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en parente pauvre, ce n'est pas seulement sa valeur technique et la façon vraiment digne d'admiration dont, au dire des juges compétents, elle a été conduite, c'est aussi, pour les théoriciens qui l'interprètent, qu'elle tend à établir un fait, qui contraigne l'esprit à juger que la réalité se comporte, oui ou non, de telle ou telle façon. Mais qu'il y a loin de la coupe aux lèvres ! Avant de conclure à la constance de la vitesse de la lumière, avec les conséquences qu'elle entraîne au sujet du temps, il faudrait examiner si, en bonne logique, nous ne serions pas tenus de reviser certaines vénérables opinions, si bien assurées semblent-elles, qu'on présuppose en interprétant ainsi l'expérience de Michelson 1, plutôt que d'admettre une notion absurde

déplace par rapport à l'éther, on doit s'attendre à ce que les durées comparées ne soient pas les mêmes, ce qui dans l'appareil de Michelson devait se traduire par un déplacement des franges de lumière et d'ombre produites par un phénomène d'interférence. Or le déplacement des franges attendu ne se produisit pas. » (F. CROZE.) L'interprétation obvie, celle que M. Michelson lui-même (qui n'est pas relativiste) proposait au moment où il a fait son expérience, est que l'éther, au voisinage de la terre, est entraîné dans le mouvement de celle-ci. Mais on tient cette interprétation pour impossible, d'abord en raison de certains faits (expérience de Fizeau, phénomène de l'aberration), qu'on regarde comme inconciliables avec elle, ce qui est conclure bien vite, car il reste toujours possible que quelque nouvelle hypothèse non encore découverte, et qu'on ne s'est d'ailleurs pas donné beaucoup de peine pour chercher, lève cette inconciliabilité, ensuite et surtout parce qu'on ne veut pas toucher aux principes d'un édifice théorique (théorie de Lorentz) qui admet l'immobilité absolue de l'éther, et qu'on a choisi comme base.

Comme le remarque M. La Rosa, l'idée d'un entraînement partiel de l'éther, émise par Fresnel, n'a eu aucun succès à cause des difficultés de calcul que son introduction apportait dans la théorie électromagnétique de la lumière. Cela ne suffit pourtant pas à montrer qu'elle n'indiquait pas la bonne route.

1. M. JEAN PERRIN. Il est remarquable qu'un retour à l'hypothèse de l'émission, en admettant que les particules lumineuses sont émises par chaque source avec une même vitesse par rapport à elle dans toutes les directions expliquerait dans les conceptions de la Mécanique classique le résultat négatif de l'expérience de Michelson et de Morley quel que soit le mouvement d'ensemble du système... » (Bull. de la Soc. française de Philosophie, 1912, p. 34). Nous citons cette réflexion à titre de simple exemple

du temps; il faudrait surtout, ce qui paraît beaucoup plus sensé, et exige beaucoup moins de frais, se demander si le fait en question (impossibilité de mettre en évidence le mouvement de la terre par rapport à l'éther) est aussi bien établi qu'on l'a dit reprise en 1922, à une altitude de 1.800 mètres, l'expérience de Michelson, qui avait donné jusque-là des résultats

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qu'on ne pense pas que nous voulions aucun mal à la théorie de l'ondulation, qui est une des plus belles de la physique moderne. C'est surtout, à vrai dire, l'hypothèse du non-entraînement par la terre du milieu de propagation de la lumière, avec les discussions expérimentales qui semblent l'appuyer qu'il faudrait soumettre à revision.

Le débat proprement scientifique, écrit en son style bien connu, M. Bouasse dans sa réponse à l'enquête de Scientia, se réduit à ceci qui n'a rien de sensationnel: comment la matière agitelle sur notre éther hypothétique? Ne comprenez-vous pas, gros malin, qu'il existe pour les tenants de l'éther (considéré non comme existant réellement, mais comme une hypothèse commode) une infinité de généralisations possibles? Nous ne lâcherons notre éther qu'après une démonstration en règle que de toutes ces généralisations, aucune ne contient les phénomènes du second ordre (approximation du cent millionième). Au surplus nous sommes toujours en droit de vous répondre que, de ne pas avoir trouvé le biais, ne prouve pas son inexistence, et qu'au reste, comme systématiquement vous ne le cherchez pas, vous n'avez pas grand'chance de le découvrir.

C'est se moquer du monde et tromper le public que de déclarer le résultat de Michelson-Morley incompatible avec toute autre théorie que celle d'Einstein. Que la théorie d'Einstein découle logiquement de votre manière d'interpréter cette expérience, d'accord: MAIS VOTRE INTERPRÉTATION N'A RIEN DE NÉCESSAIRE.

