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fecter plus longtemps l'indifférence ou le mépris pour les menaces des émigrés et leurs préparatifs hostiles. Le danger de jour en jour croissait. II fallait aider ou forcer le pouvoir exécutif à sortir de ses perplexités et de son silence. L'Assemblée invita le roi à se préoccuper plus activement de la politique extérieure, à forcer les électeurs de Trèves, de Mayence, ainsi que l'évêque de Spire,

(1) En février 1792, l'Assemblée législative avait ordonné la mise en liberté de quarante soldats du régiment de Château-Vieux, qui, après l'affaire de Nancy, avaient été condamnés aux galères et conduits au bagne de Toulon. Quand ils passèrent à Paris, il leur fut donné (15 avril) une fête que l'on désigna sous le titre de « première fête de la Liberté. L'Assemblée, de son côté, décréta une fête consacrée au respect dû à la loi, pour honorer la mémoire de Simoneau, maire d'Étampes, assassiné au milieu d'une émeute suscitée par des rumeurs contre les accaparements de blé.

de dissiper les attroupements formés par des Français armés sur leur territoire, et en même temps à rassembler sur les frontières les forces nécessaires pour appuyer ces injonctions. Le roi écrivit aux électeurs, rappela à l'empereur Léopold les devoirs que lui imposait le traité d'alliance de 4756, et plaça trois corps d'armée de cinquante mille hommes chacun sous les commandements de Luckner, Rochambeau et Lafayette. La réponse de Léopold, comme on s'y était attendu, ne satisfaisait à rien; il annonçait même l'intention de soutenir plus vivement l'électeur de Trèves s'il était attaqué, et une armée considérable, postée dans les Pays-Bas, dans le Brisgaw et en Bohème, était prête à marcher contre la France. Louis XVI, de plus en plus pressé par l'impatience unanime du pays, dut alors signifier, en décembre, à l'empereur et aux électeurs, que si les rassemblements d'émigrés n'étaient point dispersés avant le 15 jan

vier, la France aurait recours aux armes. Le 1er janvier, après les délais qu'elle avait fixés, l'Assemblée déclara Monsieur privé de la régence, le mit en accusation ainsi que les autres princes qui étaient à Coblentz, et séquestra les biens des émigrés.

Les constitutionnels souhaitaient de voir le roi, évitant toute discorde avec le corps législatif, s'élever, par un élan sincère de patriotisme, audessus de tous les soupçons; mais la conduite de Louis XVI restait équivoque et embarrassée. Le jeune Narbonne, qui avait remplacé Duportail au ministère de la guerre et était lié aux constitutionnels, avait fait preuve de zèle, d'activité et de franchise. La cour, en haine de la bienveillance que lui témoignait l'Assemblée, prit parti contre lui; Louis XVI le destitua (10 mars 1792). Cette mesure inopportune agita les esprits pour les calmer, le roi fut obligé de renvoyer aussi du ministère Bertrand de Molleville; mais on sut qu'il lui conservait la direction de sa police secrète. L'Assemblée prouva son mécontentement en votant que Narbonne emportait la confiance de la nation; de plus, elle envoya devant la haute cour d'Orléans, chargée de juger les crimes d'État, le ministre Delessart, dont la correspondance avec le prince de Kaunitz avait paru inconstitutionnelle et sans dignité. Deux autres ministres, Duport-Dutertre et Cahier de Gerville, du parti modéré, donnèrent leur démission. Le roi se vit alors forcé de vaincre ses répugnances et de choisir plusieurs de ses ministres dans le parti des girondins, malgré leur tendance de plus en plus avouée au républicanisme. Il appela Dumouriez aux affaires étrangères, Degraves à la guerre, Lacoste à la marine, Duranton à la justice, Clavière aux finances, Roland à l'intérieur. Par le choix de ces deux derniers et de Servan qui remplaça bientôt Degraves à la guerre, Louis XVI s'assurait l'appui de Vergniaud, Gensonné, Guadet et leurs amis. La reine, contraire aux concessions et dont la devise semblait être : «< Tout ou rien », fit venir près d'elle Dumouriez et lui dit : « Vous devez penser que ni le roi, ni moi, ne pouvons souffrir toutes ces nouveautés ni la constitution; je vous le déclare franchement, prenez votre parti.» (Mém. de Dumouriez.)

