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ce genre lorsqu'une théorie parait pour la première fois, il y a souvent des hommes de science célèbres et non des moindres - qui refusent leur adhésion aux nouvelles idées... ils refusent, parce qu'ayant trop longtemps vécu et raisonné avec les anciennes conceptions, ils ne peuvent s'assimiler les nouveaux raison

nements.

Un savant bien connu, physicien et mécanicien, membre de l'Institut, me disait récemment : « Les bases de la Relativité sont solides et c'est là certainement la théorie de l'avenir... Mais nous ne pouvons que difficilement nous faire à son langage, nous qui avons toujours pensé et raisonné en partant des anciens principes de la Mécanique. » Et il expliquait ainsi l'attitude de quelques autres qui, eux, refusent même d'avouer que « les bases sont solides. »

C'est d'ailleurs, ce qui rend plus méritoire encore l'attitude de certains savants comme M. Painlevé, qui a eu le courage d'avouer s'être trompé au sujet de plusieurs objections d'abord présentées contre la Relativité, et M. Brillouin, un des plus « sceptiques >> na guère, devenu maintenant un des meilleurs défenseurs des théories d'Einstein.

Malheureusement, tous n'en sont pas encore arrivés là... Il circule encore énormément d'erreurs sur la Relativité, et il est bon de répondre aux principales.

Pour y répondre, il faut d'abord exposer correctement le sujet, et, parant de ces bases, montrer par une discussion serrée que les auteurs en question se sont bel et bien trompés.

Cette discussion sera sans doute une excellente méthode pour mettre le public au courant de ce qu'est

exactement la Relativité le meilleur moyen d'indiquer la bonne voie consiste souvent à montrer quels sont les chemins qu'il ne faut pas prendre.

D'ailleurs, les difficultés qu'on rencontre dans l'initiation à la nouvelle Mécanique proviennent presque toutes du fait que cette théorie contredit quelques bonnes vieilles babitudes d'esprit ces habitudes, avec lesquelles nous vivons et que l'on peut croire au premier abord indispensables, ne le sont nullement si on en analyse les bases après mûre refléxion. Et alors les raisons qui militent en faveur des conceptions nouvelles,

fications expérimentales

raisons logiques, véril'emportent définitive

ment pour tout esprit impartial.

II.

:

Historique de la question : L'éther
et la Relativité classique

Vous savez sans doute comment s'est posé, devant le monde savant, le problème qu'Einstein a résolu : on admet, depuis Huyghens (1629-1695) et surtout depuis Fresnel (1788-1827) que la lumière se propage par des «ondes» comme le son dans l'air et comme les rides provoquées par la chute d'un caillou à la surface de l'eau mais des ondes supposent un milieu (comme l'air, ou l'eau, dans les exemples précédents) et comme la lumière se propage dans le vide, on a supposé que le vide, l'air, les gaz et tous les corps transparents étaient remplis d'un milieu transmettant la lumière, l'éther, milieu qui serait doué de propriétés quasimatérielles. Les travaux de Maxwell, de Hertz et des physiciens de la fin du XIX siècle ont permis

d'établir que la propagation de la lumière n'est qu'un cas particulier de la propagation des ondes électromagnétiques, celles qui nous transmettent les signaux de télégraphie sans fil (et même de téléphonie sans fil). Les ondes lumineuses ne sont donc que des ondes Ainsi électromagnétiques d'une certaine espèce. voilà des ondes que nous ne connaissons que par les résultats qu'elles nous transmettent (signaux lumineux ou signaux de TSF) et voilà un milieu, l'éther, dont nous sommes obligés d'admettre l'existence, mais qui ne se manifeste à nous que par des propriétés électromagnétiques ou optiques, et très indirectement; néanmoins des expériences de plus en plus nombreuses ont confirmé l'hypothèse de l'éther, de sorte qu'il y a une vingtaine d'années on ne doutait plus du tout de son existence.

