais le passage des ennemis avoit ruiné la ville. Le duc fit acheter du riz, qui fut distribué aux plus malheureux. Il invita le Pape à passer par Modène à son retour de Gênes. Nous avons parlé ailleurs des démonstrations de joie des habitans. Le 9 juillet dernier les souverains, avec toute leur cour, les autorités, et une foule du peuple, ont rendu dans la cathédrale des actions de grâces solennelles à Dieu pour la victoire de Waterloo. Quelques jours après, on a célébré l'anniversaire de l'entrée du duc à Modène, par des fêtes, des inscriptions et des pièces de vers, qui nous ont paru d'un fort bon style, et qui de plus ont le mérite d'être conformes aux vœux des peuples, et de louer des souverains aimés et dignes de l'être.

ALPHONSE et Victor, ou le Triomphe de la Religion et de l'Amitié; dialogue (1).

St c'est rendre la poésie à sa véritable destination que de la ramener à chanter la morale et la vertu, on doit savoir gré à l'auteur de ce dialogue d'avoir consacré ses vers au plus noble objet qu'ils puissent avoir, celui d'inspirer l'amour de la religion. Il suppose deux amis, dont l'un, ayant toujours vécu dans la retraite, s'est fortifié dans un attachement réfléchi aux principes religieux, tandis que l'autre, lancé dans une grande ville et livré aux plaisirs, a oublié ces mêmes principes, et vit dans une profonde indifférence sur ses devoirs et sur sa destinée future. Ces amis se retrouvant après une longue absence, il s'établit entre eux une conversation dans laquelle chacun se félicite de son genre de vie. Mais le plus sage ramène l'entretien sur la religion, en fait sentir la nécessité, en rappelle plusieurs preuves, et répond aux objections de son ami. L'auteur, en les mettant en scène, n'a peint que ce qu'on voit et ce qu'on entend souvent dans le monde. Le ton de la poésie et la briéveté de sa brochure ne lui permettoient pas de déduire tous les motifs sur lesquels notre foi s'étaie, et de réfuter pied à pied toutes les difficultés des incrédules. Il s'est borné à des aperçus assez bien choi

(1) A Poitiers, chez F. A. Barbier, libraire-imprimeur du Roi, place Notre-Dame. Tome V. L'Ami de la R. et du R. No. 114. K

sis. Cet auteur, qui ne s'est pas nommé, a certaine*ment de la facilité. Sa versification, sans être brillante, n'est pas dépourvue de naturel et d'élégance. Peut-être qu'un peu d'habitude et de travail lui don neroit plus de nerf et de précision. Ce sera le fruit de l'étude des bons modèles. Ils lui apprendront à revêtir sa pensée de couleurs et d'images, et à éviter tout ce qui ressent les formes de la prose.

La tirade suivante, une des meilleures de l'ouvrage, offrira un exemple des qualités et des défauts du style:

C'est, mon cher philosophe, ici que je t'attends;
Tu parles d'examen; mais as-tu pris le temps,
Et la peine, et le soin de peser ces miracles,
Ces faits, ces monumens, ces écrits, ces oracles,
Et cette chaîne auguste, où la tradition
Montre le sceau divin de la Religion?
Si tu ne l'as point fait, te voilà mauvais juge,
Et dans le doute en vain tu cherches un refuge;
Il faut le déposer; dans un objet si grand,
C'est vivre en insensé que d'être indifférent.
Mais je veux supposer qu'à cette noble affaire
Portant un examen scrupuleux et sévère,
De tes réflexions le doute soit le fruit,
Et qu'à l'incertitude enfin tu sois réduit;
(Car au-delà du doute, ou brûlant, ou de glace,
Nul mortel ne sauroit parvenir, quoi qu'il fasse.)
En vain contre le ciel on s'efforce à lutter,
A cette borne il faut malgré soi s'arrêter.
Eh bien! dans cet état, qu'exige la sagesse
Et la fière raison qu'on invoque sans cesse;
Lorsqu'entre deux chemins s'offre un abîme obscur,
Si l'on a dy bon sens, prendra-t-on le moins sûr?
Parce qu'on aperçoit une route fleurie,
Offrant d'objets plus doux à notre rêverie,
Doit-on, les yeux fermés, incertain de son sort,
Braver, en la suivant, le danger de la mort?

L

Va, de son jugement contre lui l'incrédule
Porte avec sa raison la terrible cédule;
Son doute le condamne, et tes propres aveux
Me font trouver ton sort encor plus malheureux.

Nous ne savons ce que veut dire cet hémistiche, ou brûlant, ou de glace, qui ne nous paroît former aucun sens raisonnable. Nous voulons croire qu'il y a là quelque faute d'impression. Dans un autre endroit, l'auteur fait anciens de deux syllabes. L'usage et l'oreille le font de trois.

En relevant ces fautes de style, nous devons donner des éloges aux principes, aux sentimens et aux intentions de l'auteur. Le but louable auquel il tend doit porter la critique à encourager ses efforts. Nous avons tant de vers où l'on préconise le vice, et où on flatte et fomente les passions. Le goût et la morale doivent applaudir également aux veilles d'un jeune homme, car nous supposons que l'auteur est tel; d'un jeune homme qui fait de la poésie un usage plus pur, qui célèbre la religion, fait aimer la vertu, et cherche à ramener ses semblables à des sentimens plus conformes à la dignité de leur être, aux vues du créateur, et à leur intérêt personnel.

Le Triomphe des royalistes, ou la Chute du tyran; par P. Cuisin (1).

Nous n'avons point l'honneur de connoître M. Cuisin, et nous sommes disposés à le déclarer aussi bon royaliste qu'il est possible. Il n'est sûrement pas de

(1) A Paris, chez Plancher, rue de la Harpe, prix, I fr. 80 cent. franc de port.

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