Sur ces entrefaites, Léopold II mourut : en réalité, il ne s'était point pressé d'exécuter le traité de Pilnitz, et n'avait point voulu la guerre avec ardeur. François Ier, roi de Bohême et de Hongrie, qui devait lui succéder, n'avait point la mème modération en réponse à la dernière demande d'explications du gouvernement français, la cour de Vienne répondit nettement qu'elle exigeait le rétablissement de la monarchie française telle que l'avait voulue la déclaration royale du 23 juin 1789 (voy. p. 439). C'était ordonner insolemment à la France de faire amende honorable et de retourner, devant la menace d'une épée, à l'ancien régime. L'indignation universelle retentit jusqu'au trône. Le roi

se rendit, le 20 avril, à la séance du corps législatif, et dit avec émotion que, d'accord avec tous les citoyens « qui préféraient la guerre à voir plus longtemps la dignité du peuple français outragée et la sûreté nationale menacée », il venait, «< aux termes de la constitution, proposer à l'Assemblée nationale la guerre contre le roi de Hongrie et de Bohême. » L'Assemblée délibéra le soir même et déclara la nécessité et l'urgence de la guerre. Condorcet fut chargé d'écrire l'exposé des motifs; il y démontra comment cette grande résolution avait été commandée à l'honneur et à la sécurité de la France par l'attitude agressive des puissances coalisées.

Dumouriez, qui était maréchal de camp et chargé de la direction des opérations militaires quoiqu'il n'eût pas le ministère de la guerre, commença immédiatement les hostilités. Son plan était d'envahir la Belgique, soumise à l'Autriche depuis le traité de Rastadt: on pouvait en espérer le prompt succès, si l'on était secondé par les Belges; mais le début de cette guerre, plus tard si glorieuse, fut marqué par deux désastres inexpliqués. A Quiévrain, deux régiments de dragons, qui s'avançaient vers Mons en tète d'une avant-garde de dix mille hommes commandés par le général Biron, prirent la fuite, avant toute attaque, en criant: « Nous sommes trahis!» Ce fut le signal d'une déroute complète. En même temps (28 avril), trois mille hommes sortis de Lille, à la vue de neuf cents Autrichiens venant de Tournay, répétèrent le même cri: << Nous sommes trahis! » et se rejetèrent en arrière vers Lille; le commandant de ce corps, Theobald Dillon, fut massacré par ses soldats dans une grange. Ces événements causèrent, à Paris, un premier mouvement de stupeur, puis une irritation extrême; les partis s'accusèrent mutuellement les jacobins attribuèrent les deux paniques à des officiers royalistes et au mauvais esprit des généraux, qui étaient constitutionnels. De leur côté, les ennemis de la révolution ne dissimulerent pas assez l'espoir que leur donnait cette honte de nos armes. A Neuilly, des suisses se hâtèrent d'arborer la cocarde blanche : les soupçons contre la cour reprirent plus de force. La maison militaire accordée au roi par la constitution avait été portée de dix-huit cents hommes à près de six mille, et elle était composée en grande partie d'officiers et de soldats que l'on savait être dévoués à la cause de l'ancien régime. L'Assemblée ordonna que cette garde fût licenciée, et, le 27 mai, elle décréta, sur la proposition du ministre Servan, la formation d'un corps de vingt mille hommes près Paris, dans le but à la fois de préparer une réserve contre l'invasion étrangère et d'intimider toute tentative intérieure de réaction. Ces deux mesures, votées sous l'influence des girondins, désarmaient la cour. Le roi fit connaître à son conseil qu'il refuserait sa sanction au décret du 27 mai, et, de plus, mécontent d'une lettre remarquable où Roland lui donnait des avis sages, mais sévères, il

Typ. de J. Best, rue St-Maur-St-G., 15.

rompit absolument avec les girondins en renvoyant ce ministre, ainsi que Clavière et Servan (13 juin). Dumouriez lui-même, n'ayant voulu rester que si le roi sanctionnait le décret contre les prètres réfractaires et celui sur la formation du camp de vingt mille hommes, donna sa démission. Le nouveau ministère fut composé d'hommes sans crédit politique Lajard, Chambonnas, Beaulieu, TerrierMonteil.

ENTENTE DU ROI AVEC L'AUTRICHE ET LA PRUSSE. JOURNÉE DU 20 JUIN.

