Pendant ce temps, MADAME ne faisoit pas moins & Bordeaux. Elle formoit un conseil, recevoit le serment des autorités et des troupes, entretenoit les généraux, pressoit le départ des volontaires, passoit des revues, haranguoit les soldats. En la voyant, on se rappeloit son aïeule, l'impératrice Marie-Thérèse, animant les Hongrois à la défendre. Mais il n'y eut point de défection en Hongrie, et MADAME Vit bientôt que tout ce qui l'entouroit ne partageoit pas le dévouement des Bordelois. La garnison de Blaye étoit en révolte. Clausel arrivoit avec un détachement. II répandoit des proclamations de son maître, et cher eboit, comme lui, à tromper les soldats par de fausses nouvelles. Ceux de Bordeaux se laissèrent séduire. Les chefs ne montroient plus cette ardeur et ce dévouement dont ils avoient paru d'abord animés. La division se mit entre la garnison et les habitans. Ceuxci étoient pleins de bonne volonté. Mais que pou voient-ils seuls? MADAME veut essayer si elle ne potura ramener à leur devoir des troupes égarées. Elle se détermine à visiter les casernes. Elle harangue les soldats; elle leur adresse des paroles vives et courtes qui eussent amolli des cœurs moins durs. Leur contenance morne et farouche lui apprend qu'elle n'a rien à attendre de ces esprits fascinés, et elle se retire en déplorant leur aveuglement et leur délire. Lå ville et la garde nationale lui préparoient un spectacle plus consolant. Les Bordelois demandent à verser leur sang pour elle; mais la généreuse Princesse leur remontre l'inutilité de leurs efforts, et les engage à se conserver pour de meilleurs temps. Alors seulement elle songe à elle. Le 1er avril au soir, après avoir lutté pendant trois semaines contre l'esprit de révolte, elle quitte Bordeaux, toujours escortée par cette garde fidèle qui ne vouloit point la quitter. Le lendemain matin elle arriva à Pouillac. C'étoit un dimanche. Son premier soin fut d'y entendre la messe; car les devoirs de la religion l'emportoient encore à ses yeux sur le soin de sa sûreté. Quelles pensées durent l'agiter en quittant de nouveau cette terre inhospitalière ou elle étoit rentrée depuis si peu de temps! Elle adressoit peut-être encore au ciel des vœux pour des ingrats. Enfin elle s'embarqua sur le sloop le Wanderer, et fit les adieux les plus touchans aux braves et loyaux Bordelois qui l'avoient accompagnée. C'est dans la brochure de M. D. B. qu'il faut lire les détails de ces scènes touchantes. L'auteur raconte très-bien surtout ce qui se passa aux casernès, et son ouvrage, quoique écrit avec simplicité, fait bien res sortir la fermeté d'ame de la Princesse, et le dévouement des fidèles Bordelois. Nous aimons à croire que sa relation est exacte, et qu'il a pris soin de s'assurer de l'authenticité des faits. C'est une brochure de cir constance, mais ce sont aussi des matériaux pour T'histoire. Le Censeur du Dictionnaire des Girouettes, ou les Honnêtes gens vengés; par M. C. D..... (1). Je n'ai point lu le Dictionnaire des Girouettes, et je n'y ai point de regret. J'ai ouï dire que cette sa (1) r vol. in-8°.; prix, 3 fr. et 4 fr. franc,de port. A Paris, chez Germain Mathiot, quai des A Journal. 1 Augustins, et au bureau du tire étoit sans gaieté comme sans goût, qu'on y avoit entassé sans choix de longs fragmens de discours, qu'on y avoit accolé des noms qui n'auroient jamais dû se trouver ensemble, et qu'un ouvrage qui auroit pu être piquant pour sa malignité, étoit devenu ennuyeux et pesant par sa mauvaise rédaction. Ainsi, au tort de faire une satire, l'auteur a joint celui de la faire mal, ce que les lecteurs lui pardonneront encore moins; car généralement parlant, ils sont encore plus blessés du manque d'esprit que du manque de charité, et s'ils ont de l'indulgence pour un agréable médisant, ils sont sans pitié pour celui qui ne sait même pas assaisonner la malice d'un peu d'intérêt. Le Dictionnaire des Girouettes ne devoit donc pas faire fortune, et en effet on dit qu'il est tombé à plat, et cette lourde compilation, achetée d'abord par curiosité, a eu le sort le plus humiliant pour un livre, et pour un livre méchant, c'est