l'aumone, qui n'est qu'une partie de la charité, mais qui, au milieu de la corruption, retrace encore quelque ombre des vertus qui n'existent plus. Sans adopter la Chronologie des Indiens, il paroît qu'aucun peuple existant ne remonte si haut dans l'antiquité. La Nation Indienne doit la durée de sa longue existence à l'indolence qu'elle a contractée dans les elimats du midi, Comme elle n'a jamais fait de résistance, elle n'a jamais été ni détruite, ni dispersée; elle s'est soumise sans quitter ses mœurs, sans fe déranger de ses usages, sans se méler aux conquérans. Elle est ce qu'elle a été, gardant ce qu'elle a, n'enviant point ce que les autres possèdent, & voyant avec indifférence, avec dédain même, & nos livres, & nos inftrumens, & nos connoissances. C'est par cette obstination qu'elle a gardé, & fes traditions, & les sciences dont elle étoit dépositaire. C'est parce que les Indiens font anciens sur la terre, qu'ils ont eu le temps de perfectionner l'Astronomie; & c'est parce que leur Astronomie est perfectionnée, qu'ils : sont évidemment un des plus anciens peuples du monde. Ce raisonnement de M. Bailly n'est pas bien concluant; car nous avons certainement de trèsgrands Aftronomes, & l'Aftronomie n'est cultivée parmi nous que depuis quelques fiècles. << Il se présente une question, dit M. Bailly, c'est de sçavoir si cette Astronomie des Indiens n'a pas été empruntée des Egyptiens, à qui Ciceron attribue la découverte du mouvement de Venus & de Mercure autour du Soleil.... Nous répondons que 1'Astronomie Egyptienne, qui nous est parvenue, se borne à l'art d'orienter les édifices, & à la connoissance de la durée de l'année de 365 jours. Ces connoissances étoient utiles & importantes pour les Grecs , encore plus ignorans que les Egyptiens. Les élèves ont loué leurs maîtres. Nous dirons que fi les Egyptiens ont laissé une grande réputation, les Indiens ont confervé des monumens. Quand on nous montreroit l'Astronomie Indienne infcrite sur les colonnes 'Egypte, nous opposerions les ma ..... nuscrits dont les Indiens font poffefseurs; & ce seroit un grand procès à juger, que de sçavoir lequel des deux peuples est l'inventeur. S'il y a eu réellement en Egypte une Astro. mie inventée parles Egyptiens, pourquoi Ptolomée ne nous en a-t-il pas parlé? Pourquoi n'a-t-il cité aucun résultat, ni employé aucune détermination? Pourquoi ne cite t-il que _des Chaldéens, & n'employe-t-il que leurs périodes, leurs élemens & leurs observations? Cette Aftronomie EgyFtienne, ignorée de Ptolomée, qui vivoit en Egypte, ne peut être aucunement connue des Européens modernes...... Nous croyons que les Indiens font inventeurs, que leurs déterminations sont originales & prises fur la nature; parce qu'elles ne refsemblent point à celles des Aftronomies étrangères; parce qu'elles représentent l'état du Ciel au moment de l'époque que les Indiens ont établie... Il y avoit en Afie des traditions répandues, peut-être des copies manufcrites plus ou moins ..... complettes des Tables Indiennes où les Chaldéens avoient puisé ces connoillances. On peut croire que les Grecs d'Alexandrie ont profité de ces instructions; & en rapprochant leurs déterminations de celles des Indiens, on peut retrouver des traces de la communication. Ariftarque est un des premiers & des plus célèbres Astronomes de l'école d'Alexandrie; on lui attribue les opinions les plus saines, les plus grandes découvertes & les mesures les plus délicates. II avoit en effet, l'opinion la plus juste de la distance infinie des étoiles; il plaçoit le soleil au centre du monde; il a donné une méthode très-ingénieuse pour estimer le rapport de la distance du soleil à la lune; il avoit mesuré affez exactement la distance de la lune à la terre; il a aussi mesuré le diamètre du soleil. Voilà des progrès bien rapides & bien étonnans pour des commençans ! Il faut se rappeller qu'Ariftarque n'avoit derrière lui, qu'Ariftille & Timocharis & qu'il n'y avoit pas un demi fiècle que l'école d'Alexandrie étoit établie, &c. » La nature de ce Journal ne nous 1 permet point d'entrer dans tous les calculs astronomiques, sur lesquels M. Bailly se fonde pour prouver que les Egyptiens, & ensuite l'école d'Alexandrie, ont été les imitateurs des Indiens. Nous ne doutons pas que des sçavans en ce genre, ne trouvent des réponses à ses raisonnemens; mais on aura bien de la peine à lui ôter son amour & sa prédilection pour ses chers Indiens. Je fuis, &c. |