Alors, abandonné à ses seules pensées et aux influences privées de sa cour, Louis XVI tomba dans un découragement profond; « il fut dix jours de suite sans articuler un mot, même au sein de sa famille.» (Mme Campan.) Sans doute sa conscience luttait et souffrait; il ne voyait plus dans l'avenir de chance favorable, pour reconquérir ce qu'il croyait être les droits de sa couronne et sauver sa famille, que l'intervention de ces puissances étrangères contre lesquelles il avait demandé à la France de s'armer. Du reste, il était déjà engagé dans cette voie fatale. Au commencement de mai, il avait donné des instructions secrètes à un ancien rédacteur du Mercure de France, Mallet du Pan, qui, sorti de Paris le 24 mai 1792, sous le nom de M. Fournier, marchand de toiles, s'était rendu à Coblentz, puis à Francfort, où il eut plusieurs conférences, du 45 au 18 juillet, avec de Cobentzel, ministre d'Autriche, et de Haugwitz, ministre de Prusse. Mallet du Pan a écrit un récit succinct de ces conférences. « On me demande (les ministres) si la grande pluralité du royaume est déclarée contre l'ancien régime: répondu affirmativement... On me dit qu'aucune paix ne peut régner entre la France et ses voisins tant qu'elle sera livrée à l'anarchie, puisqu'elle oblige à des cordons, des dépenses, des précautions extraordinaires de tranquillité.» (Mém. et Corresp. de Mallet du Pan.) Les instructions approuvées par Louis XVI et communiquées par Mallet du Pan, dans ces conférences, aux deux ministres étrangers, contenaient ces passages : « Représenter l'utilité d'un manifeste de la part des cours de Vienne et de Berlin... l'importance de rédiger ce manifeste de manière à séparer les jacobins et les factieux de toutes classes du reste de la nation; Déclarer: qu'on s'arme pour le rétablissement de la monarchie et de l'autorité royale légitime, telle que Sa Majesté elle-même entend la circonscrire ; qu'en entrant dans le royaume, les puissances ne peuvent traiter ni ne traiteront qu'avec le roi... - et qu'ensuite, par une négociation définitive entre Sa Majesté et les puissances, négociation où les princes et les émigrés seraient admis comme partie lésées, on déterminera un plan général de restauration sous les auspices des puissances. » Ces conseils de Louis XVI aux souverains coalisés furent bien accueillis; ils leverent tous les scrupules: ce

n'étaient plus seulement, en effet, des réfugiés mécontents qui sollicitaient l'appui des armes étrangères pour se faire réintégrer dans leurs priviléges; c'était le roi de France lui-même, le représentant « de la monarchie et de l'autorité royale légitime », qui se concertait avec les représentants du même principe de légitimité en Autriche et en Prusse, et confiait à leurs armes, dont il ne mettait pas en doute le succès, le rétablissement de son trône. Ce n'était donc pas à tort que l'on soupçonnait Louis XVI de vouloir l'invasion de la France comme moyen d'arriver à une contre-révolution. Si ces vœux coupables se fussent réalisés, on ne saurait douter qu'il n'eût été disposé personnellement à maintenir quelques-unes des réformes décrétées par la première Assemblée nationale; mais comment ne pas croire, en songeant à sa faiblesse, qu'il eût été emporté en arrière bien au delà de ses intentions par le parti triomphant? Et, sans parler des représailles sanglantes dont les débuts de la restauration ont depuis donné quelque idée, à quels temps lointains n'eussent pas été ajournées l'abolition de tant d'abus oppressifs et la régénération de la France?

Les royalistes constitutionnels, malgré ce qu'ils savaient ou devinaient de ces négociations secrètes du roi avec les cours d'Autriche et de Prusse, persistaient à chercher dans la légalité les mesures nécessaires pour vaincre les obstacles intérieurs qui, suivant eux, entravaient le développement régulier de la révolution. Le 18 juin, Lafayette avait écrit à l'Assemblée une lettre où il accusait le jacobinisme d'ètre la cause de tous les désordres, et la suppliait d'anéantir le règne des clubs pour mettre à la place celui de la loi. La lecture de cette lettre avait été suivie d'un grand tumulte. Les girondins s'étaient opposés à ce qu'elle fût imprimée. Les clubs la dénoncèrent comme la preuve d'un complot entre les constitutionnels et la cour. Le souvenir des événements de Mons et de Tournay, l'imminence de la guerre, l'insuffisance des préparatifs, qui accusait la mollesse ou la mauvaise volonté du pouvoir exécutif, redoublaient la fièvre des esprits. Dans les réunions des faubourgs, il fut résolu que le peuple s'armerait le 20 juin pour célébrer l'anniversaire du serment du Jeu de paume et présenter une pétition à l'Assemblée et au roi. Le 49 juin, le directoire du département, averti de ce projet, défendit les attroupements armées : cet arrêté fut porté à l'Assemblée qui l'entendit froidement et passa à l'ordre du jour elle venait de recevoir signification des deux « veto » du roi aux décrets sur les prêtres insermentés et sur l'établissement du camp de 20 000 hommes.

