de parfaite une option qui se présente à la fois comme obligée, vivante et importante. a) Une option est vivante lorsque les deux hypothèses proposées sont vivantes. Si je vous dis «soyez théosophe ou mahométan», je vous propose vraisemblablement une option morte, puisque aucun des deux termes ne semble pouvoir être vivant pour vous. Mais si je vous dis : « soyez agnostique ou chrétien », il en est tout différemment. Avec l'éducation que vous avez reçue, chacune des deux hypothèses fait appel, dans une certaine mesure, à votre croyance. b) D'autre part, si je vous dis: « je vous laisse le choix de sortir avec ou sans votre parapluie », je ne vous offre pas une option parfaite, puisque vous restez libre et que vous pouvez éviter d'exercer votre choix en ne sortant pas du tout. Même conclusion si je vous demande de m'aimer ou de me haïr, de considérer ma théorie comme vraie ou comme fausse, car vous pouvez fort bien demeurer indifférent à mon encontre, et refuser de porter un jugement sur mes théories. Mais si je vous dis : « acceptez cette vérité ou écartez-la, je vous mets en présence d'une option forcée, puisqu'il n'y a point place en dehors de cette alternative. Tout dilemme qui repose sur une disjonction logique complète, qui ne comporte aucune possibilité de se soustraire à un choix, est une option obligée. c) Enfin, si j'étais le D' Nansen et si je vous proposais de prendre part à mon expédition au Pôle, votre option serait importante, car l'occasion qui se présenterait à vous serait peut-être sans lendemain, et votre choix aurait pour effet, ou bien de vous exclure complètement de cette sorte d'immortalité que confère le Pôle, ou, au contraire, de remettre entre vos mains une chance d'y atteindre. Celui qui refuse de saisir une occasion unique perd sa récompense aussi sûrement que s'il avait échoué dans sa tentative. Par contre, une option est insignifiante . lorsque l'occasion qui se présente est susceptible de se renouveler, lorsque l'enjeu est sans valeur, ou lorsque la décision prise est révocable. Dans la vie scientifique, les options insignifiantes abondent un chimiste trouve une hypothèse suffisamment vivante pour passer une année à la vérifier; il croit à son hypothèse pendant toute cette période; si ses expériences ne se montrent pas concluantes, il n'aura éprouvé d'autre préjudice que la perte de son temps. Gardons bien ces distinctions dans l'esprit pour faciliter notre discussion. II Le second point qui doit nous occuper est la psychologie de nos jugements. Prenons certains phénomènes mentaux: il semble que notre nature passionnelle et volitive soit ici à la racine de toutes nos convictions. Tels autres phénomènes, au contraire, paraissent devoir demeurer immuables dès que l'entendement s'est prononcé sur eux. C'est de cette seconde catégorie que nous traiterons tout d'abord. Ne semble-t-il pas déraisonnable de dire de nos opinions qu'elles sont modifiables à volonté? Notre volonté peut-elle favoriser notre entendement ou, au contraire, lui faire obstacle dans la perception de la vérité? Pouvons-nous, par un simple acte de volonté, croire que l'existence de Lincoln n'est qu'un mythe et que les portraits que l'on a publiés de lui représentent quelqu'un d'autre? Pouvons-nous, par un effort de notre vouloir, ou par la force de notre désir, nous persuader que nous nous portons bien lorsqu'un rhumatisme nous cloue dans notre lit, ou croire encore que les deux billets d'un dollar qui sont dans notre poche forment un total de cent dollars? Nous pouvons affirmer tout cela, mais nous sommes impuissants à y ajouter foi. Et il en est ainsi de tout l'édifice des vérités sur lesquelles portent nos croyances, qu'il s'agisse de données de fait immédiates ou médiates, suivant l'expression de Hume, ou de rapports entre des idées; la présence comme l'absence de ces données et de ces rapports nous est attestée par l'entendement, et leur absence ne saurait être changée en présence par la seule force de notre action. Il y a, dans les Pensées de Pascal, un passage célèbre connu, en littérature, sous le nom de « pari de Pascal ». Pour mieux nous entraîner vers la religion chrétienne, l'auteur raisonne comme si notre attitude vis-à-vis de la vérité ressemblait à l'attitude du joueur dans un jeu de hasard. Traduite librement, l'idée de l'auteur se ramène à ceci vous êtes obligé de croire ou de ne pas croire à l'existence de Dieu : de quel côté pencherez-vous? La raison humaine ne peut rien déterminer une partie se joue entre vous et la nature des choses, et, au jour du jugement, elle amènera «< croix ou pile »: «pesez le gain et la perte