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Le saint Père ne fut excité à faire cette demande par ancun esprit de domination ni d'intérêt; et il a suffisamment montré que de parcilles vues ne sont pas la règle de sa conduite.

Les sermens solennels prêtés par sa Sainteté à l'occasion de son exaltation au suprême pontificat, les devoirs rigoureux auxquels elle est assujettie en sa qualité d'administrateur des propriétés du saint Siége, qu'elle a contracte l'obligation de conserver et de défendre, d'où résulte celle de s'efforcer de les recouvrer; ses devoirs, comme chef de l'Eglise, de subvenir aux besoins, de la religion, et de faire face aux dépenses nécessaires au service des fidèles; enfin la nécessité de soutenir, d'une manière convenable, la représentation de sa dignité: tels sont les motifs qui lui ont imposé l'obligation de réclamer la totalité des domaines du saint Siége apostolique.

cette dernière

Les puissances réunies au congrès ont favorablement accueilli les réclamations de sa Saiuteté, et les trois légations de Ravenne, de Bologne et de Ferrare (sauf la possession de la partie tie de qui est située sur la rive gauche auche du Pô), ainsi que les Marches, avec Camerino, Bénévent et Ponte-Corvo, ont été restitués à leur légitime

souverain.

Par l'organe du soussigné, le saint Pere exprime sa reconnoissance aux augustes souverains dont l'appui l'a mis eu état de rentrer en possession de ces provinces.

Néanmoins, après avoir satisfait à ce devoir, le saiut Père se trouve malgré lui dans la nécessité de manifester ses sentimens relativement à ceux des domaines du saint Siege dans la possession desquels il n'a pas la satisfaction d'être rétabli...

Les provinces d'Avignon, le comtat Venaissin, la portion de la légation de Ferrare, dont il vient d'être parlé, restent séparés du patrimoine du saint Siege.

Si l'on fait attention à la nature des possessions de l'Eglise, et si l'ou se rappelle les déclarations de sa Sainteté, faites par l'organe du soussigné, dès l'ouverture du congrès, et portant qu'il ne peut adherer à aucune diminution des domaines ecclésiastiques, on comprendra aisément les motifs de la démarche qu'il est obligé de faire,

Le saint Père manqueroit à ses devoirs, si, dans cette occasion, it ne garantissoit point, par ses protestations, les droits imprescriptibles du Siége apostolique.

Avignon, acquis à titre onéreux par le saint Siege, et possédé pendant cing siècles; le comtat Venaissin, acquis et possédé depuis une époque encore plus reculée, sont trop intéressans, quand ce ne seroit que par l'ancienneté de la possession, par les souvenirs qu'ils présentent, le nombre des habitans, par p les richesses du sol , pour que le saint Siége puisse se dispenser de faire ses protestations relativement à ces provinces.

par

Cette même assemblée nationale qui, après avoir deux fois rejeté la proposition de réunir ces provinces à la France, finit par les enlever, en 1791, au saint Siége apostolique, n'osa pourtant pas le priver d'une si légitime et si antique propriété sans ordonner en même temps de lui donner une compensation ou indemnité proportionnée, et elle fit en

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contéquence insérer dans son décret les paroles suivantes : « Le pouvoir exécutif sera prié de faire ouvrir des négociations avec la cour de Rome pour les indemnités et compensations qui pourront lui étre dues».

Les monarques de l'Europe, auxquels le Pontife Pie VI fit parvenir en cette conjoncture ses réclamations, eurent soin de lui faire connoître leurs sentimens à cet égard. L'immortelle Catherine II déclara expressément qu'elle étoit disposée à contribuer, dès que cela seroit possible, à la restitution des possessions dont une puissance illégitime avoit dépouillé la cour de Rome. Le sage-empereur, Leopold II, faisant connoître à Pie VI les mêmes dispositions, déclara qu'il le faisoit parce qu'il n'y avoit rien de plus juste sur la terre, et parce qu'il étoit de l'intérêt de tous les souverains qu'un pareil attentat ne fût pas légitimé en quelque sorte par la prescription. Le vertueux Louis XVI notifia au même Pontife qu'il lui auroit rendu Avignon et le comtat Venaissin au moment même où cela auroit été en son pouvoir.