Le 20 juin, dès le lever du jour, des groupes munis de piques et de fusils se formèrent dans les faubourgs et grossirent rapidement. A onze heures du matin, le procureur-syndic du département, Roederer, vint à l'Assemblée et lui signala

l'illégalité et le danger de cette prise d'armes sous prétexte de pétition. Vergniaud répondit que si c'était un abus, on l'avait déjà plusieurs fois toléré: en ce moment, les girondins, exclus des conseils du roi, n'avaient point d'objection à ce qu'une manifestation populaire fit mieux comprendre à la cour ce qu'elle devait redouter si elle conspirait contre la révolution. Bientôt une députation entra dans la salle et présenta la pétition, où étaient ces mots : « Le peuple est prêt; il est disposé à se servir de grands moyens pour exécuter l'article 2

de la déclaration des droits résistance à l'oppression!» Les pétitionnaires armés, au nombre de plus de trente mille, et quelques bataillons de la garde nationale, défilérent ensuite dans la salle pendant trois heures; ils étaient conduits par Santerre et le marquis de Saint-Hurugues. Des femmes, des enfants, agitaient des branches d'olivier. On lisait sur des drapeaux : « La constitution ou la mort!» et « Vivent les sans-culottes! » Parmi les signes symboliques qu'on portait comme des enseignes, il y en eut un qui provoqua des cris de

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Décoration portée par les membres de l'Assemblée législative dans l'exercice de leurs fonctions.

dégoût et d'horreur: un homme brandissait au bout d'une pique un cœur d'animal surmonté de l'inscription: «< Cœur d'aristocrate! » De l'Assemblée, cette effrayante armée passa dans le jardin des Tuileries, le traversa en criant: « A bas le veto!» puis alla envahir les rues et les petites cours qui précédaient alors le château du côté opposé. Vers quatre heures, les portes furent forcées et la multitude se précipita dans les appartements. Le roi, entouré de quelques serviteurs et d'officiers de la garde nationale, se transporta dans une grande salle, vers une embrasure de croisée; on lui donna pour siége une chaise placée sur une table. Les flots de pétitionnaires se succédèrent devant lui; il était calme et résolu; aux cris répétés « A bas les prêtres et les aristocrates! à bas le veto!» il répondit plusieurs fois avec fermeté: « Ce n'est ni la forme, ni le moment de l'obtenir de moi. » On lui présenta un

bonnet rouge au bout d'une pique; il le plaça sur sa tète. Un grenadier lui tendit un verre de vin, il le but. Sa sœur Élisabeth était parvenue à s'approcher de lui et semblait vouloir le protéger par sa présence; mais la reine était retenue avec ses enfants dans une autre salle, où quelques gardes nationaux lui servaient de rempart on lui avait aussi présenté un bonnet rouge, et elle l'avait mis sur la tête du Dauphin. L'Assemblée, en apprenant que le château était envahi, s'était empressée d'envoyer une députation de vingt-quatre membres près du roi. Pétion n'arriva que vers cinq heures et demie; il crut devoir prononcer quelques mots pour rassurer Louis XVI, qui posa la main d'un garde national sur son cœur, en disant : « Voyez s'il bat plus vite qu'à l'ordinaire. » Ce fut seulement à sept heures du soir, et après les instances réitérées de Pétion et de Santerre, que la foule des insurgés sortit peu à peu du château.

Le lendemain, l'Assemblée parut indécise et triste. Le roi fit publier une proclamation où, se plaignant que la multitude fût entrée dans son habitation à main armée, il déclarait, avec une amertume qui n'était pas sans dignité, qu'on pouvait, si on le voulait, commettre un crime de plus. De son côté, la municipalité, par un avis affiché, engagea les citoyens à ne plus s'armer et à respecter le roi et l'Assemblée. Des adresses de sympathie furent envoyées au château; les représentants en reçurent d'autres, plus nombreuses, rédigées dans un sens contraire. Le 28, Lafayette parut à l'Assemblée et lui demanda de poursuivre les instigateurs des événements du 20 juin, de détruire la secte des jacobins et de faire respecter les autorités. On l'invita aux honneurs de la séance; mais, en sa présence, plusieurs députés commentèrent et blåmèrent sa pétition et sa conduite. Il se rendit au château, et il y fut reçu avec froideur. Le lendemain, il tenta de réunir la garde nationale, très-déterminé, si l'on voulait le suivre, à chasser les jacobins de leur club et à en murer les portes. Ce projet ne rencontra que de tièdes approbations: la cour détourna d'y prêter leur concours ceux sur lesquels elle pouvait agir. Lafayette dut retourner à l'armée; il n'avait fait que compromettre sans utilité sa popularité déjà trèsamoindrie.