qu'on n'a pu en achever la lecture, et qu'on l'a mis au rebut. **Peut-être falloit-il l'y laisser, et ne pas lui donner les honneurs d'une réfutation. Mais il est des hommes zélés qui ne veulent rien laisser passer, ct qui aiment à combattre et à faire croire qu'ils sont nécessaires. M. C. D. parle avec beaucoup de mépris du Dictionnaire des Girouettes, et il publie contre ce pamphlet un volume qui doit être suivi d'un autre. C'est un surcroît de bonne volonté qui fait honneur à son cœur. Cet auteur me paroît aussi indulgent et aussi facile quo les auteurs du Dictionnaire des Girouettes étoient sévères et exigeans. Ceux-ci blamoient tout; celui-là est porté par caractère à excuser beaucoup de choses. Il se charge de toutes les sauses, et entreprend d'en défendre quelques-unes qu'il auroit pu laisser pour ce qu'elles sont. Le meilleur moyen de plaider avec succès pour ses cliens, est de n'en pas tant avoir, et ses apologies eussent été plus victorieuses si elles ne s'étendoient pas à tant d'individus. Ce n'est pas le tout d'être tolérant, il faut aussi un peu de discernement. Je hais un ennemi acharné qui ne se plaît qu'à déchirer, calomnier et flétrir; mais je ne me sens pas uns attrait bien vif pour ces caractères indécis et mous qui approuvent tout, ne s'indignent d'aucun excès, et n'osent pas se permettre le moindre blâme. A leurs yeux tout est bien, et leur morale commode a toujours des excuses toutes prêtes pour toutes les fautes. Ces gens-là ne porteront pas le trouble dans la société, mais ils n'y donneront pas d'éclatans exemples de vertu. Je n'examinerai point toutes les apologies de M. C. D. Il y en a de fort justes, mais il y en a de peu concluantes, et d'autres tout-à-fait déplacées. Dieu nous garde de détailler ce que nous pensons sur chacune. Nous ne voulons ni faire un libelle, ni écrire un plai-: doyer. Je me contenterai de relever quelques assertions de l'auteur. Le Dictionnaire des Girouettes avoit, mis M. de Bonald sur sa liste. Assurément nulle imputation n'étoit plus gratuite, et M. C. D. s'en moque avec raison. Mais il ne me paroît pas non plus rendre justice à cet estimable et profond écrivain, qu'il caractérise comme un homme dur, inclément dans sa philosophie, d'un style sévère jusqu'à la rudesse, et qui s'est privé par-là, non-seulement de l'approbation de ses compatriotes, mais même le plus souvent de lecteurs. Ges jugemens de M. C. D. paroîtront assez bizarres à ceux qui ont lu les ouvrages de M. de Bonald, et encore plus à quiconque aura connu ce sage publi 1 ciste, encore plus recommandable par son noble ca. ractère que par ses hautes conceptions. M. C. D. croit que les pairs nommés par Buonaparte firent bien d'accepter ce titre de sa main. En cela il n'est pas tout-à-fait de l'avis de S. M., qui a rayé de la chambre des pairs ceux qui avoient consenti à siéger dans la chambre nommée par l'usurpateur. Notre auteur, toujours d'après le même systéme d'approbation et de tolérance, vent que nous ayous beaucoup d'obli-, gations aux chambres de Buonaparte, qui, dit-il, sauvèrent la France et la capitale. C'est avoir envie de tout justifier. Ces chambres nous poussoient dans l'a bîme, si on les eût laissées faire. Elles couroient à la démocratie; on y insultoit chaque jour les Bour bons, et on y montra jusqu'à la fin un esprit de mu tinerie, d'orgueil et d'opposition qui a rendu leur dissolution aussi indispensable qu'elle étoit agréable à la nation, Je ne discuterai point une opinion de M. C. D. sur les journalistes. Ils ne participent point à sa bient veillance universelle, et il les juge avec une sévérité dont heureusement il leur est permis d'appeler. Peutêtre M. C. D. a-t-il eu quelque querelle avec eux. Cet ouvrage, écrit très-précipitamment, et d'un style de conversation, n'est pas bien fort de logique, Mais peut-être les curieux y apprendront-ils quelques détails sur plusieurs personnages maltraités par le Dictionnaire des Girouettes. L'auteur annonce un second volume; il promet de le travailler et de le... méditer, comme pour se faire pardonner de n'avoir pas apporté le même soin à la rédaction du premier, |