La convention de Tolentino, extorquée à Pie VI par un gouvernement qui lui avoit enlevé ces pays à la suite d'une agression gratuite, ne peut en aucune manière fournir un titre pour retenir les provinces qui appartiennent à l'église romaine.

En premier lieu, ce seroit une chose douloureuse que le saint Siége dût être privé de ses domaines pour un motif qui n'a point été mis en vigueur à l'égard d'autres princes également forcés à faire des traités et des cessions à une puissance tellement prépondérante que tout étoit obligé de lui céder. Mais l'objection du traité de Tolentino est par elle-même tellement inconsistante, qu'il n'est pas besoin de recourir à des argumens extrinsèques pour en éluder la force.

Il n'est pas non plus besoin de produire contre ce traité la série des raisons que l'on pourroit lui opposer. Les réflexions suivantes suffiront pour détruire cette objection.

Une agressiou non provoquée, et dépouillée de tout ce qui, dans le droit des nations, peut rendre une guerre légitime; une agression contre un Etat foible et incapable de nuire, qui a solennellement proclamé sa neutralité dans la guerre qui agite les autres Etats, est hors de tout droit humain; et un traité qui est la conséquence d'une agression de cette nature est essentiellement nul et invalide..

Mais quand bien même, contre la vérité des principes ci-dessus exposés, on voudroit admettre l'hypothèse de la validité d'un traité de cette sorte, il n'en est pas moins certain que la conservation du reste des Etats du saint Siége en contre-échange des cessions qu'on lui extorquoit, ayant été stipulée dans le traité de Tolentino, et le gouvernement qui s'étoit obligé à cette conservation ayant envahi, à peu près sans cause légitime, tout le reste des Etats pontificaux, ontificaux, ce traité s'est trouvé annulé ét dissous par ce même gouvernement, qui avoit été tout ensemble et l'agresseur et le violateur de ses propres stipulations. L'hypothese que l'infraction d'un traité ne fait qu'en suspendre les effets sans le dissoudre, est décidément contraire aux principes les plus incontestables du droit des gens. Grotius assure que les articles d'un traité ont une force de condition DONT LE MANQUE EMPORTE NULLITÉ DUDIT TRAITE. Wattel, en parlant de l'axiome que les traités con

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tiennent des promesses parfaites et réciproques, étab'it que l'allié outragé ou lesé en ce qui constitue l'objet du traité, peut choisir ou de contraindre celui qui y manque à l'accomplissement de ses engagemens, ou de déclarer le contrat résolu par le préjudice qui lui a été apporté. Et le même Wattel dit ailleurs: Quand le traité de paix est violé par l'un des contractans, l'autre acquiert la faculté de déclarer ce traité dissous.

Ces principes ont une force encore plus grande lorsque la violation du traité, de la part d'une des parties contractantes, a été poussée jusqu'à la destruction entière de Pautre partie: dans un pareil cas, la partie détruite ne conserve aucune obligation vis-à-vis de son destructeur, comme ce dernier ne conserve aucun droit sur l'autre. Wattel dit expressément : Quand un Etat est détruit ou subjugué par. un conquérant, tous ses traités PÉRISSENT avec la puissance publique qui les avoit contractés.

Après sa destruction, la souveraineté temporelle du pontife romain se releva en 1800, mais non par le fait du gouvernement qui l'avoit détruite, et sans qu'il eût été stipulé avee lui aucune nouvelle convention à cet effet. En conséquence, les choses restèrent dans le même état où elles se trouvoient à l'époque de la destruction du gouvernement pontifical, c'est à-dire, que le traité de Tolentino, deja aboli par le gouvernement françois, continua de demeurer éteint, et ne put produire aucun effet.