en prenant croix que Dieu est » si vous gagnez, vous gagnez la béatitude éternelle; si vous perdez, vous ne perdez rien. Quand il y aurait une infinité de hasards dont un seul en faveur de l'existence de Dieu, encore devriez-vous risquer tout votre bien, car, alors que par ce moyen vous «< hasardez certainement le fini », la certitude de ce que vous exposez est encore raisonnable pour peu qu'elle laisse une simple possibilité de gain infini. Allez donc, et prenez de l'eau bénite et faites dire des messes, la foi viendra et engourdira vos scrupules, « cela vous fera croire et vous abêtira ». Et pourquoi pas? Au fond, qu'avez-vous à perdre? << Peut-être pensez-vous que la foi religieuse, pour s'exprimer en un langage de table de jeu, doit être réduite à ses dernières ressources. Celle de Pascal, assurément, avait d'autres racines encore, et la page célèbre de l'auteur n'exprime qu'un de ses arguments, un effort ultime et désespéré dirigé contre la dureté des cœurs impies. Une croyance qui procéderait volontairement d'un calcul mécanique de cette sorte, serait, vous le sentez, dépourvue de cette essence intérieure qui fait la réalité de la foi; et si nous étions à la place de la divinité, peut-être prendrionsnous un plaisir particulier à refuser la récompense éternelle aux fidèles de cette catégorie. A moins qu'il n'existe une tendance préexistante à croire aux messes et à l'eau bénite, il est évident que l'option offerte par Pascal à notre volonté n'est pas une <«<option vivante ». Aucun Turc, assurément, ne tient compte de ces moyens de salut, et à nous autres protestants, ils apparaissent comme de si lointaines impossibilités, que la logique de Pascal, invoquée spécialement pour ces cas particuliers, nous laisse indifférents. Le Mahdi pourrait aussi bien nous dire : << Je suis Celui que Dieu a créé dans son rayonnement, Vous serez infiniment heureux si vous me reconnaissez, sinon vous serez bannis de la lumière du soleil; pesez donc votre gain infini si je suis le Messie authentique, et, votre sacrifice fini, si je ne le suis point ». Sa logique serait celle de Pascal, mais il l'emploierait en vain à notre encontre parce que l'alternative qu'il nous offrirait serait une « option morte », un appel à l'action qui ne saurait trouver aucun écho dans notre conscience. Faire reposer la foi sur la volonté, constitue, à ce point de vue, une sotte entreprise; à un autre point de vue, c'est, en outre, une entreprise mesquine. Que l'on envisage le magnifique édifice des sciences physiques et la manière dont il a été construit; les milliers de vies morales désintéressées qui gisent sous ses fondations; la patience, l'esprit de sacrifice et de soumission aux lois inflexibles de la nature dont les pierres et le mortier conservent l'empreinte; cette impersonnalité absolue que révèle sa vaste majesté; et alors apparaîtront toute la sottise et toute la vanité du pauvre être sentimental qui prétend opposer à toute cette puissance le faible souffle de sa volonté, et fixer le cours des choses d'après son rêve intérieur. Comment s'étonner que ceux qui ont été élevés à la rude et måle école de la science rejettent un tel subjectivisme? Tout le système des vérités qui croissent dans les écoles de la science se dresse contre une telle tolérance. (( Aussi est-il naturel à ceux qui sont possédés de la fièvre scientifique de passer parfois à l'extrême et de s'exprimer comme si l'intelligence, inaccessible à autre chose qu'à la vérité, avait positivement le devoir de combattre le cœur et de s'abreuver à la coupe de l'amertume. « Ce qui fortifie mon âme, chante Clough, c'est de savoir que la vérité, même si je meurs, reste entière»; et Huxley, de son côté, proclame : je me console en pensant que notre postérité, quelque mauvaise qu'elle devienne, n'aura point atteint le tréfonds de l'immoralité tant qu'elle adoptera pour règle de ne point prétendre ajouter foi à ce qu'elle n'a aucune raison de croire, alors même qu'une telle prétention présenterait des avantages ». Et Clifford, ce délicieux. << enfant terrible », écrit par ailleurs : « C'est profaner la foi que de l'accorder sans preuve et sans discussion à des affirmations pour le soulagement et le plaisir personnel du croyant...; quiconque veut, en cette matière, bien mériter de ses condisciples, gardera la pureté de sa croyance avec un fanatisme et un soin jaloux, de peur qu'à un moment quelconque elle ne s'arrête sur un objet indigne qui lui communique une tache ineffaçable...; si une croyance était accueillie en dépit d'une évidence insuffisante alors même qu'elle se trouverait être vraie - et il y |