permis de ne faire qu'un seul chapitre sur ce sujet, d'autant plus que la plupart des pensées qui s'y rapportent sont générales et traitent des caractères et du discernement des miracles. Cependant le plan de Pascal en est bien un peu brisé, et encore ici on aurait pu établir un peu plus d'ordre : parler d'abord des miracles en général, puis des miracles de l'ancienne loi, enfin des miracles de Jésus-Christ et des Apôtres. Il n'y eût pas eu proportion entre ces divers articles, car il existe bien des lacunes dans cette seconde partie de l'Apologie, beaucoup plus que dans la première, mais l'ordre de Pascal eût été plus clair et mieux conservé. Le chapitre des Figuratifs est à sa place. Seulement on y désirerait encore un peu plus d'ordre, et quelques passages doivent être restitués au chapitre des Prophéties auquel ils appartien nent. Nous en dirons autant de ce chapitre des prophéties qui devait être ainsi ordonné : d'abord considérations générales sur les prophéties, puis exposé des prophéties; en premier lieu celles qui sont relatives au peuple juif, ensuite celles qui regardent Jésus-Christ et l'Église, toutes rangées dans leur ordre chronologique. Le chapitre de Jésus-Christ est aussi dans sonlieu, mais c'est toujours la même confusion. Lorsqu'on le lit attentivement dans le livre de M. Faugère, on reconnaît qu'il se réduit à ces trois points: Grandeur de Jésus-Christ; carac tère et nécessité de Jésus-Christ; preuves de Jésus-Christ. Il était important, dans ce chapitre surtout, de bien préciser la pensée de Pascal, car c'est un de ceux sans doute qu'il a traités avec le plus d'amour. Sa grande âme et son génie dûrent s'impressionner vivement du caractère merveilleux et divin de Jésus-Christ, en même temps que son cœur aimant et mélancolique, dans la privation où ses cruelles et continuelles douleurs le mettaient de toutes les joies de la vie, aspirait vers cette bonté souffrante du Dieu du Calvaire, du Sauveur des hommes, son unique refuge, son unique consolation, son tout! Son génie et son cœur se découvrent, en effet, aux deux points culminants de ce beau chapitre, le parallèle d'Archimède et de Jésus-Christ, le Mystère de Jésus. Après avoir contemplé Jésus-Christ, Pascal passait aux Apôtres. On ne trouve rien à ce sujet dans M. Faugère. Nous savons bien, et nous l'avons observé déjà, qu'il y a de grandes lacunes dans la seconde partie de l'Apologie. Mais il aurait fallu recueillir sous chacun des titres indiqués par Perier, notre seul guide en cette circonstance, tous les passages qui s'y pouvaient rapporter, si peu nombreux qu'ils fussent, et dût-il en résulter un défaut de proportion pour l'étendue entre les divers chapitres. Pourquoi, par exemple, M. Faugère a-t-il inséré dans le chapitre de Jésus-Christ1 plusieurs fragments qui roulent précisément sur l'hypothèse absurde des Apôtres fourbes, trompés ou trompeurs? Des considérations sur l'Evangile, sur le style du Nouveau-Testament, sur le caractère des Apôtres, sur les miracles, les martyrs, les saints, sur l'établissement et la perpétuité du christianisme, pas de trace non plus chez M. Faugère, mais seulement un chapitre général, De la religion chrétienne 2. Reconnaissons encore que le manuscrit autographe fournit peu de chose à placer sous ces titres, mais encore y a-t-il quelque chose, et M. Faugère l'a disséminé dans les chapitres précédents ou dans celui-ci. Pourquoi ne pas distinguer ces divers ordres de preuves et ne pas suivre le plus possible le plan de Pascal? Notons enfin qu'on rencontre dans le chapitre de la religion chrétienne bien des passages que ne semble guère promettre le titre général. On croirait quelquefois que M. Faugère a jeté là, ne sachant plus qu'en faire, tout ce qui lui restait après le dépouillement complet du manuscrit et le classement des chapitres précédents. Pensées, Fragments, etc., t. II, p. 322. 2 Ibid., p. 345. Malgré les critiques que nous venons d'adresser au travail de M. Faugère, nous en reconnaissons parfaitement le mérite, et nous avons besoin de répéter que son entreprise était bien difficile; qu'il était même impossible de réussir au gré de tous. Aussi nous n'avons pas une confiance entêtée dans la justesse de toutes nos observations, et nous les soumettons avec simplicité au jugement de M. Faugère lui-même qui, mieux que personne, est à même d'en apprécier la valeur. S'il les croit fondées et qu'elles puissent lui servir à modifier son plan dans une seconde édition, nous aurons à nous féliciter de l'étude longue et minutieuse à laquelle nous venons de nous livrer. C'est même le seul avantage qui puisse en revenir, car personne désormais ne se croira le droit de publier de nouveau, avec de simples modifications de plan, des manuscrits sur lesquels le premier éditeur, par un travail digne d'un bénédictin, semble avoir acquis une sorte de propriété. Son édition est donc définitive, et si elle est entachée de quelques vices, c'est à lui seul de les faire disparaître. Nous ne croyons donc être démenti par aucun ami des lettres et de Pascal en proclamant l'immense service qu'il a rendu à notre grande littérature. Nous nous trompons: un seul refuse de s'associer à cet éloge, et, chose singulière, c'est M. Cousin, lui qui, le premier, a démontré la nécessité de cette édition et l'a appelée de ses vœux éloquents ! Il nous faut bien dire un mot, puisque nous avons entrepris l'histoire complète des Pensées et de la polémique qu'a suscitée leur publication, du déplorable débat qui s'est élevé entre les deux restaurateurs modernes de Pascal. Le signal en fut donné par un article publié dans le Constitutionnel du 7 décembre 1844. L'article était anonyme, mais il avait pour auteur M. Jules Simon, suppléant de M. Cousin à la Sorbonne, qui l'avait écrit sous l'inspiration ou plutôt sous la dictée de son maître. Nous n'en relèverons ni les injures ni les calomnies qui ne tiennent pas à notre sujet. M. Faugère y était accusé de plagiat et d'avoir calqué sur le plan de M. Cousin l'ordre qu'il avait mis entre les nombreux fragments écrits par Pascal pour son Apologie de la religion. Tâchons d'être juste et de rendre à chacun le mérite qui lui appartient. M. Cousin n'est pas le premier qui ait appelé l'attention des littérateurs sur les vices des précédentes éditions 1, mais le premier il l'a fixée sur Voir en particulier un article de M. Foisset, Annales de Philosophie chrétienne, t. XI, p. 7. |