• Racontez des histoires à dormir debout aux lecteurs des journaux quotidiens; mais ne croyez pas nous en imposer : nous savons la physique et son histoire aussi bien que vous, sinon mieux.

Notre éther explique des milliers de gros phénomènes; jusqu'à présent nous n'avons pas trouvé le joint pour qu'il nous donne trois phénomènes optiques si petits qu'il a fallu une technique admirablement perfectionnée pour établir le premier, que les deux autres sont fort douteux, et, s'ils existent, peuvent avoir des causes très différentes de celles que vous leur attribuez Là-dessus, vous nous sommez d'abandonner les lois naturelles de notre pensée, vous enfilez des raisonnements contraires au sens commun, vous nous accablez de formules mathématiques sans intérêt ; puis vous prenez un ton hiératique (du plus excellent comique) pour dire qu'il faut être très fort pour vous suivre.

«Vous oubliez qu'en définitive c'est nous, les physiciens de laboratoire, qui sommes juges en dernier ressort, qu'une théorie

négatifs, a donné cette fois un résultat positif1, qui, s'il est confirmé, semblerait militer en faveur d'un entraînement de l'éther, complet ou presque complet aux

ne vit que si nous l'acceptons, et que nous nous soucions de vos turlutaines comme d'une nèfle pourrie. (H. BOUASSE, La question préalable contre la théorie d'Einstein, Scientia, 1. I. 1923, pp. 22-23. Les mots soulignés, sont soulignés par l'auteur). Cette réaction du physicien expérimental, du physicien de laboratoire, ennemi des mathématiciens camouflés», à la théorie d'Einstein, est curieuse à enregistrer.

1. Voir Physical Review, 19 vol., 2, 1922; DAYTON C. MIller: Ether Drift Experiment at Mount Wilson Solar observatory. Le résultat obtenu est positif, quoique beaucoup plus petit que les prévisions. En opérant ainsi à une altitude« où la densité de l'air est moins grande, en dehors d'une salle entourée de murs massifs emportant avec elle le milieu où se propage la lumière », « Miller a trouvé que les franges d'interférence se déplaçaient et que le déplacement observé était déjà égal aux 8/1000s du déplacement prévu par la théorie classique de la lumière. Le grand physicien hollandais Lorentz, qui a été témoin de cette expérience, en a été fort impressionné. Si en effet elle était confirmée, la théorie d'Einstein n'aurait plus de base (François CROZE, professeur à l'Université de Nancy, La Théorie de la Relativité est-elle confirmée par l'expérience? Conférence faite à la Société industrielle de l'Est le 22 mars 1923).

Les résultats de Michelson-Morley et ceux de Miller s'expliqueraient aisément si l'on admettait que le milieu de propagation de la lumière est entraîné par l'atmosphère terrestre (et par les murs de nos laboratoires) de telle façon que le « vent d'éther » soit nul ou presque nul au niveau de la mer (où l'entraînement serait complet, ou presque complet), et augmente avec l'altitude (où l'entraînement deviendrait partiel). Ajoutons, au sujet des expériences faites même à bas niveau, que dans une note du Scientific American du 12 juin 1920, M. A. Henry rapporte que le professeur C. Miller, un des participants aux recherches de Michelson, lui avait communiqué que régulièrement, quand l'appareil n'était pas monté comme d'ordinaire à l'intérieur de la maison, mais à l'extérieur simplement sous une tente très légère, on avait observé un déplacement des franges d'interférence. Mais ne pouvant s'expliquer la chose on n'en avait pas fait mention.» (L. WARNANT, Les théories d'Einstein, 1923, p. 86.) Cette note reçoit confirmation d'une communication faite à M. Louis Warnant par le professeur Wilson, de la Harvard University; celui-ci précise en effet que si les expériences faites à bas niveau en laboratoire fermé ont toujours donné des résultats entièrement négatifs, par contre des expériences faites sur une petite colline près de Cleveland et sous une tente légère ont donné dès résultats légèrement positifs.

De cette communication du professeur Wilson, et d'une autre de M. Ch. Lane Poor (professeur de Mécanique céleste à l'Université de Columbia) il resssort aussi que le chiffre de 8 % ou de

bas niveaux, plus faible à mesure qu'on s'élève, et qui en tout cas est bien désobligeant pour les théoriciens de la constance de la vitesse de la lumière.