Mais alors une question intéressante se posait : si l'éther est doué de propriétés mécaniques, on peut parler de vitesse par rapport à l'éther, de même qu'on parle de vitesse par rapport à l'air. Et, au fond, comme l'éther apparaissait comme étant lié à la constitulion même de la matière, cela revenait à peu près à la question du mouvement absolu. Déceler notre mouvement par rapport à l'éther, ç'aurait été mettre en évidence notre mouvement par rapport au « substratum » de la matière · - autant dire notre mouvement absolu.

Or, depuis Galilée, on a admis qu'on ne pouvait pas déceler de mouvement absolu. : l'affirmation « tel corps est immobile »> n'a pas de sens en soi, et il faut dire : « Tel corps est immobile par rapport à moi » ou « par rapport à la terre » ou plus généralement par rapport

à un certain nombre de corps qu'on considère comme fixes c'est ce qu'on appelle un système de référence : ainsi, étant, par exemple sur la terre, si je rapporte tous les mouvements à la terre considérée provisoirement comme fixe, je prends la terre « comme système de référence » ; si je suis dans un wagon et que je note le mouvement d'une mouche par rapport au wagon, je prends le wagon « comme système de référence. »

Et encore... Quand on « tourne », on s'en aperçoit parce qu'on subit les effets d'une certaine «< force. centrifuge; quand on subit une « accélération brusque » (due à un choc par exemple) on s'en aperçoit aussi, car on est projeté en avant ou en arrière par une autre espèce de « force » ; mais si on va droit devant soi, d'un mouvement rectiligne et uniforme, aucun phénomène ne permet de distinguer si on est << en mouvement » ou « arrêté » : c'est ainsi que le voyageur, dans une gare, qui voit s'éloigner doucement le train voisin, ne sait pas si c'est son train qui est en marche ou le voisin qui fuit en sens inverse; et, lorsque le train est en pleine vitesse, si son wagon est bien fermé et s'il fait nuit, le voyageur ne sait pas dans quel sens le train marche, il a même souvent l'impression qu'il va à reculons. Nous ne sentons pas du tout notre vitesse de 30 kilomètres à la seconde par rapport au « système solaire », ni la vitesse du système solaire vers la constellation de la Lyre, qui est de 20 kilomètres à le seconde par rapport à l'ensemble des étoiles.

On a donc été conduit à exprimer le principe de Relativité classique sous la forme suivante : Etant donné un premier système de référence formé par le

* centre de gravité du système solaire » (à peu près le centre du soleil) et les directions des étoiles « fixes », il est impossible de distinguer, par des mesures physiques quelconques, l'état de repos par rapport à ce système, de l'état de mouvement, pourvu que ce mouvement soit rectiligne et uniforme.

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Ce premier système de référence » et les systèmes déduits du premier par translation uniforme, sont appelés « systèmes de Galilée ». - Ainsi, supposons une voie de chemin de fer en alignement droit, fixe par rapport au premier système, et un train circulant sans cahots, sans heurts, sur cette voie à une vitesse quelconque, ce train constitue un système de Galilée ; et il est impossible aux voyageurs, s'ils n'ont pas de communication (visuelle ou autre) avec le reste du monde, de se douter qu'ils marchent ils peuvent donc prendre leur train comme système de référence, et rien n'est changé apparemment dans les phénomènes observés à l'intérieur du wagon on peut donc mettre le principe sous la forme suivante : Tous les systèmes de référence (de Galilée) s'équivalent pour l'expression des lois de la mécanique (1).

Sous cette forme, on voit combien l'idée d'un éther substratum de la matière et doué de propriétés mécaniques, était contraire au principe de Relativité : en effet, si on avait réussi à mettre en évid nce des mouvements « par rapport à l'éther », le système de référence lié à l'éther aurait été privilégié et tous les systèmes en translation uniforme n'auraient pas été équivalents...

(1) Comme ce principe contient la restriction de la translation uniforme, on l'appelle principe de Relativité restreinte.

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