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d'Ouyapoc par le Capitaine qui nous a conduit ici.

Que vous dirai-je de notre état actuel ? Nous habitons dans un petit carbet, où nous sommes exposés à toutes les injures de l'air; la pluie et le vent y pénètrent, et nous sommes d'autant plus sensibles à cette incommodité, que nous avons plus à souffrir du côté de la santé, et que nous sommes moins dans le cas d'y remédier pour le présent. Je passe sous silence tous les autres désagrémens inséparables de la carrière dans laquelle nous ne fesons que d'entrer, et qui nous font adorer en silence les décrets d'un Dieu qui console dans les tribulations, et qui n'humilie ses Ministres que pour les rendre plus actifs, et plus propres à ses desseins. Nous lui sommes déjà redevables de Ja satisfaction que nous avons d'être parmi les Indiens, presque tous déserteurs du Portugal, qui ont eu le bonheur d'être instruits dès leur enfance des principes de la Religion. Il est vrai que, par le défaut de Missionnaires, ces premières semences de l'Evangile sont restées incultes parmi eux; mais ils nous témoignent la plus grande joie d'être à même aujourd'hui de mettre en pratique ce qu'ils ont appris dans leur jeunesse ; ils viennent à nous avec empressement, et consentent volontiers à construire leurs carbets autour de nous, et à former une bourgade; nous en attendons incessamment quinze ou seize familles. Nous avons déjà baptisé quinze petits enfans, et beaucoup d'autres

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nous seront présentés lorsqu'un temps moins pluvieux permettra aux parens de remonter de l'embouchure des rivières appelées Maribanaré et Macari. Il y a même des adultes qui demandent le Baptême, que nous ne pouvons leur accorder que dans un cas de nécessité, parce qu'ils ne sont pas suffisamment instruits : nous savons là-dessus l'intention de Notre-Seigneur; il a dit à ses premiers Ministres Allez, enseignez, baptisez; mais ce qui nous cause beaucoup d'embarras, ce sont les mariages, ou plutôt le concubinage de nombre d'Indiens du Para, où ils ont laissé leurs femmes, et où réciproquement des Indiennes ont laissé leurs. maris, et qui tous ont formé d'autres alliances ici, et ont même des enfans de leur commerce criminel, souvent avec plusieurs, quelquesuns même avec leurs parentes. Il y en a d'autres qui, quoique Chrétiens, ont contracté avec des infidèles et des fidèles avec des Indiens païens. Nous avons déjà la promesse de quelques-uns de ceux qui n'ont qu'une concubine, de faire, en face de l'Eglise, ce que nous leur preserirons à cet égard. Ce sont ces sortes de mariages, mon cher confrère, qui nous mettent dans le cas de recourir au Père des lumières; nous vous prions de les demander également pour nous. Après vous avoir exposé l'état de notre Mission quant au spirituel, je vous dirai, pour ce qui concerne le temporel, que nous avons à notre service une très-bonne Blanchis seuse Indienne, et son fils âgé de 20 ans,

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dont nous sommes on ne peut pas plus contens; il est industrieux, fidèle, laborieux, nous fait bonne cuisine et sert bien la Messe. Il fut jadis domestique d'un Prêtre Missionnaire parmi les Indiens du Para. Nous avons en outre deux enfans d'onze à douze ans, deux chasseurs et deux Pêcheurs. Moyennant une certaine rétribution ils nous approvisionnent assez bien; et, a cas que quelques-uns d'entr'eux viennent à nous manquer, il s'en présente déjà d'autres pour les remplacer, tant pour la chasse que pour la pêche. Communiquez, s'il vous plaît, ma lettre à Monseigneur le Préfet, s'il est encore à Cayenne, et faites-lui nos excuses de ce que nous ne lui avons point écrit, ce que nous aurions fait immanquablement si la santé nous l'eût permis; et il fallait ces besoins pressans, j'ose vous l'avouer, pour vous écrire dans la circonstance où je me trouve. Je souhaite que Dieu vous l'accorde, cette santé, si nécessaire pour remplir vos fonctions, tant au Collége qu'à la Paroisse. Je vous sais toujours bon gré de m'avoir mis à même, lorsque nous étions à Cayenne, de partager avec vous les travaux du saint ministère dans la Savanne; je le ferais encore volontiers si je ne me croyais de plus en plus appelé à la conversion des İndiens parmi lesquels je suis résolu de mourir : ma destinée paraît fixée chez ce peuple dur et barbare, parmi lequel j'espère faire plus de fruit, Dieu aidant, qu'au milieu d'une Nation plus cultivée et plus policée, dont la con

duite

duite exige plus de talent que je ne puis m'en attribuer. Envoyez-moi, s'il vous plaît, les effets du Père Mathos qui sont restés chez vous ne réservant que la soutane, pour prix de laquelle vous offrirez le saint sacrifice de la Messe pour le repos de l'ame du cher défunt. Vous prendrez sur mes appointemens la somme des dettes qu'il vous à laissées, qui montent, je pense, à 195 livres ; le reste vous servira à nous faire l'achat des denrées qui nous sont nécessaires actuellement, et dont je vous ferai le détail; profitez de la pirogue par laquelle je vous fais passer ma lettre; ayez soin que tout puisse nous arriver sain et sauf. J'ai l'honneur d'être, etc.

LETTRE

Du Père Padilla, Missionnaire Apostolique à Connany, à Messieurs ***.

A Connany, le 8 Avril 1778.

MESSIEURS,

M. MONACH qui est entré avant-hier dans cette rivière, m'a remis les lettres et les divers effets dont vous l'aviez chargé pour moi je suis aussi sensible à cette preuve de vos bontés, qu'à l'intérêt que vous voulez bien prendre à ma santé. Elle n'est pas aussi Tome VIII.

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bonne que je le desirerais; les fièvres tierces m'obligent depuis long-temps à garder la chambre, et la douleur que j'ai éprouvée en voyant mourir à mes côtés mon confrère le Père Ferreira, ne contribue pas peu peutêtre à la lenteur de mon rétablissement. Des fièvres continuelles et violentes l'ont emporté en peu de jours. J'ose espérer cependant que le Seigneur me donnera des forces pour arriver au but que je me suis proposé en venant ici. Lorsque ma santé me le permettra, je m'occuperai, avec tout le zèle et l'activité qui dépendront de moi, de l'établissement de cette Mission, et je saisirai avec empressement toutes les occasions qui me mettront à même de répondre à la confiance que vous avez bien voulu me témoigner,

J'expédierai, Messieurs, ainsi que vous me lè prescrivez, des canots Indiens ou des pêcheurs blancs lorsqu'ils seront à ma portée, ce qui est rare, pour vous instruire de ce qui pourra vous intéresser dans ce quartier, et en même-temps pour vous faire parvenir ma demande sur les secours dont je pourrais avoir besoin par la suite. Je n'omettrai rien non plus pour faire revenir les Indiens sur l'idée désavantageuse qu'on a cherché à leur donner de l'établissement de cette Mission. Jusqu'à présent j'ai lieu d'être satisfait du zèle et de l'empressement qu'ils ont montrés, et j'espère les entretenir dans ces mêmes sentimens

J'ai remis à M. Monach les divers effets que j'avais ici appartenant au Roi, et qui

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