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Abbé Tн. MOREUX. Pour comprendre Einstein! (1)

Ce livre est le plus parfait qui puisse exister pour empêcher de comprendre quoi que ce soit aux théories d'Einstein.

L'auteur a accumulé dans ce livre presque toutes les erreurs qui ont paru sur la question, en y ajoutant un fonds personnel considérable.

Et d'abord, il trouve qu'Einstein a été surfait et qu'on a exagéré son rôle « puisque ce dernier n'offre « que l'interprétation, à sa manière, d'une formule « imposée jusqu'ici par nos expériences. » (p. 39).

Réponse. Oui, mais cette interprétation permet de comprendre une quantité de phénomènes physiques jusqu'alors restés sans explication, et de grouper en une synthèse extrêmement simple une quantité de lois jusqu'alors éparses dans la Géométrie, la Mécanique, la Physique et la Chimie.

Et puis, si la Relativité restreinte est l'interprétation, par Einstein, de formules déjà établies avant lui, la Relativité généralisée, qui résout le problème fondamental de la gravitation, est bien son œuvre propre, et c'est la plus puissante synthèse rationnelle qui ait été tentée depuis que la science existe.

M. MOREUX.

Les non-initiés ne comprennent plus, ou plutôt, ils croient comprendre que toutes « nos antiques notions s'en sont allées à la dérive, que

(1) Gaston Doin, éditeur, Paris.

« les anciens philosophes raisonnaient comme des « enfants, qu'un homme sorti d'Israël, nouveau messie « de la science, est venu qui a renouvelé nos concep«<tions, jetant bas tout ce que la pensée humaine << avait jusqu'ici vénéré, brisant les idoles chères à << nos aïeux. » (p. 47).

Réponse.

Pardon, M. l'abbé, les questions de religion n'ont rien à voir là-dedans...

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M. Moreux. « Einstein, j'imagine, n'a nul besoin « de cette inopportune réclame; avant d'être le théo<< ricien que nous savons, il avait à son actif d'impor<tants travaux sur la Physique moléculaire, et plus « tard, cela suffira peut-être à sa renommée » (p. 18). « Les relativistes ont collé sur nombre de phéno« mėnes des étiquettes nouvelles ; ils ont peut-être, « par leurs formules, signalé des rapports naturels « insoupçonnés de nos devanciers, mais le plus sou« vent, les divergences avec notre mécanique classique << sont si faibles, les assises de leur théorie si peu «assurées, qu'on est en droit de se demander si les « efforts déployés pour d'aussi faibles résultats justi<< fient tant de bruit, et si derrière ce tapage fait << autour du nom d'Einstein, il n'y a pas autre chose... « Je laisse à d'autres le soin d'élucider l'affaire. » (p. 240).

Réponse.

Tout ce tapage, qui a bien étonné Einstein lui-même (car ses propres idées lui paraissent «<extrêmement naturelles »), vient de l'intérêt que les savants, les philosophes et tout le monde, attachent aux changements opérés dans les notions de temps

et d'espace. Einstein, le premier, a montré que la simultanéité est relative.

M. MOREUX.

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Mais en prenant la définition d'Einstein, « on pourrait arriver à dire ceci Deux « événements peuvent se produire en même temps sans « qu'ils soient simultanés (p. 47) »...

« Quand on descend au fond des choses, quand on << serre les termes de plus près, on pense à la fable « du Chameau et des bâtons flottants; on s'aperçoit « que toutes ces propositions paraissent profondes «<et anormales tout simplement parce que nous << oublions que les expressions en sont convention«nelles on joue sur les mots.

Supposons que mon ami, porteur d'un chrono« mètre réglé sur le mien vienne, se placer en une position telle qu'il soit plus près de B que de A. « Supposons que DB soit parcouru par la lumière en « 35 secondes tandis que AO le soit en 55 secondes fig. 5).

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« Si les deux signaux sont émis à midi, de A et de B. « moi qui suis resté en M je les apercevrai toujours à « midi 40 secordes, pour moi, les signaux sont simul a tanés objectivement (c'est-à-dire en fait) et subjec «tivement, puisqu'ils arrivent ensemble à mon œil. « Mais pour mon ami situé en D. les choses se pas

« seront tout autrement : à midi 35 secondes, il rece« vra l'émission issue de B, et à midi 55 secondes, il « recevra celle issue de A. Pour lui, la simultanéité « subjective n'existe pas. Il ne pourra conclure à la « simultanéité objective que s'il connaît les distances a des signaux, et s'il a fait un calcul.

« Ainsi, nous pouvons dire: Deux événements « peuvent se produire en même temps sans qu'ils « soient simultanés. Cette proposition, qui nous pa<< raissait révolter le sens commun, prend sa vraie « signification dès que nous la traduisons en un lan« gage précis, et nous dirons: Deux événements qui st « sont produits en deux points différents de l'espace, « au même instant, peuvent ne pas m'apparaître comme « simultanés, ou mieux, n'être pas simultanés subjecti«vement. >>

Réponse. J'ai le regret de vous dire que vous n'avez pas du tout compris la définition de la simultanéité en question (et qui est celle donnée par Einstein dans son petit livre déjà cité): dans cette définition en effet, il est essentiel que l'observateur soit placé au milieu de la distance AB, dans le système de référence que l'on choisit ; comme dans ce système la propagation de la lumière est isotrope (dans les autres aussi) cette définition correspond à ce que vous appelez « simultanéité objective » et à ce que tout le monde appelle « simultanéité » tout court. Ceci est capital. Ainsi, dans l'exemple du train d'Einstein, croyez-vous qu'un voyageur placé près de la locomotive va se fier à ses propres impressions pour savoir si les deux éclairs étaient

simultanés? Pas du tout

il interrogera le voyageur qui se trouvait assis au milieu du train (car celui-là seul se trouvait dans les conditions requises) et si ce voyageur répond : « Pour moi, les deux éclairs n'étaient pas simultanés », tous les autres voyageurs répèteront avec conviction : « Ils n'étaient pas simultanés »>.

Les raisonnements et les calculs de la Relativité reposent donc, non sur des apparences comme vous le croyez, mais sur des réalités : quand on dit : « Le temps est relatif » cela veut dire : « Le temps, tel qu'il est, tel qu'il nous est révélé par des mesures réelles, estrelatif. »

Naturellement tous les chapitres qui suivent, et qui sont basés sur cette erreur fondamentale, ne peuvent énoncer que des inexactitudes; il serait trop long de les dénombrer toutes. Je ne ferai que signaler les plus importantes.

Ainsi p. 63, il est dit que la déviation des rayons lumineux par la masse du soleil aurait pu passer tout simplement pour une vérification de l'hypothèse de l'émission (l'ancienne hypothèse de Newton sur la nature de la lumière)... Or, en réalité, il y a bien une déviation prévue par la théorie de l'émission, mais ce que ne dit pas l'abbé Moreux, c'est qu'en la calculant ainsi, on trouve un résultat moitié de celui qui a été observé et dont la Relativité rend compte exactement.

Pages 67, 68 et 69, M. l'abbé Moreux reproduit la d'monstration de M. Moch, et ajoute en note cette remarque savoureuse : « On a souvent donné des << démonstrations fausses de ce résultat dans les livres de vulgarisation; cela tient à la difficulté de se

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