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chose, et que ce principe doit être conforme à la nature car autrement, le désir (nous 'entendons par là Opμn) qui nous pousse à l'acte, et nous fait tendre vers l'objet aperçu, ne saurait être excité. Or, la cause qui l'excite doit avant tout être aperçue et commander à la croyance, ce qui jamais n'aurait lieu, si une aperception réelle ne pouvait se distinguer d'une fausse. Et, de plus, comment l'âme sera-t-elle excitée à désirer, quand elle ne reconnaît pas si ce qu'elle aperçoit est conforme ou étranger à sa nature?

De même, si l'homme ne trouve pas en sa conscience la loi du devoir, il ne fera rien absolument, il ne sera poussé, excité à rien. Que si enfin il agit, il faut que ce qu'il trouve en sa conscience lui paraisse vrai. Quoi! si vos argumens sont justes, la raison tout entière nous est enlevée, la raison que j'appellerais volontiers la lumière, le flambeau de la vie! Persisterez-vous encore dans ce système abject? La raison est le principe de toute recherche; la raison, fortifiée par ses recherches mêmes, enfante la vertu. Or, la recherche est un désir de connaître; elle a pour but la découverte. Mais nul ne découvre le faux; le douteux ne saurait non plus être découvert, Au contraire, a-t-on mis au jour ce qui était comme enveloppé, on dit l'avoir découvert. Ainsi la raison embrasse et le principe de la recherche, et son but, qui est de percevoir et de comprendre. Voilà pourquoi la forme d'argument, qu'on nomme en grec anódaitis,

argumenti conclusio, quæ est græce anodes, ita definitur : Ratio, quæ ex rebus perceptis ad id, quod non percipiebatur, adducit.

IX. Quod si omnia visa ejusmodi essent, qualia isti dicunt, ut ea vel falsa esse possent, neque ea posset ulla notio discernere : quo modo quempiam aut conclusisse aliquid, aut invenisse diceremus? aut quæ esset conclusi argumenti fides? Ipsa autem philosophia, quæ rationibus progredi debet, quem habebit exitum? sapientiæ vero quid futurum est? quæ neque de se ipsa dubitare debet, neque de suis decretis, quæ philosophi vocant Soyμata: quorum nullum sine scelere prodi poterit. Quum enim decretum proditur, lex veri rectique proditur. Quo e vitio et amicitiarum proditiones, et rerum publicarum nasci solent. Non potest igitur dubitari, quin decretum nullum falsum possit esse; sapientique satis non sit, non esse falsum, sed etiam stabile, fixum, ratum esse debeat; quod movere nulla ratio queat. Talia autem neque esse, neque videri possunt eorum ratione, qui illa visa, e quibus omnia decreta sunt nata, negant quidquam a falsis interesse. Ex hoc illud est natum, quod postulabat Hortensius, ut id ipsum saltem perceptum a sapiente diceretis, nihil posse percipi. Sed Antipatro hoc idem postulanti, quum diceret, ei, qui affirmaret nihil posse percipi, consentaneum esse unum

se définit un raisonnement qui, des choses perçues, conduit à celles qui ne le sont point 26.

IX. Si toutes nos aperceptions étaient, comme le disent nos adversaires, exposées à l'erreur; si nous n'avions aucun moyen d'en discerner la valeur réelle; comment affirmerions-nous de quelqu'un qu'il a tiré une conséquence, fait une découverte? Quelle confiance mériterait la conclusion d'un argument? Et la philosophie, qui ne marche que par le raisonnement, à quel but arrivera-t-elle? Qu'adviendra-t-il de la sagesse, qui ne doit douter ni d'elle-même, ni de ses préceptes que les philosophes appellent Soyμata, et dont aucun ne peut être violé sans crime? En effet, violer un de ces préceptes, c'est violer la loi même du vrai et du juste. Cette violation entraîne ordinairement à la trahison de l'amitié et du patriotisme. Il n'est donc pas permis d'en douter; aucun précepte de la sagesse ne peut être faux, et il ne suffit pas au sage que ces préceptes ne soient point faux; ils doivent être stables, fixes, certains, inébranlables à tout raisonnement. Or, ils ne sauraient être ni paraître tels dans le système de ceux qui prétendent que les aperceptions dont ils dérivent ne diffèrent en rien des aperceptions fausses. Voilà ce qui a engagé Hortensius* à vous demander de reconnaître au moins qu'il est une chose perçue par le sage, c'est qu'on ne peut rien percevoir. Mais lorsque Antipater demandait la même concession, en disant : Celui qui affirme que rien n'est perceptible, doit, pour être conséquent, reconnaître une chose perçue, c'est que les autres ne le sont pas; Carnéade répondait Dans la séance précédente.

tamen illud dicere percipi posse, ut alia non possent, Carneades acutius resistebat. Nam tantum abesse dicebat, ut id consentaneum esset, ut maxime etiam repugnaret. Qui enim negaret quidquam esse, quod perciperetur, eum nihil excipere. Ita necesse esse, ne id ipsum quidem, quod exceptum non esset, comprehendi et percipi ullo modo posse.

Antiochus ad istum locum pressius videbatur accedere. Quoniam enim id haberent academici decretum (sentitis enim jam hoc me yua dicere), nihil posse percipi; non debere eos in suo decreto, sicut in ceteris rebus, fluctuare, præsertim quum in eo summa consisteret. Hanc enim esse regulam totius philosophiæ, constitutionem veri, falsi, cogniti, incogniti; quam rationem quoniam susciperent, docereque vellent, quæ a quovis accipi oporteret, et quæ repudiari, certe hoc ipsum, ex quo omne veri, falsique judicium esset, percipere eos debuisse. Etenim duo esse hæc maxima in philosophia, judicium veri, et finem bonorum; nec sapientem posse esse, qui aut cognoscendi esse initium ignoret, aut extremum expetendi, ut, aut unde proficiscatur, aut quo perveniendum sit, nesciat. Hæc autem habere dubia, neque his ita confidere, ut moveri non possint, abhorrere a sapientia plurimum.

Hoc igitur modo potius erat ab his postulandum, ut

avec une extrême subtilité : Loin d'être conséquente, disait-il, cette conclusion répugne au principe. Celui qui prétend que rien n'est perçu n'admet point d'exception. Puisque le cas dont il s'agit n'est pas excepté, il ne sau. rait lui-même en aucune façon être compris ni perçu.

Antiochus sur ce point serrait de plus près son adversaire. Les académiciens ayant pour principe (vous comprenez que par ce mot j'entends Soyua) que rien ne peut être perçu, ils ne devaient pas, disait-il, pour leur principe, comme pour le reste, flotter dans l'indécision, attendu que c'était là le fondement de leur système. En effet, la loi suprême de toute la philosophie, c'est le discernement du vrai et du faux, du connu et de l'inconnu. Dès que les académiciens se donnaient pour philosophes, et voulaient enseigner ce que chacun doit croire, ce qu'il doit rejeter, il fallait bien qu'ils eussent reçu les perceptions d'où dérive le jugement du vrai et du faux. Car les deux questions qui dominent la philosophie, sont la connaissance du vrai, et l'idée du souverain bien. Il n'est pas possible d'être sage, si l'on ignore le principe de toute connaissance et le dernier terme de nos désirs, c'est-à-dire, notre point de départ et notre but. Rester dans le doute sur ces questions, ne pas se reposer, pour l'une et l'autre, dans une croyance inébranlable, c'est s'éloigner on ne peut plus de la sagesse.

Telle était la meilleure manière d'exiger d'eux qu'ils

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