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PRÉFACE GÉNÉRALE.

L

Ces réflexions préliminaires, qui portent le caractère évident d'une Préface générale, étaient intitulées, dans l'édition de 1670: Contre l'indifférence des athées; elles ont conservé ce titre dans les éditions suivantes jusqu'à celle de Condorcet qui les intitula : De la nécessité de s'occuper des preuves de l'existence d'une vie future. Dans l'édition de Bossut et dans celles qui l'ont suivie, elles ont pour titre: De la nécessité d'étudier la religion.

Pascal n'avait mis aucun titre à ces réflexions auxquelles il n'avait même pas donné tout le développement qu'elles devaient avoir (Voy. la note au bas de la page 14).

Du reste ce fragment est un de ceux qui ne se retrouvent point dans le MS. autographe; mais il a été conservé dans les deux copies du même MS. C'est d'après le texte identique de l'une et de l'autre que nous reproduisons ce fragment qui a subi d'assez graves altérations dans les précédentes éditions.

Nous donnons à la suite une variante importante qui n'a pas été encore indiquée, et dont quelques lignes seulement ont été publiées, hors de leur véritable place, dans les éditions. Enfin nous ajoutons diverses notes que nous avons retrouvées, soit dans le MS. autographe, soit dans la copie, et que Pascal avait évidemment écrites pour cette préface générale.

L'astérisque, comme nous l'avons déjà remarqué pour les Pensées diverses, sert à indiquer les alinéa, phrases ou parties de phrase ou titres qui sont publiés pour la première fois. Cette remarque s'applique à tout ce volume. Quant aux corrections de détail, qui sont innombrables dans ce volume comme dans le précédent, nous laissons toujours à la curiosité du lecteur le soin de les relever.

P. F.

PRÉFACE GÉNÉRALE.

150 Qu'ils apprennent au moins quelle est la religion qu'ils combattent, avant que de la combattre. Si cette religion se vantait d'avoir une vue claire de Dieu, et de le posséder à découvert et sans voile, ce serait la combattre que de dire qu'on ne voit rien dans le monde qui la montre avec cette évidence. Mais puisqu'elle dit au contraire que les hommes sont dans les ténèbres et dans l'éloignement de Dieu, qu'il s'est caché à leur connaissance, que c'est même le nom qu'il se donne dans les Écritures, Deus absconditus; et enfin si elle travaille également à établir ces deux 1854 choses: que Dieu a établi des marques sensibles dans l'Église pour se faire reconnaître à ceux qui le chercheraient sincèrement, et qu'il les a couvertes néanmoins de telle sorte qu'il ne sera aperçu que de ceux qui le cherchent de tout leur cœur, quel avantage peuvent-ils tirer, lorsque, dans la négligence où ils font profession d'être de chercher la vérité, ils crient que rien ne la leur montre; puisque cette obscurité

où ils sont, et qu'ils objectent à l'Église, ne fait qu'établir une des choses qu'elle soutient, sans toucher à l'autre, et établit sa doctrine bien loin de la ruiner?

Il faudrait, pour la combattre, qu'ils criassent qu'ils ont fait tous leurs efforts pour la chercher partout, et même dans ce que l'Église propose pour s'en instruire, mais sans aucune satisfaction. S'ils parlaient de la sorte, ils combattraient à la vérité une de ses prétentions. Mais j'espère montrer ici qu'il n'y a personne raisonnable qui puisse parler de la sorte; et j'ose même dire que jamais personne ne l'a fait. On sait assez de quelle manière agissent ceux qui sont dans cet esprit. Ils croient avoir fait de grands efforts pour s'instruire, lorsqu'ils ont employé quelques heures à la lecture de quelque livre de l'Écriture et qu'ils ont interrogé quelque ecclésiastique sur les vérités de la foi. Après cela, ils se vantent d'avoir cherché sans succès dans les livres et parmi les hommes. Mais, en vérité, je ne puis m'empêcher de leur dire ce que j'ai dit souvent, que cette négligence n'est pas supportable. Il ne s'agit pas ici de l'intérêt léger de quelque personne étrangère pour en user de cette façon; il s'agit de nous-même et de notre tout.

L'immortalité de l'âme est une chose qui nous importe si fort, qui nous touche si profondément, qu'il faut avoir perdu tout sentiment pour être dans l'indifférence de savoir ce qui en est. Toutes nos actions 152 et nos pensées doivent prendre des routes si différentes, selon qu'il y aura des biens éternels à espérer ou non, qu'il est impossible de faire une démarche avec sens et jugement, qu'en la réglant par la vue de ce point qui doit être notre dernier objet.

Ainsi notre premier intérêt et notre premier devoir est de nous éclaircir sur ce sujet, d'où dépend toute notre conduite. Et c'est pourquoi, entre ceux qui n'en sont pas persuadés, je fais une extrême différence de ceux qui travaillent de toutes leurs forces à s'en instruire, à ceux qui vivent sans s'en mettre en peine et sans y penser.

Je ne puis avoir que de la compassion pour ceux qui gémissent sincèrement dans ce doute, qui le regardent comme le dernier des malheurs, et qui n'épargnant rien pour en sortir, font de cette recherche leurs principales et leurs plus sérieuses occupations.

Mais pour ceux qui passent leur vie sans penser à cette dernière fin de la vie et qui, par cette seule raison qu'ils ne trouvent pas en eux-mêmes les lumières qui les persuadent, négligent de les chercher ailleurs et d'examiner à fond si cette opinion est de celles que le peuple reçoit par une simplicité crédule, ou de celles qui quoique obscures d'ellesmêmes ont néanmoins un fondement très-solide et inébranlable; je les considère d'une manière toute différente.

Cette négligence en une affaire où il s'agit d'euxmèmes, de leur éternité, de leur tout, m'irrite plus qu'elle ne m'attendrit; elle m'étonne et m'épouvante : c'est un monstre pour moi. Je ne dis pas ceci par le zèle picux d'une dévotion spirituelle. J'entends au

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