Si, même parmi les gouvernemens légitimes belligérans, bien qu'un d'enx n'ait pas été détruit, les conventions violées restent ct demeurent éteintes suivant les autorités des auteurs cités, et non pas seulement suspendues tant que les anciens traités n'ont pas élé remis en vigueur par de nouveaux, quel nouveau traité (en considérant l'affaire même sous ce dernier rapport) existoit entre le gouverne ment françois et Pie VI, détrôné par lui, et mort prisonnier en France? Quel vouveau traité existe-t-il entre le gouvernement françois et Pie VII? Aucun; et s'il eût été conclu entre le Pape et la France un nouveau traité, ce seroit ce dernier, et non celai de Tolentino, qui suroit dù régler dans la suite les rapports politiques entre le saint Siége et la France.

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Le saint Père actuellement régnant, à peine élevé an tròne pontifical, ne cessa pas de réelamer alors, comme il l'a fait plusieurs fois depuis, les provinces qui lui avoient été enlevées par le traité de Tolentino, de protester plus librement que n'avoit pu le faire Pie VI, tant à rai son de la nullité de ce traité que par le motif de la destruction du gouvernement pontifical. De cette manière les droits du saint Siége sont toujours restés intaets et conservés, et ni la France, ni d'autres gouvernemens substitués aux prétendus droits de la France, n'ont pu se prévaloir d'un titre nut par lui-même et absolument détruit.

La nullité ou l'extinction de ce traité a été reconnue par les mêmes puissances alliées. Lorsque, dans l'article 3 du traité de Paris, du 30 mai, on arrêta de conserver à la France, Avignon et le comtat Venaissin, loin d'alléguer le traité de Tolentino, les puissances alliées jugèrent nét cessaire d'assurer la possession de ces pays à la France, ainsi que l'ex

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prime l'article cité, en faisant connoître par-là qu'elles ne regardoient
pas le traité de Tolentino comme suffisant pour fournir un motif fondé
d'incorporation à la France de ces deux provinces soustraites à la do-
mination du saint Siége.

à

Mais ce traité de Paris, fait sans aucune intervention du saint
Siége, n'a pu porter préjudice
ses droits. Si le saint Père n'a pu
sans douleur voir disposer ainsi d'une portion considérable des pro-
priétés du Siége apostolique, et si, par l'intermédiaire du soussigne, il
en a formé le sujet de ses remontrances dans les notes présentées à Paris,
à Londres et à Vienne, tant en particulier au gouvernement françois
qu'aux ministres des puissances alliées, et au congrès en général, sa
Sainteté n'a pas laissé de supposer (comme le déclare expressément le
soussigné dans sa dernière note du 23 octobre) ou que la France n'auroit
pas
deux pays au détriment de leur souverain légitime, ou que
le saint Siège en auroit été indemnisé par une compensation territoriale
proportiounée à la valeur dés provinces enlevées; compensation, il con-
vient de le répéter, décrétée par cette même assemblée nationale qui
dépouilla Péglise romaine.

as gardé ces

pas

Cette compensation n'avant pas eu lieu, sa Sainteté est en droit de Pobtenir, ou d'être réintégrée en possession de ces antiques domaines du saint Siége. Tant que cela n'aura pas été réalisé le saint Père sent que ses devoirs les plus pressans lui imposent l'obligation de conserver, à Pexemple de ses prédécesseurs, les droits du saint Siege apostolique sur ces provinces.

Les mêmes raisons s'appliquent à la portion de la légation ferraroise située sur la rive gauche du Pô, propriété de l'Eglise depuis tant de siècles: cette partie n'étant pas remise sous sa domination, elle ne peut être empêchée de protester. Mais la religion et la piété de sa majesté impériale et royale apostolique, et les preuves de bienveillance que S. S. en a reçues, garantissent au saint Père que, dans la contiquité des deux Etats, sa majesté trouvera facilement des moyens d'indemniser le saint Siége.