Quant aux équations de Maxwell-Lorentz, elles ne nous mettent pas en présence d'un fait à interpréter, mais seulement d'une certaine texture de relations quantitatives, d'un symbole algébrique choisi comme le plus maniable en l'état actuel de la science, et qu'on ne saurait tenir pour l'expression directe des entités en jeu dans les phénomènes que si l'on n'a jamais réfléchi sérieusement à la nature de la théorie physique. Il est très vrai que ce qui a réellement donné

10%, pour les résultats positifs obtenus au Mont Wilson, chiffre auquel on s'est tenu pour rester dans une stricte sécurité scientifique, serait presque de moitié inférieur à la valeur des déplace

ments observés.

M. Louis Warnant, à qui nous devons ces informations, suggère avec raison l'idée de reprendre l'expérience de Michelson sur le Mont-Blanc. Les résultats de Miller au Mont Wilson ne font que montrer avec plus de force l'intérêt d'une telle expérience, dont la réalisation est éminemment souhaitable.

1. Je vous entends, écrit encore M. Bouasse; si les faits confirment la théorie d'Einstein, mes beaux raisonnements seront dans le pétrin! Malheureusement pour vous, gros malin, votre raisonnement est inepte; il montre une ignorance crasse de l'histoire de la Physique.

Fresnel fit une théorie de la réflexion totale en admettant un indice de réfraction imaginaire au sens des mathématiciens, c'est-àdire contenant explicitement 1. Suivant la même voie, Mac Cullagh et Cauchy construisirent une théorie de la réflexion métallique. Les formules déduites de cette hypothèse parfaitement et délibérément absurde sont d'accord avec les faits; et vous savez, ou plutôt vous ignorez qu'il s'agit là d'un groupe de gros phénomènes autrement importants que les trois phénomènes en 10 - dont vous vous gargarisez.

De cette réussite a-t-on conclu que √ = 1 est réel?

Ignorez-vous, gros malin, qu'on tire la loi de Descartes de théories parfaitement contradictoires? Comme on le sait depuis 1650, parions que vous l'entendez pour la première fois !

Si les faits confirment les formules de la théorie d'Einstein, nous conclurons que ces formules sont bonnes, pas du tout que la théorie est acceptable » (Ibid., pp. 21-22).

On lira avec un intérêt et un profit particuliers la très remarquable étude de M. Michel La Rosa, professeur à l'Université de

naissance à la théorie d'Einstein, ce qui l'appelait dans le développement de la science, ce n'est pas l'expérience de Michelson, c'est le désaccord entre les équations de la mécanique classique et celles de l'électromagnétisme. Mais les équations et les lois de l'électromagnétisme, comme toutes les équations et les lois de la science physico-mathématique, nous disent bien comment semble aller la nature, j'entends quelles images numériques nous pouvons nous faire de ses manières d'agir, elles ne nous disent pas ce qu'elle est.

10. Si commode qu'il puisse être pour la science, la science elle-même ne nous contraint donc en aucune façon de tenir le principe de l'isotropie de la propagation de la lumière pour « démontré », pour ontologiquement vrai.

Mais on peut aller plus avant, et affirmer que le principe de l'isotropie de la propagation de la lumière,

Palerme, sur Les antécédents historiques de la construction relativiste (Scientia, 1. X. 1923). Après avoir montré que la théorie de Lorentz entrait en conflit avec le principe de relativité admis par la mécanique classique, et que la fin qui s'imposait dès lors à Einstein était de concilier la théorie de Lorentz avec le principe de relativité de la mécanique, M. La Rosa écrit : « Cette fin pouvait être atteinte par une double voie ou bien en modifiant la structure de la théorie, en en enlevant la notion de l'éther immobile et en retouchant ses équations fondamentales de sorte qu'elles pussent, sans inconvénients, coexister avec celles de la translation; ou bien en modifiant les bases mêmes de la mécanique, précisément de manière que le mouvement de translation, défini d'une façon nouvelle, n'altérât pas les équations de la théorie.

Je ne crois pas m'exposer à des critiques fondées, si f'ose penser que la voie la plus naturelle eût été la première, justement parce qu'il devait apparaître à priori comme plus probable que la théorie électro-magnétique, tant à cause de sa jeunesse que de son ampleur, pouvait plus facilement renfermer des imperfections et des lacunes.

Cependant, Einstein a préféré entrer complètement dans la voie déjà tracée par Lorentz et conserver intact l'édifice théorique récent, en sacrifiant la vieille et glorieuse mécanique.

Cette voie qu'il a prise dès le commencement, et qu'il a constamment suivie dans tout le développement ultérieur de la théorie, est de caractère strictement mathématique (analytico-formel)... »

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