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La manifestation du 20 juin, que l'on appela une nouvelle « journée des Dupes », avait surexcité les ressentiments du parti contre-révolutionnaire. « Paris a comblé la mesure de ses crimes, écrivait l'abbé de Pradt à Mallet du Pan... Du fer, morbleu! du fer!» Le fer approchait. Quatre-vingt mille Prussiens divisés sur trois colonnes, vingt mille Autrichiens, trois détachements d'émigrés, se préparaient à franchir les frontières. Les Sardes aussi s'avançaient. Contre tant d'ennemis, préparait-on des forces suffisantes? Quels étaient les sentiments des généraux, des officiers? Depuis le 28 avril surtout, on doutait de l'armée. Aucune proclamation, aucun acte ostensible du gouvernement ne rassurait le pays. Les citoyens les plus modérés se répétaient entre eux : « Si le roi ne peut ou ne veut pas nous défendre, il faut qu'il abdique ou que l'on prononce sa déchéance. » Cette idée de déchéance se propageait d'autant plus qu'on s'était attendu à la voir réalisée au retour de Varennes. Dans divers départements, à la nouvelle que le roi s'opposait au camp de réserve sous Paris, des régiments de volontaires se levò rent spontanément et se mirent en marche vers la capitale. Le 2 juillet, l'Assemblée autorisa ces troupes à assister à la fédération du 44 juillet et à se rendre ensuite à Soissons. Elle décréta aussi le réélection des états-majors de la garde nationale à Paris et dans les départements.

Le 3 juillet, Vergniaud prononça un discours qui résumait ainsi les impressions publiques : « Une formidable armée de Prussiens menace le Rhin... Comment se fait-il qu'on ait choisi ce moment pour renvoyer les ministres populaires, livrer l'empire à des mains inexpérimentées, et repousser les mesures utiles que nous avons cru devoir proposer? Serait-il vrai qu'on redoute nos triomphes? Est-ce donc du sang de Coblentz ou du vôtre dont on est avare?... Si nos armées ne sont pas complètes, le roi n'en est sans doute pas coupable; sans doute il prendra les mesures nécessaires pour nous sauver, sans doute la marche des Prussiens ne sera pas aussi triomphante qu'ils l'espèrent; mais il fallait tout prévoir et tout dire, car la franchise peut seule nous sauver. »

L'attente de toute la nation en alarmes exigeait une preuve de vigilance et d'énergie; l'Assemblée rendit, le 4 juillet, un décret portant que, lorsque le corps législatif croirait le péril extrême, il le déclarerait par cette formule solennelle : « La patrie est en danger! et qu'aussitôt après cette déclaration, tous les conseils des communes, des districts et des départements se mettraient en permanence; tous les citoyens, jeunes ou vieux, prendraient les armes, et tous ceux qui arboreraient un signe de rébellion seraient punis de mort. >>

Le 5, le roi envoya un message à l'Assemblée, pour lui annoncer l'alliance de Vienne et de Berlin contre la France, et le rassemblement de l'armée prussienne sur la frontière. Cet avis tardif, qui n'apprenait aucun fait nouveau, fut accueilli par des murmures. Toutefois le danger commun semblait disposer les diverses fractions à s'unir, au moins temporairement. Le 7 juillet, un évèque constitutionnel de Lyon et député, nommé Lamourette, ayant fait avec onction, au nom du salut de la patrie, un appel à la concorde, à l'oubli des inimitiés et des méfiances, tous les députés se levèrent, et, se jetant dans les bras les uns des autres, s'embrassèrent: on envoya une députation au roi, qui parut touché; mais cet entraînement ne dura pas vingt-quatre heures. Le soir, l'Assemblée fut informée que, par suite des évé- · nements du 20 juin, le département suspendait de ses fonctions le maire de Paris, Pétion, et qu'un grand nombre de directoires des départements soulevaient l'esprit public contre la constitution. C'était assez pour ranimer les méfiances. Au milieu de ces agitations croissantes, tous les nouveaux ministres, comprenant leur insuffisance, donnèrent leur démission (10 juillet), et le roi leur donna pour successeurs des hommes aussi peu influents qu'eux-mêmes (4).

Le 42 juillet, Pétion parut à la barre il venait expliquer sa conduite dans la journée du 20 juin.

(') Ces ministres furent : Dabancourt, à la guerre; Bigot de Sainte-Croix, aux affaires étrangères; Champion, à l'intérieur; Dubouchage, à la marine; Dureau de Lamalle, aux contributions publiques.

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