En vertu des résolutions prises, l'Autriche aura le droit de garnison dans les places de Ferrare et de Comachio, rendues au domaine du souverain Pontife. Cette mesure, totalement contraire à la libre et indépendante souveraineté du saint Siége et à son systême de neutralité, pouvant l'exposer à des hostilités, portant préjudice à ses droits, et en embarrassant l'exercice, le soussigné se voit obligé de protester formellement aussi contre cet article.

Le soussigné se flatte que ses justes protestations, faites au nom du saint Père pour garantir les droits du saint Siege apostolique, produiront l'effet désiré relativement aux restitutions on compensations, et aux dispositions sur les garnisons de Ferrare et de Comachio, dont il est question dans cette note.

En attendant néanmoins, le cardinal soussigné, se conformant aux ordres de sa Sainteté, et à l'exemple des légats du saint Siége envoyés à divers congrès, et spécialement de l'évêque de Nardo, Fabio Chigi, au congrès de Westphalie, a l'honneur de remettre à S. Exc., M.

la protestation ci-jointe, relative aux déterminations du congrés sur les

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intérêts temporels du saint Siége, en priant de la faire insérer au protocole des actes du congrès.

Le soussigné a l'honneur de renouveler à S. Exc. l'assurance de sa

haute considération.

Vienne, 14 juin 1815.

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Protestation faite au nom de sa Sainteté le Pape Pie VII et du saint Siége apostolique, contre toutes les dispositions relativement à ses domaines, prises ou maintenues dans le congrès de Vienne au préjudice du saint Siége.

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Je soussigné, Hercule Consalvi, cardinal de la sainte église romaine, diacre de Sainte-Agathe alla Suburra, secrétaire d'Etat de sa Sainteté, Pie, Pape VIIe. du nom, et son ministre plénipotentiaire au congrès de Vienne, déclare et fait savoir par la présente pièce chirographaire, que j'ai agi avec tout l'empressement requis et possible auprès princes suprêmes et de leurs ministres plénipotentiaires, blés à Vienne, pour que l'on restituât au saint Siége de Rome tous les pays de la possession desquels il avoit été dépouillé, à diverses époques, par l'effet de la révolution très-connue commencée en 1789. J'avois déjà exposé par écrit, tant à Paris qu'à Londres, les instances.de. sa Sainteté relativement à ces pays, et les raisons infiniment solides sur lesquelles sont basés les droits du saint Siege. J'ai poursuivi et contiuué d'agir à Vienne pour le même but, en donnant plus de développement aux représentations faites par moi au congrès, le 23 du mois d'octobre de l'année dernière 1814.

Parmi les autres résolutions adoptées par ce même congrès, j'ai eu soin d'établir qu'il étoit également juste de restituer à la sainte église romaine les Marches, avec Camerino, Benevent, Ponte-Corvo, et leurs dépendances et appartenances, et que le saint Siege fût de nouveau mis en possession des provinces de Bologne, de Ferrare et de la Romagne, connues sous la dénomination des Trois Légations; mais mes instances n'ont pas eu uue heureuse issue relativement aux autres possessions du saint Siege qui seront nommées plus bas, non plus qu'à la portion de la province de Ferrare située sur la rive gauche du Pô, qui appartiennent à aussi juste titre à la même église romaine, et dont j'avois demandé, soit la restitution, soit la compensation ou indemnité. La province d'Avignon, dont le domaine a été acquis par contrat d'achat et de vente, et confirmé par une possession de cinq cents ans; le comtat Venaissin, que le saint Siege apostolique possédoit depuis un temps encore plus reculé, et dont il a été dépouillé, en 1791, par un décret de l'assemblée nationale, avec la condition néanmoins apposée dans le même décrèt, qu'en considération des droits admis et reconnus du même saint Siége, Siege, il lui seroit donne une compensation ou dédommagement pour le préjudice qu'on lui causoit. Le Roi de France, Louis XVI, lui-même, avoit formellement promis de rendre ces provinces à l'église romaine, et pourtant elles restent au pouvoir de la

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